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L’enrichissement de l’oligarchie financière par la dette perpétuelle

La « happy hour » du « quoi qu’il en coûte » étant derrière nous, apparaît dorénavant l’autre côté de la pièce. Après cette parenthèse enchantée où l’argent coulait à flot, il nous faut maintenant payer l’addition que nous tendent les « généreux mécènes » qui nous ont secourus. Cela, c’est ce qu’on voudrait nous faire croire. La réalité diffère quelque peu du récit officiel, dans lequel l’argent de cette dette appartiendrait à des gens qui nous le prêteraient et auxquels, naturellement, nous devrions le restituer, toute dette devant être remboursée, suivant l’antienne bien connue.  Ce cas, bien qu’existant, concerne uniquement l’argent qui est prêté par un ami ou un parent, qui accepte de dépanner quelqu’un, mais n’a pas grand’chose à voir dans notre affaire.

Le mystère de la dette publique

La dette publique est créée par une émission de « bons du Trésor Public » en contre-partie d’une somme d’argent inscrite sur le compte de l’État. Jusqu’en 1973, c’était la Banque de France qui créditait ce compte. Après cette date, le Trésor Public, c’est-à-dire l’État, devait lever des emprunts sur les « marchés financiers », autrement dit les banques privées. Ces marchés ne possédaient pas, ou une faible partie seulement, de cet argent, mais, grâce au système des « Réserves Fractionnaires », ils le créaient à partir de rien. On appelle cela de « l’argent scriptural » puisque créé par une ligne d’écriture comptable. Bien entendu, les intérêts à payer portaient sur le montant total de la somme inscrite. Ces emprunts sont consentis pour une certaine durée, et la somme empruntée doit être remboursée à cette date. Par contre, les intérêts, eux, sont payés annuellement. Et par qui ?

La clé de la fortune des financiers

Ce système des « banques centrales indépendantes » s’est organisé principalement en Europe après la seconde guerre mondiale, mais il était déjà implanté en Angleterre depuis 1694 et aux Etats-Unis depuis 1913, année de création de la FED. Indépendantes du pouvoir politique en place, l’argent prêté à leur État respectif est garanti par l’impôt. Et ceci n’a pas été modifié lorsqu’elles se sont vues supplantées par les banques privées des « marchés financiers »

Elles sont même, dans la plupart des cas, à l’origine de l’impôt sur le revenu. Imprimant des billets qui ne leur coûtent que le papier et l’encre, elles perçoivent cependant des intérêts qui, eux, sont payés avec de l’argent qui correspond à une vraie création de richesses.

C’est la raison pour laquelle ces marchés ne prennent pas le moindre risque. La rémunération de leur capital, même lorsqu’il est créé à partir de rien, est garantie. D’autant plus que, dans la zone euro, bien que la BCE ne puisse directement financer les États – contrairement à la FED -, elle contourne la difficulté en rachetant ces créances aux marchés financiers, qui récupèrent immédiatement leur mise et encaissent les intérêts. Dans un tel système, il ne peut résulter qu’une concentration de richesse dans un petit cercle « d’initiés ».

A l’expiration de la durée de l’emprunt, les États, afin de rembourser le capital, réempruntent une somme équivalente. Cela s’appelle « rouler la dette » et tout le monde le fait. Et c’est un nouveau cycle de paiement des intérêts par les contribuables, mais la dette augmente quasi exponentiellement dans le temps car les intérêts, qui deviennent de plus en plus élevés, doivent à leur tour être payés par d’autres emprunts. Ce système de « boule de neige » fait la fortune des marchés financiers alors qu’il ne leur coûte pratiquement rien. Il faut savoir qu’au rythme actuel de montée des taux, ce poste budgétaire va être le plus important de notre pays et devient difficilement tenable.

La BCE, préalable indispensable à l’Euro, monnaie unique

Avant 1973, le financement de l’État était fait par la Banque de France, qui recevait des bons du Trésor en contre-partie de la monnaie créée, mais il n’y avait pas d’intérêts à payer par le contribuable. Certes, la masse monétaire augmentait en générant de l’inflation, mais qui « mangeait la dette » par diminution de la valeur de la monnaie. Autre avantage, le Franc pouvait encore être dévalué, ce qui favorisait les exportations sans augmenter les prix de revient, les salaires restant le mêmes.

