Il y a des textes dont la lecture suffit à déclencher une hilarité de fond, une de ces gauloiseries discrètes qui vous saisissent lorsque le tragique se mêle au ridicule. Ainsi en va-t-il de la préface qu’Edwy Plenel, vieux flic de plume recyclé en prophète des marges, vient de signer dans l’ouvrage « Nouveaux fascismes, ripostes syndicales ». Un titre déjà sentencieux comme une affiche collée de travers sur une vitrine vandalisée. Mais derrière la rhétorique mitraillette et les appels incantatoires à « construire la digue », c’est le parfum d’une immense capitulation qui s’élève. Car le roi est nu, et Plenel pleure.
Edwy Plenel, c’est un genre en soi. Ancien trotskyste devenu inquisiteur du numérique, figure tutélaire d’un journalisme d’accusation dont les fiches ressemblent à s’y méprendre à celles de la Sécurité intérieure d’antan. L’homme n’informe pas, il poursuit. Il n’analyse pas, il instruit. Il n’écoute pas, il assigne. Sa vie entière est un procès-verbal, sa pensée un casier judiciaire.
Or voilà que l’homme aux sourcils d’alarme nous avoue, sans le vouloir, son échec. « L’époque n’est pas réjouissante », dit-il. Voilà qui est dit. Les peuples d’Europe, un à un, refusent le programme social-libéral-
Le texte de Plenel est un monument d’impuissance recouverte de pathos. Il y a dans ces paragraphes des relents de discours funèbre. L’extrême droite progresse partout, en Roumanie, au Portugal, en Pologne… comme si l’Europe toute entière, pourtant instruite par des décennies de pédagogie républicaine, avait eu le mauvais goût de voter de travers. À chaque élection, Plenel grince, s’afflige, gémit et accuse. L’Europe ne comprend pas ce qu’il lui faut pour être heureuse : plus de syndicats, plus de migrants, plus de droits sans devoirs, plus de minorités comme horizon. À la place, les peuples se tournent vers l’ordre, la frontière, l’héritage. Crime inexpiable.
« Construire la digue », répète-t-il, comme une litanie. Une digue ? À voir l’ampleur du ressac identitaire, il va lui falloir des sacs de sable bien solides. Car la mer monte. Pas la mer bleue de ses rêves postcoloniaux, mais celle, plus rugueuse, d’une Europe qui se souvient. Une Europe fatiguée d’être sommée d’expier, d’ouvrir ses portes sans fin, de renoncer à ses racines, d’accueillir sans condition et de se taire sous peine d’infamie.
Le plus cocasse dans l’affaire tient au lexique. On croirait lire une rédaction de l’Union des étudiants communistes de 1973 : « dominé·es », « racisé·es », « minorités de genre », « autodidaxie », « auto-organisation »… Toute la ferraille post-marxiste s’y retrouve, mise à jour par le wokisme importé des campus américains, cette crèmerie idéologique où se mêlent la plainte, l’accusation et la revendication victimaire permanente. Plenel, c’est l’université permanente de la déploration.
On notera aussi le fétichisme des sigles : CGT, FSU, Solidaires, CFDT, CNT, FO, UNSA, Union Pirate ! La vieille gauche syndicale se refait une santé morale dans la nostalgie de la lutte finale. Ce syndicalisme qui naguère défendait le travailleur aujourd’hui défend surtout des abstractions : genre, climat, fluidité, etc. Il a troqué l’atelier contre le happening, le prolétaire contre le militant intersectionnel.
Ce que Plenel ne voit pas, ou feint de ne pas voir, c’est que le peuple, celui qu’il prétend défendre, ne veut plus de son monde. Il ne veut pas de créolisation, ni de dilution identitaire, ni de société ouverte à tous les vents. Il veut vivre en sécurité, parler la langue de ses aïeux, transmettre un héritage. Ce peuple, qu’il soit portugais, hongrois, polonais ou français, a compris que derrière les grands mots du progressisme se cachaient souvent le désordre, la précarité, la honte de soi.
À lire Plenel, on comprend que l’idée de nation, si vivace aujourd’hui, est son cauchemar. Il hait ce mot, car il concentre tout ce qu’il a passé sa vie à combattre : l’enracinement, la mémoire, la distinction. Il ne veut pas d’une France comme civilisation, il la veut comme comptoir multiculturel. Il n’aime pas la France, il l’éduque, avec le fouet et les fiches.
