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Décès d’Henri Weber. UEC, JCR, LCR, PS, un parcours idéologique emblématique

Henri Weber est décédé le dimanche 26 avril 2020. Il était une figure emblématique du parcours social et idéologique de nombreux militants soixanthuitards , marxistes dissidents et anarchistes de toutes obédiences.

Un hommage quasi unanime a salué son action. De l’extrême gauche révolutionnaire avec le NPA (Nouveau parti anticapitaliste), le nouvel habit de la LCR (Ligue communiste révolutionnaire), à l’oligarchie politico-médiatique de l’État profond, dont Radio France, la radio orwellienne, Le Monde, Médiapart, le Huffington Post, Marianne, Libération, la fondation Jean Jaurès, le PS… sans oublier Carla Bruni-Sarkozy…

Une tradition familiale de gauche

Les parents d’Henri Weber sont polonais. En août 1939, après le pacte germano-soviétique de partage de la Pologne, ils décident de partir en URSS. Son père, de formation horlogère, doit s’y improviser un emploi de bûcheron et sa mère y est couturière. Henri Weber y naîtra en juin 1944. Après 1945, ses parents reviennent en Pologne. Ils la quitteront au bout de quatre ans pour cause d’antisémitisme. Ils s’installent en France dans le 20e arrondissement parisien.

Ils inscrivent leur fils Henri Weber au Hachomer Hatzaïr, organisation scoute juive de gauche, laïque et sioniste. Il y reçoit une formation à l’entraînement de groupe, qui lui sera utile à la LCR.

Un militant révolutionnaire

Étudiant en sociologie à la Sorbonne, Il adhère à l’UEC (Union des étudiants communistes). Il y fait connaissance d’Alain Krivine, un des responsables de l’UNEF (Union nationale des étudiants de France), mais surtout, par l’intermédiaire de son frère Hubert, déjà proche du PCI ( Parti Communiste Internationaliste), le mouvement trotskiste dirigé par Pierre Frank.

En 1965, en désaccord avec le soutien du Parti communiste au candidat socialiste François Mitterrand à l’élection présidentielle, avec 70 membres de l’UEC, ils créent les JCR (Jeunesse Communiste révolutionnaire).

Sur le site du NPA, Philippe Cyroulnik, veut garder le souvenir du : « Henri du combat pour l’émancipation que nous pleurons, le camarade Tisserand ou Samuel, celui avec qui nous foulions le pavé de Paris, la jeune garde en bandoulière, celui qui chantait l’Internationale avec Jacques Higelin, celui de la jeunesse dont Liebknecht disait qu’elle était la flamme de la révolution. »

Il témoigne : « Henri fut une des figures de la JCR avec Daniel Bensaïd, Jeannette Habel, Alain Krivine, Pierre Rousset, et sur un mode moins public Gérard de Verbizier. Ils furent l’incarnation de cette organisation issue de la lutte contre le stalinisme, la solidarité avec la révolution coloniale, une détermination anticapitaliste et antifasciste, et qui tranchait par son sens de l’initiative politique, son dynamisme et sa combativité sans sectarisme. »

Le 3 mai 1968, Henri Weber accueille à la Sorbonne les militants de l’université de Nanterre, qui vient d’être fermée. C’est pendant ces événements qu’il va devenir, avec Alain Krivine, une figure des JCR et  de l’extrême gauche révolutionnaire aux côtés de Daniel Cohn-Bendit ou de Daniel Bensaïd, avec lequel il se lie d’amitié.

Philippe Cyroulnik raconte : « ils comprirent que le feu de paille était en fait “l’étincelle qui mettrait le feu à la plaine” ! Et quand 68 explosa, Henri et ses camarades étaient prêts, c’est eux qu’on retrouva sur les barricades et dans les affrontements avec les flics (au côté des anars). Ils surent qu’aller aux barricades était la voie de la grève générale. Henri était de ceux qui eurent cette intuition politique de comprendre que l’événement 68 ouvrait un moment historique. »

En juin, le mouvement des JCR est dissous. Henri Weber devient directeur et rédacteur en chef de Rouge, dont le premier numéro est publié le 18 septembre 1968. C’est un point de ralliement des anciens militants autour des  « Cercles Rouges ».

