La Chambre régionale des comptes (CRC) Bretagne vient de publier son rapport définitif sur la gestion de Ploërmel (Morbihan) pour la période 2019‑2023. L’analyse, détaillée et sans concession, confirme la bonne santé économique de la petite « capitale » du pays de Ploërmel, mais pointe une inquiétante spirale d’endettement, un recours massif à la fiscalité et plusieurs failles dans la transparence financière de la mairie. Tour d’horizon des principaux enseignements de ce contrôle.
Avec 9 879 habitants en 2023, Ploërmel reste le pôle d’emploi majeur de sa communauté de communes, affichant un taux de chômage (5,5 %) inférieur à la moyenne régionale. Pourtant, la population stagne et vieillit : la part des plus de 60 ans est passée de 25 % à 32,5 % en dix ans, quand celle des moins de 30 ans recule sous les 32 %. Le revenu médian (23 340 €) reste dans la moyenne bretonne, signe d’une base fiscale relativement solide.
Des comptes perfectibles et une information budgétaire à compléter
La CRC relève un écart de près de 36 M€ entre l’inventaire comptable de la commune et l’état de l’actif tenu par le comptable public : le patrimoine n’est donc pas fiabilisé. Elle exige également la mise en ligne systématique des notes de synthèse budgétaires, comme le veut la loi – un impératif de transparence encore ignoré par la municipalité. Enfin, la valorisation des travaux en régie est jugée trop approximative : le coût horaire du personnel n’est pas distingué par catégorie, faussant le montant réel des immobilisations.
Sur cinq ans, la ville a engagé 36 M€ d’investissements, dont la réhabilitation du couvent des Carmélites, un nouveau groupe scolaire et le programme « Ploërmel 2035 » de dynamisation du centre‑ville. Résultat : la capacité d’autofinancement brute reste saine (28 % des produits de gestion), mais la dette par habitant (2 185 €) est deux fois et demi supérieure à la moyenne des communes de même taille. La capacité de désendettement atteint déjà sept ans, proche du seuil d’alerte.
Le pari risqué de la hausse des impôts fonciers
Pour financer son plan pluriannuel d’investissements 2024‑2027 (21 M€), la majorité municipale a voté une double hausse de la taxe foncière sur le bâti: +10 % en 2024, à nouveau +10 % en 2025. Le taux communal passerait ainsi de 39,26 % en 2023 à 47,5 % en 2025, soit 111 € d’impôt supplémentaire par an pour un propriétaire moyen. L’objectif : générer davantage d’épargne et limiter les nouveaux emprunts à 8,5 M€. Mais la CRC avertit: les deux « leviers » (impôt et dette) auront déjà été «largement sollicités ». Toute dérive de la dépense ou baisse de recettes mettrait l’équilibre budgétaire en danger.
Ploërmel possède cinq monuments classés ou inscrits, dont l’ancien couvent des Carmélites, ravagé par un incendie en 2006. Sa réhabilitation partielle a coûté 6,8 M€, laissant 2,8 M€ à la charge directe de la commune. Pour achever le chantier, la municipalité compte désormais sur une cession à un promoteur privé qui transformera le site en logements et commerces. Plus globalement, la CRC souligne que la conservation du patrimoine monumental absorbe une part croissante des marges financières, tout en restreignant la liberté d’aménagement.
Zones d’aménagement concertéet écoles : dérives et retards
Dans la ZAC de la Noé Verte (339 logements prévus), la nouvelle école publique à haute performance énergétique accumule deux ans de retard ; la faillite d’une entreprise a alourdi la facture de 1,5 M€. Là encore, la dette supporte l’écart. La CRC rappelle que tout dérapage supplémentaire pourrait grever un peu plus une trésorerie déjà sous pression.
Cinq recommandations clés de la Chambre
- Respecter l’obligation de présenter publiquement le tableau annuel des indemnités des élus.
- Compléter le rapport d’orientation budgétaire (effectifs, temps de travail, avantages en nature).
- Publier en ligne toutes les notes de synthèse budgétaires.
- Fiabiliser l’inventaire du patrimoine en lien avec le comptable public.
- Revoir le calcul des travaux en régie, avec un coût horaire différencié pour chaque catégorie d’agents.
Ploërmel affiche un dynamisme indéniable et une épargne brute encore enviable, mais elle avance désormais sur une ligne de crête : dette élevée, pression fiscale renforcée et investissements structurants à risque. Autant d’alertes que ne pourra ignorer la nouvelle majorité, sous peine de voir la note salée atterrir directement dans la boîte aux lettres – et le portefeuille – des contribuables ploërmelais.
Crédit photos : DR
[cc] Breizh-info.com, 2025, dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention de la source d’origine