Finalement, ce texte de Plenel est utile. Il montre que ses troupes battent en retraite, que les digues qu’il appelle de ses vœux ne tiennent plus, que l’histoire, une fois encore, se rit des prédicateurs. Spengler, dans Le Déclin de l’Occident, parlait de ces périodes où les civilisations refusent de mourir et où les peuples se redressent. Nous y sommes.
Plenel, lui, reste sur la plage, à crier contre la marée. Il ne construit pas une digue, il érige un mausolée. À sa mesure : doctrinaire, plaintif, et désespérément dépassé.
Balbino Katz — chroniqueur des vents et des marées —
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5 réponses à “Les larmes du soldat Plenel…ou la déroute joyeuse d’un commissaire politique devenu pleureuse en chef”
Merci pour ce joli commentaire.
Et que notre belle France revive !
Balbino Katz, Merci ! Cet article est extraordinaire de précision , vous êtes vraiment très bon ! Chapeau Monsieur! Sans avoir lu Plenel vous transcrivez exactement le ressenti que j’ai de cet infame personnage.
Balbino , BRAVO ! Un texte excellent qui place leurs prédentants à leurs places.
C.A.D. Cette gauche visqueuse qui se veut recouvrir d’une santé dont personne n’a besoin.
J’aime !…
Y te quiero Balbino !
Très bien écrit et très bien brossé, ce portrait d’un dinosaure du j URSS ique.
Plenel est l’amuseur des technocrates, et il ne cesse de dire ce que ceux-ci utilisent comme propagande, d’aimer ce qu’ils veulent et de vouer aux Gémonies ce qu’ils veulent détruire.
Pire, Plenel n’est qu’un écran de fumée, et ses incantations ne sont destinées qu’à capter l’attention en la détournant de ce qui importe.
Ce qui importe c’est que nous ne savons même pas que les dictateurs technocratiques ont installé des réseaux de suppléance permettant le maintien de leur pouvoir en cas de défaillance locale de leur emprise « traditionnelle » (entendez par emprise traditionnelle celle qui est en place depuis 1940) comme le réseau « smart cities » lequel autorise (et avec le soutien de l’ONu s’il vous plaît) des villes de ce réseau à faire appel à leurs contreparties pour réinstaurer « l’ordre technocratique » en cas de « troubles incontrôlés » (contingents de « policiers » envoyés en urgence vêtus des uniformes de la ville à mater, ouvriers et matériels pour construire des camps de concentration en un temps record etc.) https://www.weforum.org/impact/smart-cities-governance-alliance/ . Ces méthodes ont été employées avec succès dans bien des endroits en 2020 – 2021 mais l’ampleur du sursaut a empêché son usage en Europe.
Aussi le G20 a-t-il lancé une initiative de relance de ces réseaux de secours: https://www.consilium.europa.eu/media/60201/2022-11-16-g20-declaration-data.pdf
Les articles 1 à 18 de cette déclaration de novembre 2022 décrivent un état lamentable du monde (dont les auteurs se gardent de dire qu’ils en ont pris la charge depuis 80 ans) et instillent la peur en ce qui concerne les perspectives d’avenir selon eux impliquées par cet état décrit, les articles 19 à 23 sont des articles de police mondiale sur base de prétendue crise sanitaire, l’article 23 articule cet ensemble d’articles avec les articles 23 à 28 qui sont les articles programmant l’identité numérique de tous et la mise en place d’une police de la pensée et de la propagande à ce sujet, les articles 29 à 35 mettent en place le levier financier de la coercition et de « l’incitation » aux articles précédents, les articles 36 à 38 renforcent le carcan autour du commerce, l’article 39 rajoute l’aspect « gestion des ressources humaines » aux avantages de l’identité numérique, l’article 40 impose la migration comme suite logique de l’article précédent, les article 41 et 42 lient les points ci-dessus à la réussite de l’agenda 2030, les articles suivants reprennent les incantations servant de justification au libéralisme mondialisateur et à ses outils de police.
Précisément les mêmes principes incantatoires que ceux de Plénel mais sur un autre registre, celui des arguments opposables dans les arènes diplomatiques et judiciaires.