Maniement du bâton et du cocktail Molotov

En 1969, quand se crée la LCR, Alain Krivine, se souvenant de la formation acquise par Henri Weber au Hachomer Hatzaïr, lui confie la responsabilité du service d’ordre. Henri Weber lui donnera son hymne : « Dans la nuit noire brillent les mousquetons, les CRS nous barrent le chemin, mais dans nos rangs y a pas d’hésitation, les CRS ça s’enfonce très bien ».

Il organise « des stages, des sorties en forêt le samedi et le dimanche, avec entraînement aux actions collectives, coordonnées, avec maniement du bâton, du cocktail Molotov. »

Philippe Cyroulnik rappelle à ce sujet : « Mais dans le cadre des activités du service d’ordre dont je fus un temps responsable avec mon frère Alain, Michel Récanatti et Romain Goupil, nous avons beaucoup travaillé sur des projets de manifs et d’événements politiques qui firent la notoriété de la Ligue et c’est à ce double titre que j’ai beaucoup fréquenté Henri… Son sens de l’initiative et de l’action fut à l’origine de son rôle initiateur dans l’organisation du service d’ordre de la Ligue. Son sens de l’agitation et du “coup” d’éclat en matière de militantisme l’amena à impulser la menée d’actions spectaculaires et exemplaires dans nos campagnes politiques. »

Ainsi Henri Weber a été un véritable militant révolutionnaire prônant la violence pour détruire la société française. Dans le même temps, il n’en refusait pas les avantages sociaux et matériels.

Ainsi, depuis 1973, Henri Weber vit avec Fabienne Servan-Schreiber, fille du journaliste, député, et ancien directeur du journal Les Échos, Jean-Claude Servan-Schreiber, et petite-fille de Robert  Servan-Schreiber, cofondateur des Échos et de Suzanne Crémieux, vice-présidente du Parti radical, sénatrice du Gard de 1948 à 1971

Le choix de l’action idéologique pour transformer la société

Dès décembre 1968, en parallèle à son action révolutionnaire à la LCR, Henri Weber diffuse son idéologie dans l’université. Michel Foucault le prend dans son équipe du département de philosophie de Vincennes. Il y travaillera aux côtés entre autres de Gilles Deleuze, Alain Badiou, Étienne Balibar.

Jusqu’en 1988, il enseigne la philosophie politique. Il soutient sa thèse en Sorbonne en 1973. Elle sera publiée en  dans la collection 10-18, sous le titre Marxisme et conscience de classe.

Changeant le champ de son action politique et idéologique, Henri Weber décide d’adhérer au PS en 1986. C’est le début d’une carrière dans l’oligarchie française. En , il entre au cabinet de Laurent Fabius, président de l’Assemblée nationale.

Appelé en Normandie par Laurent Fabius, Henri Weber est élu en 1995 conseiller municipal de Dieppe, puis sénateur de la Seine-Maritime. En , il est élu député européen et réélu en 2009. À ce titre, il sera membre titulaire de la commission Culture et Éducation pendant son premier mandat.

Dans les instances du Parti socialiste, il a été membre du bureau national et secrétaire national de 1993 à 2008, chargé successivement de l’Éducation nationale (1993 à 1995), de la Formation (1995 à 2003), de la Culture et des Médias (1998 à 2003) et à nouveau de la Formation (2005 à 2008). À ce titre, il relance la Revue socialiste, qu’il dirige jusqu’en 2005, et, en 1995, il préside à l’essor de l’université d’été du PS de La Rochelle et crée l’« université permanente des cadres fédéraux ». De 2008 à 2012, il est secrétaire national adjoint chargé de la mondialisation. ( selon Wikipédia ).

Enfin, de 1993 à 1995, après la défaite de la gauche aux élections législatives, il retourne enseigner à Vincennes et passe un doctorat en sciences politiques, « Acteurs et stratégies du changement social ». Celle-ci montre qu’il n’a pas changé d’idéologie, mais seulement de tactique pour l’imposer à la société.

