Dans les villes et villages d’Italie, les sagre s’alternent pour la joie de leurs habitants. Hauts lieux de la culture populaire du pays, ces fêtes traditionnelles sont autant de moments d’agrégation. S’il y en a tout au long de l’année, en été, elles fleurissent du nord au sud de la péninsule, de l’Adriatique à la Méditerranée, à un rythme effréné.
L’esprit de clocher – il campannilismo – ailleurs ou dans d’autres circonstances si décrié, y est au contraire célébré, le plus naturellement du monde : en faisant festoyer la communauté, autour d’un thème marquant de sa tradition, qu’il soit culinaire, historique, religieux ou culturel. C’est tout le patelin qui est à la fête. Une des manifestations les plus authentiques du sentiment d’appartenance encore si vivace dans cette partie du monde.
Si elles sont le plus souvent organisées par le Pro Loco, l’association municipale de bénévoles pour la promotion du territoire, bien des habitants participent d’une façon ou d’une autre à sa préparation et à son bon déroulement. Aux tables, vous serez le plus souvent servis par les enfants du lieu, qui, en échange du repas sont ravis de mettre la main à la pâte.
Les victuailles sont préparées sur place, devant les convives qui mangeront sur de grandes tablées aménagées pour l’occasion. Des reconstructions historiques ou des jeux pourront suivre. Sans oublier le bal, qui lui ne manque jamais !
J’en ai fait récemment l’expérience à La sagra dello spaghetto dei carbonari, de Fraticciola Selvattica en Ombrie, où les charbonniers, ces antiques travailleurs du bois étaient à l’honneur… avec leur fidèle compagnon : le mulet ou cheval de somme. Une sculpture dotée d’une petite plaque émouvante les commémore :
Le mulet
“Moyen de transport du passé
de tous désormais oublié.
En temps de guerre par les Alpins utilisé
tu marches encore sur des sentiers escarpés.
Mais la fière Fraticciola se souvient de toi
parce que de colline au monde il n’y a pas
qui ne possède de sentier
appelé chemin muletier.”
Bacoccola Luciano
Une sculpture qui n’est pas un hautain morceau de marbre élégamment posé sur un piédestal ignoré des passants, mais une œuvre plantée aux abords du jardin d’enfants, que ces derniers découvrent, grimpent, caressent…. de la pure tradition vivante !
Toute la bourgade était alors réunie pour ces jours de fête (les sagre durent de quelques jours à plusieurs semaines). Ce que j’ai vu, ce sont des gens profondément heureux d’être ensemble, viscéralement attachés à leur petit bout de terre, chacun arborant les couleurs de son rione, une sorte de quartier hérité de temps plus anciens.
Une fierté qui culmine lors du palio de la bête de somme, une course où chaque rione est incarné par un mulet. Un indomptable mulet, ce qui corse un peu l’affaire… et fait beaucoup rire.
Dans les gradins, c’est comme au stade : de la bonne humeur, des chants, des sauts, des fumigènes, chacun soutenant et encourageant le mulet de son équipe. Toutes générations confondues. Un détail qui n’en est pas un… les événements rassemblant toutes les générations se faisant si rares !
Tous sont ensuite retournés danser, boire… bref faire la fête, du plus grand au plus petit !
On compte environ 42 000 sagre annuelles en Italie.
Audrey D’Aguanno
Photo d’illustration : Audrey D’Aguanno
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Une réponse à “Italie. Les fêtes villageoises (sagre) … ou le spectacle d’un monde d’avant”
du passé faisons table rase ! eh ben non!