ArcelorMittal : des aides publiques et des dividendes

Il y a deux façons d’aborder le dossier ArcelorMittal. D’abord le discours de la direction : « ArcelorMittal France Nord a déjà mis en œuvre toutes les mesures possibles d’adaptation à court terme, mais l’entreprise doit maintenant envisager des mesures de réorganisation pour adapter son activité au nouveau contexte du marché et assurer sa compétitivité future. » Quelques semaines plus tôt, devant les sénateurs, Alain Le Grix de la Salle, le président d’ArcelorMittal France, avait exposé la situation : « La demande d’acier en France est passée de 8,3 millions de tonnes en 2008 à 4,1 millions de tonnes en 2023, soit une division par deux. Nos effectifs en France [15 400] sont restés stables dans un marché en forte baisse. » (La Tribune Dimanche, 27 avril 2025). Pour faire face à la « crise qui frappe l’industrie de l’acier en Europe », dans un « contexte global difficile depuis plusieurs années » (AFP), la direction d’ArcelorMittal, premier groupe sidérurgique européen, a annoncé la suppression de 636 emplois en France, dont 80 à Basse-Indre (près de Nantes) – sur un effectif de 340 salariés.

Ensuite il y a lieu de souligner quelques éléments que la direction oublie d’indiquer. C’est ce que fait Robin Salecroix, secrétaire de la fédération de Loire-Atlantique du PCF. Pour lui, il s’agit d’ « une trahison économique, sociale et écologique. Le groupe, qui a bénéficié en 2023 de 300 millions d’aides publiques et versé 1,7 milliard d’euros de dividendes à ses actionnaires en 2024, sabre dans l’emploi, retarde volontairement les investissements nécessaires à la décarbonation de ses sites et prépare une stratégie de délocalisation à peine déguisée. C’est un scandale d’Etat. Toute la filière industrielle de l’acier est en péril. » Le PCF exige un moratoire « sur les suppressions de postes, la suppression des aides publiques, la relance du projet de décarbonation des sites français et la mise sous protection de la nation de la sidérurgie française, avec la nationalisation partielle ou totale ArcelorMittal. » (Ouest-France, Loire-Atlantique, lundi 28 avril 2025) Salecroix a raison d’évoquer la question de la nationalisation ; toutes les entreprises dont l’intérêt stratégique est évident devraient connaître ce régime. C’est ce qu’avait fait à la Libération de Gaulle.

L’avenir appartient à l’Inde et au Brésil

L’usine de Basse-Indre souffre d’un grave handicap : elle fabrique des bobines d’acier recouvertes d’étain ou de chrome, éléments de base des boîtes de conserve ; or « il y a la nécessité de procéder à la modernisation des lignes de production pour se conformer à l’entrée en vigueur de nouvelles normes européennes visant à interdire l’usage du chrome [identifié come substance cancérigène] dans la production de boîtes de conserve métalliques à l’horizon 2027-2028 » constate Anthony Berthelot (divers gauche), maire de Basse-Indre (Presse Océan, jeudi 24 avril 2025). Du côté des syndicalistes, on n’est guère optimiste. « L’appareil de production est vieillissant et il n’y a plus d’investissement depuis des années », résume Laurent Jessus, délégué CFDT. Pour Joris Chauvel, délégué CGT, la méthode Mittal est claire : « la politique de presser les usines, de faire du profit et de ne pas investir » débouchera sur l’apparition de l’acier « vert », « une production faite en Inde ou au Brésil, dans des usines neuves » (Ouest-France, Loire-Atlantique, vendredi 25 avril 2025)

Jean-Marc Ayrault : un costard pour l’hiver 

Parler d’ArcelorMittal en Bretagne est l’occasion de revenir sur les conditions dans lesquelles s’est opérée la fermeture définitive des hauts-fourneaux de Florange (Lorraine).  A l’époque,  Aquilino Morelle était le conseiller politique de François Hollande à l’Elysée ; il raconte comment il avait vécu les choses de l’intérieur ce 30 novembre 2021 : « Avec écoeurement. Ce soir-là, Jean-Marc Ayrault et François Hollande ont piétiné les engagements pris pendant la campagne présidentielle. Se rendre sur place et promettre aux salariés d’ArcelorMittal de les aider n’avait été pour Hollande qu’une manœuvre tactique, un “coup de com“ lui permettant de faire croire qu’il était bien “de gauche“ et de couper l’herbe sous le pied de Jean-Luc Mélenchon, qui le menaçait alors. Il n’a en vérité jamais eu la moindre intention de faire quoi que ce soit pour ces ouvriers qui comptaient sur lui ; et quand il s’est retrouvé en face de Lakshmi Mittal, le patron du groupe, un homme cynique et avide, il “a baissé son bénard“ – comme le commenta alors avec son langage fleuri le secrétaire général adjoint de l’Elysée de l’époque, un certain Emmanuel Macron. Quant à Jean-Marc Ayrault, esprit étroit et rancunier, il ne voyait là qu’une bonne occasion de se venger d’Arnaud Montebourg qu’il détestait (…) En lâchant les ouvriers de Florange, les deux hommes ont révélé ce qu’ils étaient : deux politiciens sans convictions et sans scrupule. Après cette trahison, tout était fini : non seulement Florange fut la revanche sur le discours du Bourget et de tous ceux qui ne l’avaient jamais digéré, mais ce fut le début de la fin du quinquennat de Hollande.» (L’Express, 30 avril 2025). On attend que Ayrault dépose une plainte contre Aquilino Morelle pour « diffamation »… Il ne peut pas laisser passer l’expression « esprit étroit et rancunier »… Une insulte pour celui qui fut maire de Nantes, président de Nantes Métropole, député, Premier secrétaire du Parti socialiste, Premier ministre, ministre des Affaires étrangères…

Bernard Morvan

Crédit photo : Nikolay Olkhovoy/Wikimedia (cc)
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Une réponse à “ArcelorMittal : des aides publiques et des dividendes”

  1. lg dit :

    Le Parti, les divers gauche, les syndicalistes, Aquilino Morelle et même François Hollande conseillé par Emmanuel Macron : étonnant tout de même qu’on ne soit pas parvenu à sauver ArcelorMittal !

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