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Le prix Goncourt vu par Jean Rouaud, lauréat 1990

Chaque rentrée littéraire est l’occasion pour les trois plus grands éditeurs (Gallimard, Grasset, Seuil) de se partager le gâteau des prix. Mais le plus prestigieux, le prix Goncourt, est le plus couru car ses conséquences commerciales – boom des ventes – sont formidables tant pour l’écrivain que pour l’éditeur. Un mystère demeurait : comment expliquer qu’en 1990, un Breton inconnu nommé Jean Rouaud, originaire de Campbon (au nord de Nantes), avait emporté ce fameux prix Goncourt. Après avoir été journaliste à Presse Océan (Nantes), il avait trouvé un job à Paris dans un kiosque à journaux, rue de Flandres, et s’était mis à écrire. Dans un manuscrit confié aux Editions de Minuit, il rendait hommage à un père disparu et aux morts de la Grande guerre. Le patron de sa maison d’édition, Jérôme Lindon, croyait si peu que le livre de Rouaud soit primé qu’il n’avait pas jugé bon d’envoyer aux jurés l’ouvrage comme c’est la coutume, histoire d’économiser les frais de timbres. Chez l’éditeur, on estimait que « nous ne vendrions que 350 exemplaires » (Presse Océan, jeudi 31 aiût 2023).Or, à la surprise générale, « Champs d’honneur » rafle le prix Goncourt.

Aujourd’hui, Jean Rouaud raconte le pourquoi et le comment de l’affaire. « A l’époque, trois éditeurs se partageaient le prix : Gallimard, Grasset et Le Seuil. Mais il y avait de plus en plus d’articles, dans la presse, pour dénoncer les magouilles. Or, cette année-là, un auteur Gallimard s’était dépensé sans compter pour essayer d’influencer les jurés. Au point qu’Hervé Bazin et les autres en avaient été gênés. » Il s’agissait de Philippe Labro qui était certain d’avoir le prix. « Il n’y avait personne en face, de son point de vue, et ce n’était pas moi, un kiosquier inconnu, qui représentait un danger. Sauf qu’il avait multiplié les interventions, s’autoproclamant lauréat depuis le mois d’août et ça s’était su dans le milieu. A quinze jours de l’attribution du prix, le jury a commencé à paniquer, cherchant un autre candidat en catastrophe. Or l’un des jurés, André Stil, avait entendu parler de mon livre, qui marchait très bien, par un libraire de Perpignan. Si bien que je reçus un beau jour, comme Lindon, un courrier d’Hervé Bazin me demandant d’envoyer à tous les jurés un exemplaire de mon livre. »

Finalement, les jurés ont voté contre un candidat, davantage qu’ils n’ont voté pour Jean Rouaud. « Exactement. Ils voulaient se blanchir. Et là, avec un livre de chez Minuit écrit par un marchand de journaux, ils étaient tranquilles. » (L’Obs, 24 août 2023). Dans un nouvel ouvrage « Comédie d’automne » (Grasset), Jean Rouaud raconte cet épisode.

Bernard Morvan

Crédit photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2023, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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