Terres rares : quand la guerre silencieuse pour les métaux stratégiques redessine l’ordre mondial

Tandis que l’Occident se berce encore d’illusions sur un retour à la paix en Ukraine, un autre front, bien plus déterminant à long terme, se joue dans l’ombre : celui du contrôle des terres rares. Ce groupe de métaux méconnus du grand public est pourtant au cœur de toutes les ambitions industrielles, militaires et géopolitiques. Et dans ce domaine, la Chine a une longueur d’avance que même les États-Unis ont du mal à combler.

L’entrée en vigueur, ce 23 mai 2025, de l’accord conclu entre Donald Trump et le président ukrainien Volodymyr Zelensky, centré sur l’exploitation des ressources stratégiques ukrainiennes, marque un tournant. Derrière la rhétorique diplomatique, ce pacte vise avant tout à sécuriser l’accès américain à ces minerais précieux que sont le néodyme, le praséodyme ou le terbium. Loin des beaux discours sur la souveraineté ukrainienne, c’est la course à la suprématie technologique et militaire qui dicte les actes.

Le monopole chinois, arme géopolitique massive

La Chine contrôle aujourd’hui 91 % du raffinage mondial des terres rares, 87 % de leur traitement et 70 % de leur extraction. Cette position monopolistique lui donne un pouvoir de nuisance immense. Pékin ne s’en cache d’ailleurs pas : elle a déjà, par le passé, coupé les vivres au Japon lors d’un litige maritime, et elle restreint aujourd’hui ses exportations vers les États-Unis dans le contexte d’une guerre commerciale larvée.

Ce monopole ne repose pas seulement sur la géologie. Il est également environnemental : le raffinage des terres rares est extrêmement polluant, et les pays occidentaux, sous pression des lobbys écologistes, ont massivement désinvesti ce secteur depuis trente ans. Pendant ce temps, la Chine a accepté de transformer son territoire en zone sacrifiée pour mieux imposer son diktat industriel.

L’hypocrisie verte à l’épreuve des faits

Les paradoxes s’accumulent. Tandis que l’Union européenne et les gouvernements occidentaux multiplient les plans pour « verdir » leurs économies – voitures électriques, éoliennes, numérisation – ils restent dépendants de métaux extraits et raffinés dans des conditions environnementales et sociales désastreuses à l’autre bout du monde. La transition énergétique verte repose sur un modèle d’exploitation industrielle que les mêmes dénoncent à longueur de journée. L’utopie technocratique écologiste bute ici sur le réel : sans terres rares, pas de batteries, pas de radars, pas de missiles de nouvelle génération.

Trump, l’Ukraine et la nouvelle doctrine de puissance

Donald Trump, avec sa brutalité habituelle, a le mérite d’avoir compris que le monde de demain se jouera sur la sécurisation des chaînes d’approvisionnement en métaux critiques. Son intérêt pour l’Ukraine, comme hier pour le Groenland, ou encore pour le corridor minier africain du Lobito, obéit à une logique de guerre économique globale, non à une philanthropie stratégique.

Reste que, même avec une relocalisation partielle de l’extraction ou du raffinage, les États-Unis et leurs alliés sont loin du compte. Les projets de diversification (Australie, Canada, Afrique…) prendront encore des années avant de produire un quelconque effet tangible. D’ici là, la Chine continuera de produire cinq à six fois plus d’armement avancé que les États-Unis, en partie grâce à son avance technologique fondée sur ces ressources stratégiques.

Vers une nouvelle colonisation industrielle ?

Pour les pays riches en terres rares, en Afrique ou en Asie du Sud-Est, l’enjeu est clair : soit ils contrôlent leur production et leurs revenus, soit ils resteront des colonies de l’ordre mondial techno-industriel. L’histoire récente laisse peu d’espoir : sans maîtrise du raffinage, des prix ou des circuits de commercialisation, ils seront exploités, puis marginalisés. Le pillage se refera, sous d’autres formes, avec les mêmes victimes.

En définitive, l’accord Trump-Zelensky ne scelle pas la paix, il officialise un nouveau théâtre d’opérations du capitalisme stratégique, où la force brute des empires s’exprime par l’énergie, la technologie et la dépendance organisée. L’Occident, s’il veut rester maître de son destin, devra cesser de rêver de « transitions » sans souveraineté industrielle. Il est temps de rouvrir les mines, de relancer le raffinage, de penser long terme. Ou d’accepter que notre avenir dépendra, au prix fort, des diktats de Pékin.

