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Une secte chrétienne extrême : les scoptes

La Russie est une  terre où se sont épanouies maintes hérésies chrétiennes mystiques.

Parmi elles, une des sectes les plus étranges fut sans conteste celle des scoptes : ses adeptes allaient jusqu’à se castrer. Pour les hommes, il existait deux degrés de mutilation, le petit et le grand sceau ; dans le premier on retirait les seuls testicules, dans le second on amputait également le pénis. Les femmes, elles, coupaient leurs seins et éventuellement les grandes lèvres de la vulve. Le but de ces mutilations était de revenir à l’état de pureté qu’avaient connu Adam et Éve avant qu’ils ne goûtent au fruit défendu. Une des légendes scoptes affirmait en effet qu’après avoir été chassé du paradis, Adam avait utilisé la moitié du fruit défendu pour créer ses organes sexuels tandis qu’Éve s’était servie de l’autre partie pour faire naître ses seins. Les scoptes ne visaient pas à l’extinction de l’espèce humaine. Ils admettaient qu’avant de se mutiler, on puisse donner naissance à un ou plusieurs enfants. Ils visaient avant tout à la fin de la sexualité, symbole de la chute de l’Homme et du péché originel. On trouvait également des scoptes qui ne se mutilaient pas, mais vivaient seuls sans aucune relation sexuelle. Les scoptes attendaient la venue d’un messie et pour cela devaient impérativement regrouper 144 000 adeptes dans leur secte. Ce chiffre de 144 000 est donné dans l’Apocalypse de Saint Jean et est repris par plusieurs mouvements millénaristes, dont les Témoins de Jéhovah.

Le mouvement a été créé par un paysan Andréi Ivanov qui en 1771 fut condamné au knout et à la déportation en Sibérie pour avoir persuadé 11 habitants de son village de se castrer. Il avait pour assistant, un autre paysan KondratïÏ Selinanov lui aussi déporté. Ce dernier s’évada une première fois en 1775, avant d’être repris peu après. Il finit par s’échapper de Sibérie et se proclama fils de Dieu, incarné dans Pierre III de Russie, l’époux de Catherine II déposé et assassiné par cette dernière. Ce tsar était populaire chez les paysans, car il avait proclamé la tolérance de conscience dans ses États et parce qu’il avait confisqué et distribué les terres des couvents.  Sa mort mystérieuse incita plusieurs imposteurs à se faire passer pour Pierre III miraculeusement échappé à ses bourreaux.

Selinanov vécut 18 ans dans la maison d’un disciple à Saint Pétersbourg, recevant un double hommage comme tsar et comme fils de Dieu. En 1797, il fut à nouveau arrêté sur ordre du tsar Paul I et enfermé dans un asile de fous. Il fut relâché sous Alexandre I avant d’être à nouveau enfermé en 1820 dans un monastère. Il y mourut en 1832  dans sa centième année.

Le scopisme ne disparut pas avec lui et au contraire prospéra en s’appuyant sur le messianisme russe. Ses adeptes n’étaient pas seulement de simples paysans. On trouvait dans leurs rangs des officiers de l’armée de terre, de la marine, des nobles, des fonctionnaires et des popes. Les scoptes étaient si nombreux qu’entre 1847 et 1866, 515 hommes et 240 femmes furent déportés en Sibérie, sans que le mouvement ne fût ralenti. En 1874, on estimait que la secte comptait 5 744 adeptes dont 1 465 femmes. Parmi eux 703 hommes et 100 femmes s’étaient castrés. On essaya de ridiculiser les ennuques scoptes en les promenant vêtus d’habits féminins, mais rien n’y fit. On revient après 1876 à la répression : 130 scoptes furent déportés en Sibérie. Pour échapper à la relégation au-delà de l’Oural, une partie des scoptes émigra en Roumanie où ils se mêlèrent aux Lipovénes (vieux croyants), membres d’une hérésie qui avait refusé la modernisation de l’Église orthodoxe russe au dix-septième siècle. Beaucoup des cochers de Bucarest étaient des scoptes. En revanche, le métier préféré des scoptes russes était changeur et à Saint-Pétersbourg il existait un banc dit banc des scoptes qui leur était réservé

La répression des régimes communistes, soviétique et roumain, s’avéra plus efficace que celle exercée par les tsaristes. En enfermant les scoptes dans des asiles psychiatriques, en les déportant, voire en les exécutant, les communistes réussirent à éradiquer la secte. En 2021, il n’y a plus, semble-t-il, de scoptes.

Les scoptes lors des cérémonies religieuses s’habillaient de blanc avec des bas blancs (ou étaient déchaussés). Ils s’appelaient eux-mêmes « les blanches colombes ». Les réunions se tenaient tard dans la nuit et duraient jusqu’à l’aube. Ils chantaient des hymnes et ils dansaient frénétiquement jusqu’à l’extase (substitut de sexualité) comme les derviches tourneurs.

Photo d’illustration : DR
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