L’entrée en vigueur de l’Euro, interdisant toute dévaluation du Franc, a rendu obligatoire le recours systématique à l’emprunt. On en voit le résultat aujourd’hui avec une dette publique de l’ordre de 3000 milliards d’euros. On exprime souvent la dette d’un État en pourcentage de son PIB, mais c’est uniquement pour camoufler la misère aux yeux du plus grand nombre. Ces dettes cumulées représentent la somme des déficits budgétaires depuis 1975 augmentée des intérêts versés pour lesquels il a fallu encore emprunter. Dans ce système, la dette va continuer à croître indéfiniment et les intérêts payés également. De plus, nous sommes entièrement à la merci des marchés financiers qui peuvent décider de ne plus nous financer, alors que la Banque de France n’avait pas ce pouvoir.

De fait, nous subissons tous les inconvénients de l’euro sans en tirer le moindre avantage, contrairement à nos « amis allemands » qui y trouvent une monnaie sous-évaluée favorisant leurs exportations alors qu’elle est surévaluée pour nous. Ceci se traduit par un déséquilibre croissant de notre balance du commerce extérieur car nos prix exprimés en euros sont trop élevés par rapport à ceux de nos concurrents, et cette tendance ne peut que s’amplifier au fil du temps. Elle s’élève à 132 milliards pour 2022 et progresse encore.

Toujours les mêmes remèdes

Il y a fort à parier que bientôt nos gouvernants vont agiter de nouveau le spectre de la faillite (on parle de « défaut » pour un État) et que « l’austérité budgétaire » va réapparaître, et avec elle son cortège d’augmentation des impôts et des faillites, tout ceci paupérisant encore la société française. On continuera à nous répéter sans relâche que notre salut est dans l’euro et dans l’Europe, dont nous aurons encore davantage besoin afin qu’elle nous protège plus efficacement…

La Grèce a connu cette situation en 2010 et malgré le pillage en règle et les coupes sombres dans les budgets, voit toujours sa dette augmenter.

Chacun est libre de croire ce qu’il veut.

Jean Goychman   

Photo d’illustration : DR
[cc] Breizh-info.com, 2023, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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7 réponses à “L’enrichissement de l’oligarchie financière par la dette perpétuelle”

  1. Durandal dit :

    Bonjour,

    Pour en avoir discuté autour de moi, aucun Français n’est prêt à perdre 30 à 40% de son épargne et de son niveau de vie pour sortir de l’euro. Même ceux qui sont anti-euros. Voilà pourquoi ils cautionnent généralement la guerre en Ukraine. Car ils savent inconsciemment que leur niveau de vie tient uniquement à cause du poids politique de l’euro et du dollar qui est son véritable étalon (ce qu’ils appellent bêtement “l’occident”‘). Les Français n’ont rien payé de cette dette en vérité, même lorsque les taux n’étaient pas à 0%, le paiement des intérêts se faisait par un accroissement de la dette. Et cette dette exprimée en euro, leur permet d’acheter des produits à bas coût dans le monde entier, sans rien produire ! Allez, il n’y a pas que les méchants financiers qui tirent les marrons du feu. Le citoyen lambda aussi. Il se sait solidaire de ce système de corruption et pense que ça va pouvoir durer éternellement. Tant que nous tenons un pistolet sur la tempe de la Chine et de la Russie, ça continuera ainsi. Mais il y a une morale à tout cela : en nous comportant comme des voyous, cette émission de dette ne suffit même plus à maintenir notre niveau de vie. Le monde entier a compris cette situation et cherche à se libérer de nos chaînes. Et plus nous retardons notre sortie de l’euro, plus la désindustrialisation sera avancée. Ne nous mentons pas, nous sommes actuellement des enfants gâtés incapables d’accepter une réduction drastique de notre train de vie. Toute notre société s’est d’ailleurs construite sur ce mensonge et les dégâts engendrés seraient inimaginables, surtout si nous devions sortir de ce système de corruption avec la bande de mafieux incompétents qui nous gouvernent.

    Cordialement.

