Nous vous proposons dans cette rubrique de découvrir l’histoire des Saints Bretons. Les saints bretons désignent des personnalités bretonnes vénérées pour le caractère exemplaire de leur vie d’un point de vue chrétien. Peu d’entre elles ont été reconnues saintes par la procédure de canonisation de l’Église catholique (mise en place plusieurs siècles après leur mort), mais ont été désignées par le peuple, leur existence même n’étant pas toujours historiquement attestée. La plupart des vitae de saints bretons qui nous sont parvenues datent en effet des ixe et xe siècles ou ont été réécrites dans le contexte de la réforme grégorienne qui induit parfois les clercs à remodeler les documents hagiographiques, issus de traditions orales transmises aussi bien dans le vieux fond populaire que dans le milieu savant, dans leur intérêt (légitimation de la figure épiscopale, du bien-fondé d’une réforme d’une communauté monastique). Le développement du culte de ces saints se développe au Moyen Âge tardif lorsque plusieurs familles de l’aristocratie bretonne s’approprient les légendes hagiographiques en justifiant par des arguments généalogiques, de la protection particulière d’un saint ou de son adoption comme ancêtre de substitution dans leurs lignages.
Les historiens actuels éprouvent encore beaucoup de difficultés pour distinguer entre imaginaire et réalité. L’historicité des épisodes de la vie de ces saints reste ainsi souvent douteuse car ces épisodes se retrouvent dans l’hagiographie tels qu’ils apparaissent dans les coutumes ou dans le folklore. La structure même du récit des vitae se rencontre dans d’autres Vies de saints dont les auteurs reprennent généralement des « conventions littéraires d’un modèle biblique qui façonnait leurs modes de pensée et d’expression ».
En 2025, environ 250 saints bretons sont représentés, chacun par une statue, à la Vallée des Saints, en Carnoët.
Le 16 septembre c’est la St Korneli
La légende dit qu’il serait à l’origine des alignements de menhirs… Saint Cornély est le patron des bêtes à cornes (karn = corne), il est aussi le patron de Tour’ch (29).
Dans le sud de la Bretagne, saint Cornély – Sant Korneli – est le plus connu [des saints protecteurs du bétail]. On doit voir en ce mot la forme bretonne de Corneille (latin Cornelius). C’est du reste sous ce nom de Corneille qu’il est connu à la Chapelle-des-Marais, en Haute-Bretagne. En Cornwall, chez les Bretons d’outre-Manche, il existe une paroisse nommée Saint-Cornelly. Ce saint homme fut pape de 251 à 253. L’Empereur Gallus le persécuta et il mourut en exil.
Selon la légende que les enfants de Carnac se font plaisir de vous raconter, Cornéli, pape à Rome, était poursuivi par des soldats païens. Deux boeufs l’accompagnaient qui portaient ses bagages. Un soir, il arriva devant la mer. Les soldats le serraient de près, rangés en bataille. Il se cacha dans l’oreille d’un boeuf et transforma ses ennemis en pierre. Telle est l’origine de ces alignements mégalithiques de Carnac, si célèbres. Ils sont, en effet, appelés Soudarded sant Korneli (soldats de saint Cornéli). Comme on le voit, la première partie du récit correspond exactement à la vie du saint. Que de plus on le fasse venir à Carnac, rien d’étonnant : c’est monnaie courante dans l’hagiographie populaire bretonne. Il plaît de rapprocher, terrestrement, les saints de nous.
Au Moustoir, à Kergroix, on faisait voir les empreintes des pieds des boeufs de saint Cornéli. Il s’agit, selon M. Le Rouzig, le regretté conservateur du Musée préhistorique Miln à Carnac, de cuvettes naturellement creusées dans le granit par les pluies, dites en maints endroits « empreintes du diable » ou d’un saint quelconque.
A Landevant, on indiquait le chemin que Cornéli avait suivi, et où la récolte poussait toujours plus drue. D’ailleurs, le saint mit à profit ses qualités fertilisantes pour tromper les soudards de Rome. Comme il arrivait près de Carnac, il vit des paysans occupés à semer dans un champ.
- Que semez-vous là ? leur demanda-t-il.
- De l’avoine, lui fut-il répondu.
- Alors, dit le saint, demain vous récolterez votre avoine.
Les gens furent assez étonnés … On le serait à moins. Pourtant, le lendemain, l’avoine était mûre.
Tandis que les paysans étaient venus la couper, des soldats romains arrivèrent.
- N’avez-vous pas vu passer ici un homme avec deux boeufs ? demanda leur chef.
- Oui, répondirent les paysans, quand nous semions cette avoine.
- Dans ce cas, répliqua-t-il sagement, il est inutile d’aller plus loin.
