Chalutage de fond : les pêcheurs bretons dénoncent une transition irréaliste imposée par idéologie

La question du chalutage de fond, régulièrement pointée du doigt par certains activistes environnementaux et relayée sans nuance par de nombreux médias, est revenue sur le devant de la scène à l’occasion de la semaine onusienne des océans. À travers des discours souvent simplistes, on voudrait faire croire qu’il suffirait de remplacer cette technique par des méthodes dites « plus douces » pour résoudre les problèmes de biodiversité marine. Mais pour les professionnels bretons de la mer, la réalité est tout autre.

C’est ce que rappelle fermement l’organisation Les Pêcheurs de Bretagne (LPDB), première organisation de producteurs de France, dans une analyse fouillée publiée en juin. Leur verdict est sans appel : la conversion massive de la flotte chalutière vers d’autres techniques est non seulement irréaliste, mais elle mettrait en péril l’équilibre économique de toute une filière.

Un changement de technique… impossible à grande échelle

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Pour des espèces comme la baudroie ou la langoustine, les volumes pêchés au chalut sont sans commune mesure avec ceux obtenus par les arts dormants. À titre d’exemple, 202 chalutiers de fond rapportent 7 000 tonnes de baudroie, contre seulement 1 800 tonnes pour 161 navires pratiquant les arts dormants. Pour la langoustine ? Zéro tonne pour ces derniers. Même constat pour l’encornet ou le grondin rouge.

Imaginer une réallocation des quotas sur ces bases, c’est tout simplement ignorer la réalité technique et biologique des pêches françaises. D’autant que les quotas actuels ne sont pas un frein pour les professionnels : sur les 20 espèces les plus ciblées par le chalut, une seule est soumise à des quotas réellement limitants pour les adhérents de LPDB.

L’environnement, un alibi mal maîtrisé ?

Présenté comme une panacée écologique, le remplacement du chalut par les arts dormants n’est pourtant pas neutre en matière d’impact environnemental. Ces techniques dites « alternatives » nécessitent souvent davantage de navires pour obtenir les mêmes volumes, ce qui engendre une pression accrue sur la bande côtière, déjà saturée. Multiplier les unités de pêche entraînerait aussi des conflits d’usage et une inversion de la tendance historique à la réduction de la flotte.

Le risque ? Que le poisson se raréfie dans les ports français et que le consommateur se tourne, bon gré mal gré, vers des produits importés de provenance bien moins vertueuse.

Un changement de métier, pas seulement d’outil

Au-delà des enjeux écologiques et économiques, c’est toute la structuration sociale et humaine des flottilles qui est en jeu. Comme le souligne LPDB, « changer de technique de pêche, ce n’est pas seulement changer d’outil, c’est changer de métier ».

Apprendre à manier un nouveau type d’engin demande des années. Les conditions météorologiques, les stratégies de capture, les savoir-faire transmis de génération en génération… rien n’est simple ni interchangeable. De plus, certaines idées véhiculées par les militants sont tout simplement inapplicables. Ainsi, transposer au golfe de Gascogne des techniques de casier utilisées dans les lochs écossais relève de l’illusion, comme l’avait déjà démontré en 2011 un programme mené par l’AGLIA.

Un appel à la gestion intelligente, pas à la diabolisation

Pour Florent Le Bolay, patron pêcheur depuis près de vingt ans, il est temps d’arrêter de caricaturer : « On n’utilise pas le chalut n’importe comment. Nos engins ne vont pas sur des fonds sensibles, et quand on chalute, on sait exactement ce qu’on fait. Ce n’est pas dans notre intérêt de détruire ce qui nous fait vivre. »

Comme le rappelle Yves Foëzon, directeur de LPDB, opposer les techniques entre elles est un non-sens. Ce dont la filière a besoin, ce n’est pas de décisions dogmatiques dictées depuis Paris ou Bruxelles, mais d’une gestion fine, adaptée à chaque territoire et fondée sur des études scientifiques solides.

Interdire massivement le chalutage de fond serait un coup porté non seulement aux pêcheurs, mais à toute l’économie maritime bretonne. Une transition écologique ne peut se faire ni dans la précipitation, ni contre ceux qui vivent de la mer. Elle doit reposer sur le bon sens, la concertation et le respect des réalités de terrain.

Photo d’illustration : DR
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4 réponses à “Chalutage de fond : les pêcheurs bretons dénoncent une transition irréaliste imposée par idéologie”

  1. kan al louarn dit :

    Paris et Bruxelles : que connaissent-ils au travail de la mer ? Encore une histoire d’écolos bobos…qui n’ont jamais mis un pied sur un bateau de pêche.

  2. Franck dit :

    Plus qu’un changement de methode il faudrait, d’une part, un changement de mentalité et un changement des directives de Bruxelles. Pour le marin ça a tououjours été « on prend ce qu’il y a à prendre et ce qui est pris est pris ». Combien de fois j’ai vu des chalutiers jeter à l’eau de la sardine en arrivant au port de St Guénolé car elle ne serait pas vendue sous criée, et tant d’autre pecher un maximum de poissons sachant que sous criée il y a un prix de barrage pour cette espèce et qu’ils sera rachetés à vil prix pour être détruits, en se disant que la quantité compensera un peu le prix de retrait. Au port du Guilvinec il est courant que l’on détruise du poisson invendu à cause de la concurrence des importations, merci l’Europe. De toutes façons, cela fait longtemps que la pêche française a été condamnée par l’Europe.

  3. Raymond Neveu dit :

    Ras le bol de ce terme: biodiversité! Une bonne saignée de ces nouveaux Bonnot s’impose! Un traitement à la 12,7 et on n’en parlera plus de ces bavards inutiles à qui le monde du fou de l’Elysée accorde trop d’importance.

  4. yeti59 dit :

    « Ce n’est pas dans notre intérêt de détruire ce qui nous fait vivre. »
    à voir. Entre la fin du mois et la fin du monde (des ressources) le choix est difficile (euphémisme)

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