Philippe Cyroulnik déplore ce changement : « Lui qui avec quelques camarades théorisa un peu vite la disparition historique de la social-démocratie, fut en fait rattrapé par elle, au point d’y perdre son âme de militant révolutionnaire. »  Il ajoute : « nous laisserons l’éloge de son renoncement aux chantres de l’air du temps ».

Ce n’est pas le cas de Denis Olivennes, patron de Marianne, qui dans son hebdomadaire sous le titre : « Adieu noble frère » fait l’éloge d’Henri Weber en ces termes :

« Henri Weber était passé de la révolution au réformisme. Mais il n’avait pas semé au passage son idéal de justice : la sociale-démocratie était à ses yeux la poursuite de l’exigence de sa jeunesse par d’autres moyens, plus sûrs et plus libres.

Mais ce fut, en tous les cas dans le courant incarné par A. Krivine, par Henri, par D. Bensaïd, par E. Plenel et tant d’autres, non seulement une fabrique à rêves de justice, mais encore à espoirs d’émancipation, pour la jeunesse contre le paternalisme, pour les femmes contre le patriarcat, pour les homosexuels contre le puritanisme, pour les étrangers contre le racisme… Il y avait dans la LCR, puisée aux sources du combat contre l’ordre moral stalinien, la matrice du “libéralisme culturel” que toute la société allait bientôt embrasser.

Par sa curiosité dénuée de tout préjugé, sa tolérance à l’altérité d’opinion ou d’existence, lui qui fut à la fois le disciple d’Ernest Mandel et l’élève de Raymond Aron, Henri exprimait plus que tout autre dans sa vie même ce goût pour la liberté.

Intellectuel d’action, il était l’un des derniers représentants de ces juifs d’Europe centrale et orientale qui, à partir des années 20, fournirent au Komintern d’abord et au trotskisme ensuite ses militants les plus fidèles et ses activistes les plus audacieux. Sortis du Ghetto juif par la fraternité marxiste-léniniste, ils y laïcisaient l’exigence de justice et l’espérance millénariste hérités de leurs pères. Nombre d’entre eux ensuite, comme Henri lui-même, tirant la leçon des échecs, des erreurs et des horreurs à quoi l’idéal communiste avait conduit, épousèrent avec ferveur la cause du progressisme dans le cadre d’une démocratie libérale qu’ils vénéraient désormais après l’avoir tant combattue.

Henri Weber aurait pu servir de mètre étalon au musée de Sèvres du mérite républicain. Une société tolérante à ses enfants d’où qu’ils viennent et quelques opinions qu’ils professent, capable de faire du fils d’un horloger apatride de Belleville qui parlait à peine le français, un maître de conférence en philosophie de l’Université. Et du patron du service d’ordre de la Ligue qui commanda (toute dernière et lui devant) nombre d’assauts contre les militants d’extrême droite et les forces de l’ordre, un sénateur puis un député au Parlement de Strasbourg. La France est bénévole pour ses enfants les plus talentueux et Henri fut l’un d’entre eux. Ses noces avec le pays de Victor Hugo et d’Émile Zola furent un mariage du cœur que rien ne vînt jamais troubler, lui qui récitait Racine et chantait Aragon.

Et moi et les miens qui formons avec Fabienne et leurs enfants Matthias, Clémence et Inès, une seule et même famille sommes inconsolables. »

Cet éloge de Denis Olivennes, figure de l’oligarchie de l’État profond, pour Henri Weber, militant révolutionnaire exemplaire, n’est-ce pas la meilleure illustration de l’entente idéologique entre l’extrême gauche et les dirigeants capitalistes, médiatiques et politiques français pour imposer au peuple une société mondialiste, matérialiste, individualiste et libertaire ?

Jean Theme

PS : dans l’éloge de Denis Olivennes, les passages en gras sont du rédacteur de l’article.

Crédit photo : DR
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