    M.D

    • Jean Goychman dit :

      Bonjour Durandal
      Je souscrit à votre analyse. N’ayant pas un profil de “conquérant de l’inutile”, j’ai néanmoins écrit ce papier pour tenter de susciter une réflexion à long terme. Nos dirigeants politiques préfèrent également ne pas voir la réalité et regardent ailleurs.
      L’ennui, c’est qu’en retardant les actions qui pourraient minimiser les conséquences de la crise financière qui est en gestation, on va en aggraver les effets.
      Éternel dilemme entre une fin dans la douleur et une douleur sans fin…

  2. Gilles Boucherit dit :

    Ne wel ket Jean Goychman ez eo Alamagn ur vro gevredet pa ‘ z eo Bro C’hall kreizennet. An doare merañ ‘n traoù zo disheñvel. Abalamour d’ an Euro ha neuze da genstriverezh Europa, eo bet rediet ar Frañs da baouez gant sistem EDF da skouer a c’hell mont en dro en ur vro greizennet hepken (n’eo ket bet komprenet an dra-se hiziv gant Le Floc’h-Prigent). Da lavaret eo ne zere ket an “Euro” d’ur vro greizennet, eno ‘mañ ‘n dalc’h.

  3. Jean Goychman dit :

    Désolé pour l’orthographe. Il faut lire “je souscris”

  4. lg dit :

    Le gros avantage de la dette, pour les pouvoirs publics, c’est que le citoyen ne la voit pas. Il n’est pas concerné individuellement, contrairement aux prélèvements obligatoires. Je ne suis pas sûr que ces derniers continuent à augmenter ; sans-doute, les limites sont-elles atteintes ou proches.
    Au lieu d’économiser, la dette permet de maintenir le train de vie… Voilà le danger.

  5. mouchet dit :

    Très bon article de la monnaie et de sa dette intégrée avec des remarques de Durandal et Goychman. Depuis Louis XIV la France vit au dessus de ses moyens à crédit sans aucunes corrélations avec la valeur de la productivité. Un peu comme les assignats et l’imbécilité du banquier Law qui ruina l’Europe au 17ème siècle. Donc avec le truchement de la dette elle poursuit sa mégalomanie à l’américaine. On cite 3’000 milliards de dettes mais c’est 50% de plus avec tous les déficits reportés en comptant tout le côté destructeur de notre structure économique au profit de l’Asie. Ce qu’il faut savoir dans l’actuel ce sont la Russie et la Chine qui ont bien décelé ce système mafieux de la monnaie d’opérette et des dettes insolvables. Elles ont donc créé leur propre entité internationale bancaire financière et de transferts pour sortir du contexte dollars avec une garantie OR. Les conflits et les guerres typiques celle de l’Ukraine sont des fusibles financiers pour éviter l’effondrement financier des dettes. Type guerre 1939 1945 ou l’Allemagne en faillite à cause des des dédommagements de 1914 1918 qui était déjà une guerre pour casser le conflit social et donc une fuite en avant. Les USA se sont ruée sur l’aubaine pour imposer le dollars. Le plafond de la dette américaine vient d’être augmenté mais la gabegie est telle qu’on ne sait plus exactement le montant des dettes des USA car plus de garantie OR. Euro indexé au dollars tout l’occident donc, ou disons indexé à de la monnaie de singe, tellement en édition offset ou virtuelle que l’on peut bien dire à 98% que l’endettement du dollars et des USA se situe entre 250’000 et 275’000 milliards de dollars. Avec hors bilans qui sont des crédits déguisés en garantie aval et cautionnement, les dettes des multinationales, les émissions en bourse de plus de 50% sur des émissions trompeuses servant à la spéculation, la dette des ménages des étudiants des états etc. Je vous rappelle que les USA avaient une dette de 10’200 à 10’600 milliards en 2008. En 2023 c’est entre 40’000 et 50’000 milliards. Entre la théorie des grands principes de la FED ou la BCE, la réalité est toute autre je vous parle en connaissance de cause des marchés financiers ou une nomenklatura vit sur la dette au détriment de l’esclavage des pauvres qui crient contre l’inflation dûment organisée à leurs insu.

  6. André dit :

    Bien sûr que le citoyen moyen n’a pas conscience de la matérialisation des dettes contractées vu l’opacité de la communication sur ce sujet. En revanche, les soit-disants ” enfants gâtés ” que nous sommes voient leur pouvoir d’achat fondre au soleil de l’inflation et du relèvement des taux bancaires.
    La plupart des voitures qui roulent sont en location ( qui peut encore acheter un véhicule cash de 40.000€ ? ) on loue même les canapés de salon….vacances à crédit etc….voilà notre Faux standing de vie où plus rien ne nous appartient et notre argent ( numérique ) représente juste un clic sur le clavier de nos banques en difficultés….essayez de retirer 5000€ en cash ,comme avant, et vous verrez que votre argent ne vous appartient plus vraiment…..

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