En France, chaque année, près de 130 meurtres restent sans réponse. Des victimes oubliées, des familles abandonnées au silence, des dossiers classés sans suite. Face à cette impasse judiciaire, une initiative citoyenne hors normes a vu le jour : l’Association d’aide aux victimes des affaires non élucidées (AVANE). Fondée en juillet 2024 par Benoît de Maillard, ancien technicien de la police scientifique, cette structure ambitionne de rouvrir les dossiers oubliés de la justice française.
Une association au service des oubliés de la justice
AVANE s’est donné pour mission de soutenir les familles confrontées au mur du non-lieu ou du classement sans suite. Grâce à un réseau de bénévoles – anciens policiers, magistrats, étudiants en droit, experts en balistique ou en criminologie – l’association offre un accompagnement complet : relecture des dossiers, analyse scientifique, assistance juridique, sensibilisation médiatique. Chaque dossier est étudié scrupuleusement et fait l’objet d’une synthèse transmise aux autorités judiciaires compétentes.
Le cas de Lina Schneider, assassinée à Strasbourg en 1994, en est une illustration poignante. Trois décennies après les faits, son fils a sollicité AVANE pour tenter de rouvrir une enquête classée depuis 1997. Même si les délais de prescription rendent une réouverture judiciaire improbable, l’association offre aux proches un soutien moral et une possibilité de faire éclore une vérité trop longtemps tue.
Une cartographie du crime oublié
Sur le site de l’association, une carte interactive témoigne de l’ampleur du phénomène : plus de 400 affaires non élucidées, réparties sur tout le territoire, recensées par des passionnés comme Romain Diverres, l’un des piliers d’AVANE. Derrière ces points colorés, des visages, des dates, des lieux, mais surtout des vies brisées et une justice incomplète.
Loin de se substituer aux forces de l’ordre ou à la magistrature, AVANE agit en complément, en mettant à disposition ses ressources humaines et techniques. Dans un système judiciaire surchargé – où un juge d’instruction ne consacre en moyenne qu’un ou deux jours par an à un dossier – l’association entend être un aiguillon, un levier, parfois même une mémoire.
Une initiative encore peu reconnue par la justice française
Malgré l’utilité manifeste de ses travaux, AVANE se heurte souvent à l’inertie administrative. Réponses tardives, dossiers inaccessibles, suspicion institutionnelle. Si certains magistrats comme Jacques Dallest ou Gilbert Thiel soutiennent l’initiative, l’appareil judiciaire peine à intégrer cette aide extérieure. Ce qui n’empêche pas AVANE d’obtenir des résultats, y compris à l’international. En octobre 2025, l’association a rejoint l’International Cold Case Analysis Project, soutenu par Amber Alert Europe. Une reconnaissance discrète, mais porteuse d’espoir.
Pour les membres d’AVANE, relancer un cold case, c’est plus qu’une quête policière. C’est une réponse humaine et sociale à l’abandon. C’est refuser que la mort d’un proche soit reléguée aux oubliettes de l’histoire judiciaire. C’est parfois l’unique façon pour une famille de faire son deuil, ou d’espérer justice.
À l’heure où les pouvoirs publics français tardent à créer un pôle judiciaire dédié aux cold cases de taille nationale, comme cela existe aux États-Unis ou aux Pays-Bas, AVANE comble un vide. Et rappelle que derrière chaque dossier oublié, il y a des noms, des visages, des douleurs.
En redonnant une voix à ces silences, AVANE accomplit un travail de mémoire et de justice que l’État, seul, n’a pas su porter. Pour en savoir plus ou pour proposer un dossier : association-avane.fr
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