Le tribunal administratif de Coblence (Allemagne) a rendu une décision retentissante en refusant à John Hoewer, un collaborateur de longue date du parti Alternative für Deutschland (AfD), l’accès à la formation de juriste (Referendariat), étape indispensable pour devenir avocat, juge ou procureur. Cette décision arbitraire, fondée sur des textes issues d’un roman et jugés contraires à la dignité humaine et sur ses liens avec des organisations d’extrême droite, soulève des questions sur la liberté d’expression, la « démocratie défensive » allemande et les limites imposées aux individus affiliés à des mouvements identitaires ou patriotes.
Un parcours marqué par l’engagement identitaire
John Hoewer, âgé de 38 ans, travaille pour l’AfD depuis au moins 2017. Il a occupé des postes de référent au sein de la fraction régionale de l’AfD en Saxe-Anhalt, puis auprès de l’ancien député fédéral Frank Pasemann. Depuis, il est collaborateur du député Sebastian Münzenmaier, vice-président de l’AfD au Bundestag. Parallèlement, Hoewer a été vice-président de l’association « Ein Prozent », classée comme « sûrement extrémiste de droite » par l’Office fédéral de protection de la Constitution, et membre de la « Junge Alternative », la branche jeunesse de l’AfD.
Ses activités ne se limitent pas à la politique. Hoewer est également écrivain et a publié le roman EuropaPowerbrutal (2021, Jungeuropa Verlag), dont le contenu a joué un rôle central dans la décision du tribunal. Dans ce livre, le narrateur (personnage inventé par l’auteur donc, et non pas l’auteur lui même) évoque une ségrégation ethnique, comparant les groupes ethniques à des « nouilles et pommes de terre » qu’il ne faudrait pas mélanger. Des passages du roman ont été jugés par le tribunal comme incompatibles avec la dignité humaine garantie par la Constitution allemande.
Une décision fondée sur la « démocratie défensive »
Le tribunal de Coblence a justifié son refus en invoquant le principe de la « démocratie défensive » (wehrhafte Demokratie), qui permet à l’État de se protéger contre ceux qui menacent l’ordre démocratique. Selon les juges, l’État n’est pas tenu d’admettre dans la fonction publique ou dans des formations sensibles des individus qui ne respectent pas les principes fondamentaux de la Constitution. Hoewer, par ses écrits et ses affiliations, ne remplirait pas les « exigences minimales de fidélité à la Constitution » (Verfassungstreuepflicht).
Le tribunal a également relevé que Hoewer a tenté, peu avant l’audience, de se dissocier de ses engagements passés, notamment en quittant ses fonctions au sein d’ »Ein Prozent » et de la « Junge Alternative ». Ces démarches ont été jugées « purement tactiques » et insuffisantes pour démontrer un réel changement de position.
Un précédent inquiétant ?
Cette décision est inédite à plusieurs égards. C’est la première fois qu’un roman de fiction sert de base principale pour refuser à un individu l’accès à une profession juridique. Hoewer, qui n’a pas de casier judiciaire et n’a pas été condamné pour des actes anticonstitutionnels, se voit ainsi frappé d’une forme d’interdiction professionnelle. Cette affaire rappelle les débats autour du Radikalenerlass des années 1970, une mesure visant à exclure des fonctionnaires soupçonnés d’extrémisme.
Pour les critiques, cette décision pourrait ouvrir la voie à une censure indirecte des œuvres littéraires et à une restriction des libertés pour les individus affiliés à des mouvements politiques controversés. D’un autre côté, les défenseurs de la « démocratie défensive » estiment que l’État a le devoir de protéger l’intégrité de ses institutions, notamment la justice, contre des individus susceptibles de poursuivre des objectifs anticonstitutionnels.
Sebastian Münzenmaier, l’employeur actuel de Hoewer, a refusé de commenter directement l’affaire, invoquant des raisons de confidentialité. Il a toutefois proposé un débat plus large sur les mesures prises contre l’AfD, telles que les interdictions professionnelles ou les fermetures de comptes bancaires. La décision du tribunal est définitive, aucune plainte n’ayant été déposée auprès de la cour supérieure.
Cette affaire intervient dans un contexte de tensions croissantes en Allemagne autour de l’AfD, un parti persécuté par les autorités allemandes alors même qu’il est le deuxième parti politique du pays, le premier dans toute une partie de l’Allemagne de l’Est. Elle pose des questions fondamentales : jusqu’où l’État peut-il aller contre la volonté de son propre peuple ? Les écrits de fiction doivent-ils être utilisés pour juger de la loyauté constitutionnelle d’un individu ?
En Allemagne, comme au Royaume-Uni, comme en France, les autorités jouent manifestement, jour après jour, contre leur propre peuple. Le réveil risque d’être brutal.
Crédit photo : DR (photo d’illustration)
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Une réponse à “Tyrannie politique en Allemagne. Un collaborateur de longue date de l’AfD interdit de devenir juriste à cause d’un roman…”
On se souvient de Nick Konrad, ce rappeur black(fils de diplomate) qui a créé la chanson « Tuez les blancs » et qui a été dégage de responsabilité ou d incitation à la haine parce que c etait de la création artistique. Ça ne marche qu en France?