Manifestation pour le Breton à Rennes : 1 500 manifestants, un signal d’alarme… et un malaise plus profond

Samedi 17 mai 2025, entre 1 500 et 2 000 personnes ont défilé dans les rues de Rennes à l’appel du réseau Diwan et d’une trentaine d’associations culturelles bretonnes. En tête du cortège, les jeunes élèves de Carhaix scandaient : « Si la langue meurt, c’est toute la culture qui s’éteint. » Un cri du cœur, sincère, mais qui semble avoir du mal à porter au-delà du cercle des convaincus.

Une mobilisation, mais un soutien en déclin

Les organisateurs peuvent se réjouir d’avoir rassemblé en quelques semaines un cortège multigénérationnel, festif et déterminé. Pourtant, dans une Bretagne de plus de 4 millions d’habitants, dont des milliers se disent attachés à leur culture, la mobilisation reste modeste. Ce chiffre, qui aurait été perçu comme encourageant il y a vingt ans, traduit aujourd’hui une forme de déconnexion croissante entre le mouvement culturel breton et la population.

Il serait injuste de l’attribuer uniquement à un désintérêt. Car le problème est plus profond. Il touche à la fragilité du modèle Diwan, aux tensions budgétaires, à l’érosion constante du nombre de locuteurs, mais aussi – osons le dire – à un manque de dialogue entre les institutions culturelles bretonnes et le peuple breton lui-même.

Diwan en péril : symptôme d’un désengagement politique

Le cœur de la manifestation battait autour d’un enjeu : la survie de Diwan. Ce réseau d’écoles immersives, fondé en 1977, scolarise aujourd’hui 4 000 enfants dans les cinq départements de la Bretagne historique. Mais il est miné par les baisses de subventions, la fin de nombreux contrats aidés (qui constituent eux mêmes une dépendance vis à vis des autorités françaises), et l’absence d’un statut public clair.

Le déficit annuel avoisine déjà les 250 000 euros pour les forfaits non versés par certaines communes. Quant aux établissements secondaires, ils voient leurs charges exploser. En septembre dernier, un appel aux dons avait permis d’éviter le naufrage. Mais combien de fois encore la solidarité des militants palliera-t-elle l’absence d’un soutien étatique digne de ce nom ?

Un modèle à bout de souffle ?

Derrière les revendications financières, c’est toute une stratégie qui semble aujourd’hui en question. Le modèle associatif de Diwan – laïc, gratuit, mais privé – le rend difficilement finançable dans le cadre juridique français. La loi Falloux empêche les collectivités de financer davantage Diwan que l’enseignement catholique. Résultat : le réseau reste dans un entre-deux intenable, reconnu dans les discours mais marginalisé dans les faits.

Et cela se ressent dans les chiffres : selon l’institut TMO, le nombre de locuteurs bretonnants a été divisé par deux entre 2018 et 2024, passant de 214 000 à 107 000. L’érosion est brutale. Et à ce rythme, il ne restera bientôt que les slogans dans les manifs pour se souvenir de ce qui fut un combat populaire.

Vers un nouveau contrat culturel ?

Les manifestants ont avancé plusieurs propositions concrètes : versement d’un euro par an et par habitant par les communes pour soutenir les langues de Bretagne, statut public spécifique pour Diwan, inspiration des modèles catalan ou gallois.

Mais au-delà des revendications, c’est un nouveau contrat culturel qu’il faut nouer avec les Bretons. Il ne suffit plus de faire vibrer le Gwenn ha Du au vent ou de scander « Brezhoneg ofisiel ». Il faut réinsuffler du sens, du concret, du lien vivant entre la langue, les gens et la réalité de leur quotidien.

Cela passera peut-être par des alliances nouvelles, mais aussi la reconnexion au réel et la fin des lubies gauchistes qui empoisonnent le mouvement culturel breton depuis des lustres, couplé avec une reconnaissance plus forte du gallo, un décloisonnement des initiatives, et surtout, un travail patient de reconquête. De la maternelle à la maison, du marché au bistrot, des campagnes aux centres-villes. Car une langue ne vit pas dans les cortèges, aussi sincères soient-ils, elle vit dans les cœurs et dans les gestes ordinaires.

Crédit photo : DR
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