YV

Crédit photo : DR

[cc] Breizh-info.com, 2025, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

Cet article vous a plu, intrigué, ou révolté ?

PARTAGEZ L'ARTICLE POUR SOUTENIR BREIZH INFO

4 réponses à “Terres rares : quand la guerre silencieuse pour les métaux stratégiques redessine l’ordre mondial”

  1. Pschitt dit :

    L’immense territoire russe renferme sûrement bien plus de ces métaux précieux que celui de l’Ukraine.
    Poutine engloutit dans une sale guerre des moyens humains et matériels énormes. S’il les avait affectés à la recherche et à l’utilisation de ces métaux, il aurait accru sa puissance géopolitique au lieu de se mettre à la remorque de la Chine et de la Corée du Nord. Quoi qu’on dise, Trump et Poutine sont des dirigeants extrêmement différents.

  2. Aziliz Bernard dit :

    Bonjour,
    J’ai lu votre article avec attention. Nous avons en Bretagne un projet de mines porté par une société Canadienne, immatriculée aux Bermudes, Aurania. Sa filiale bretonne créée pour l’occasion recherche officiellement des minerais, officieusement de l’or, dont la présence est connue ici. Il suffit de se renseigner 2 minutes sur Keith Barron, tête de la société Aurania, pour le savoir : il ne parle que d’or, et pour cause, il se vend extrêmement plus cher que les minerais habituels.
    Si de l’or est trouvé de nouveau sur nos terres, pensez-vous vraiment que la France en bénéficiera ?!
    Autre question : des minerais, pour quoi faire ? une société toujours plus numérisée et électrifiée avec batteries, alors même que nous les méfaits des écrans à outrance et du tout électrique sont dénoncés, y compris dans vos pages.
    De quelle souveraineté parlez-vous ? Est-ce parce que les chinois l’ont fait, qu’il faut, à notre tour, polluer nos terres et mettre nos vies en jeu ? Devons-nous, « pour parvenir à une souveraineté industrielle », suivre l’exemple d’un pays au régime totalitaire ?

  3. Aziliz Bernard dit :

    Pschitt… Poutine travaille main dans la main avec les chinois… Ils sont alliés, ont les mêmes buts et pratiquent la même maîtrise de leurs images et médias.

  4. Pschitt dit :

    Oui. Tandis que Trump s’arrange pour mettre la main sur les ressources ukrainiennes, Xi en fait autant avec la Russie. Et Poutine s’est mis dans sa pogne en lançant une guerre qu’il ne maîtrise pas. Il est tout aussi coincé que Zelinsky, mais il s’est mis lui-même dans ce pétrin.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

ARTICLES EN LIEN OU SIMILAIRES

International, Santé

Vaccins Covid-19. Aux États-Unis, la FDA reconnaît un risque accru pour le cœur et restreint l’accès

Découvrir l'article

Economie, International

Désindustrialisation des USA : Steve Bannon dénonce une trahison organisée des élites au profit de la Chine

Découvrir l'article

International

La charité à géométrie raciale : le cas révélateur des réfugiés boers d’Afrique du Sud

Découvrir l'article

Economie, International

États-Unis. Immigration de masse et téléphonie : comment T-Mobile prospère grâce aux clandestins

Découvrir l'article

Immigration, International, Politique, Sociétal

États-Unis. Projet de « retour volontaire » : Donald Trump met la pression sur les immigrés illégaux [Vidéo]

Découvrir l'article

A La Une, Sociétal

8 mai 2025 : Les États-Unis, encore nos alliés ? Un sondage qui en dit long… surtout sur les biais de ceux qui le commanditent

Découvrir l'article

International, Santé

Santé publique aux États-Unis : Robert F. Kennedy Jr. et le « Grand Reset” contre Big Pharma

Découvrir l'article

Sociétal

Macron, Trump et Zelensky au Vatican : la chaise de la discorde ! – I-Média

Découvrir l'article

A La Une, Sociétal

Dominic Green : « Les États ne contrôlent plus le crime, alors ils contrôlent les mots  » [Interview]

Découvrir l'article

International

Trump, plus populaire qu’on ne le dit ? Ce que les Américains pensent vraiment de leur président

Découvrir l'article

PARTICIPEZ AU COMBAT POUR LA RÉINFORMATION !

Faites un don et soutenez la diversité journalistique.

Nous utilisons des cookies pour vous garantir la meilleure expérience sur Breizh Info. Si vous continuez à utiliser le site, nous supposerons que vous êtes d'accord.

Clicky