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Claude Brasseur (1936-2020) : une certaine manière d’être français

Si, dans deux ou trois siècles, des sociologues entreprennent des recherches sur la France de la seconde moitié du XXe siècle, ses mœurs et façons d’être, nul doute que Claude Brasseur ne constitue un choix excellent pour synthétiser le mâle hexagonal dans sa virilité sereine, sa sensibilité discrète, son enthousiasme intempestif et sa décontraction parfois inquiète.

Un enfant de la balle

Né de deux « monstres sacrés » de l’art dramatique, Odette Joyeux et Pierre Brasseur, Claude Brasseur appartient à la troisième génération de comédiens de la famille Espinasse (son père, Pierre Espinasse, a pris le nom de sa mère). Découragé par ses parents d’intégrer la digne confrérie des acteurs, Claude Brasseur songe un temps au journalisme, avant de tenter l’aventure du Conservatoire, où il côtoie tout aussi bien Françoise Fabian que Jean-Paul Belmondo ou Bruno Cremer. Cantonné dans des petits rôles (chez Renoir, notamment, dans Le Caporal épinglé, 1962), il émerge à la même époque dans Bande à part, de Godard (1964), dans le rôle du petit malfrat qui séduit Anna Karina. À ce titre, Brasseur est sans doute l’un des rares acteurs à se jouer des frontières entre Nouvelle Vague, cinéma dit populaire (impossible d’oublier son interprétation de parigot hâbleur, homosexuel secret, dans le diptyque Un éléphant, ça trompe énormément et Nous irons tous au Paradis, d’Yves Robert, en 1976-77), films policiers (il obtient un César pour son interprétation de flic de l’anti-gang dans La Guerre des polices, en 1980) et, bien sûr, théâtre. Sur les planches, il alterne également entre l’irrésistible  ballet d’épigrammes du Souper (créé en 1989), où il campe un Fouché robuste et indéchiffrable, et pièces de boulevard – il organise avec une maestria retorse Le Dîner de cons, de Francis Veber, en 1993. Auparavant, dans les années soixante, il avait été dirigé à de nombreuses reprises dans les mises en scène de classiques par Roger Planchon.  

Le père idéal

Si le décès de Brasseur nous émeut tous, c’est parce que l’homme porte en lui ce que Barthes aurait pu appeler l’image fantasmée de la francité, mélange des valeurs pérennes de l’hexagone et d’indéracinable esprit gaulois (on songe immédiatement à son rôle de Galipeau dans Le Viager, de Pierre Tchernia, en 1972). Immédiatement reconnaissable au grain de sa voix, tout à la fois rauque et chaleureuse, et son grain de beauté éloquent, il sait communiquer à tous ses personnages, de prime abord un peu granitiques, l’intelligence des émotions. Faux rigides (le père de Vic, dans La Boum, d’abord dépassé par les métamorphoses amoureuses de sa fille de 13 ans, avant de faire un virage à 180 degrés), faux beaufs (le Jacky Pic des trois Camping), les personnages qu’il incarne dissimulent sous leur rugosité apparente une élégance des sentiments, une compréhension de la complexité de l’existence, qui peuvent expliquer qu’en 100 films et à peine moins de pièces, Claude Brasseur soit devenu l’ami, le père ou l’oncle que tout(e) Français(e) rêve de compter dans sa famille.

Sévérac

Crédit photo : Thesupermat/Wikimedia (cc)
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