Quelques instants plus tard, les soldats étaient changés en pierre. Le saint Pape, dans sa fuite, arriva un soir dans un village. Les boeufs, comme lui-même, étaient très fatigués. Cornéli allait s’arrêter. Tout à coup, il entendit une jeune fille qui insultait sa mère. Choqué, ne voulant pas passer la nuit en aussi mauvais voisinage, il poursuivit sa route … Peu après il atteignait la mer.
Pourquoi a-t-on choisi saint Corneille comme patron des vaches ? Sans doute à cause de son nom. On y a astucieusement recherché Korn (corne) et heli (garder, en gallois et en vannetais).
Un recteur nous contait qu’une fois une offrande fut faite, par une vieille femme, à saint Korn, tout court… On pourrait peut-être rapprocher ce saint de la divinité cornue des Gaulois : Cernunnos. La ressemblance avec Carnac est aussi troublante, quoique ce dernier nom soit le plus souvent rattaché au gaëlique Cairn (lieu rocheux sacré).
Saint Cornéli est prié en de nombreux endroits, au pays de Vannes principalement. Citons, par exemple, les chapelles de saint Cornéli à Carnac, Languidic, Plouhinec. Nous ajouterons la Chapelle-des-Marais, la chapelle Saint-Mathieu à Guidel, la chapelle Saint-Philibert à Moélan, Baye où une cérémonie fut instituée au milieu du XIXè siècle, Stival, Plouray, Pluméliau, Buléon, où viennent bon an, mal an, à la chapelle Sainte-Anne une trentaine de vaches (et autant de chevaux)…Beaucoup de lieux qui ne possèdent pas de pardon ont pour le moins une statue. Et tel recteur considère Cornéli comme le deuxième patron de la paroisse.
G. MILLOUR : Les saints guérisseurs et protecteurs du bétail – Librairie Celtique – Paris – 1946
Crédit photo : wikipedia (cc, église st tudual de Trebabu)
[cc] Breizh-info.com, 2022, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine
6 réponses à “A la découverte des Saints Bretons. Le 16 septembre c’est la St Korneli”
A Carnac c’est l’église paroissiale qui lui est dédiée et non une simple chapelle.
Est également le Saint Patron de Merléac en Côtes d’Armor, Merci pour cette évocation.
GLM
Je crois me souvenir qu’à Merléac 22 commune essentiellement agricole en centre Bretagne où je suis né au milieu du siècle dernier Saint Korneli était aussi le protecteur de la paroisse et était fêté chaque année avec un défilé religieux vers le mois de mai ou juin, peut être que quelqu’un aura des souvenirs plus précis ou peut être que Le Pardon annuel est toujours célébré, merci
Très intéressant. Dans le Westhoek (arrondissement de Dunkerque)de très nombreux petits Flamands d’origine rurale ont (avaient!) comme 2ème prénom Cornil. C’est mon cas, celui de mon père, de mes frères. St Corneille est vénéré pourles mêmes raisons qu’en Bretagne, pour la préservation du bétail, notamment des vaches.
Comme me disait il y a bien longtemps feu Glen Mor, « la France est une grande carpette entre la Bretagne et la Flandre ». CQFD
Déjà indiqué en 2024 voici plus de précisions: Saint Cornéli à Merléac canton d’Uzel 22: « Chez nous, à Merléac, il n’y avait pas (ou plus ?) de chapelle Saint Cornély, mais l’abbé CONNAN, recteur de la paroisse, a relancé la fête de Saint Cornély après la dernière guerre. On peut lire dans son bulletin du 15 juillet 1951 » :
« Le Pardon de Saint Cornéli aura lieu le 19 août. Il sera présidé par Monsieur le chanoine Crézé, ancien curé de St Michel à St Brieuc. Il nous reste un mois pour le préparer. J’espère compter sur le dévouement et le concours de tous mes paroissiens… Le Pardon et la kermesse qui le suit, ne sont pas et ne doivent pas être uniquement l’affaire de votre recteur (à qui ils n’occasionnent que soucis, travail, fatigue), mais une affaire paroissiale… Le programme ? Le même que les années précédentes. Une innovation cependant, à la procession, on portera les reliques de Saint Cornéli renfermées dans le joli reliquaire que vous connaissez… »
La statue du Saint était transportée sur une charrette tirée par des bœufs. Ce pardon a duré jusque dans les années 60. Récemment, la place centrale du bourg a été baptisée « Place St Cornély » . Joseph Martin
https://www.zonedeloudeac.catholique.fr/Les-SAINTS-de-nos-paroisses-Saint-Cornely.html
A Lanester, existe la chapelle de Locunel, au bas de la rue du même nom. Elle est dédiée à Saint-Cornély. Elle vient d’être remise en état. Pardon le 3e dimanche de septembre, donc dimanche prochain.