Qu’il est touchant, ce petit théâtre de Moulins, où s’agitent, comme en farce antique, un jeune homme, des bénévoles et des soldats romains de carton-pâte. Et pourtant, ce n’est pas une mascarade — c’est une tragédie française. Le reportage d’Amaury Coutansais-Pervinquière, publié dans Le Figaro, nous en donne une parfaite illustration : une gauche en panique, une droite divisée, un peuple spectateur d’une scène dont il est pourtant le véritable héros.
Ce qui se joue ici dépasse de beaucoup le cas de Guillaume Senet, ce jeune catholique aux manières douces, désireux de rendre hommage au Bourbonnais à travers un spectacle inspiré du Puy du Fou. L’affaire touche un nerf à vif de notre époque : la gauche culturelle ne supporte pas que le peuple s’empare de son histoire sans passer par ses filtres idéologiques. Elle hait l’histoire vive, charnelle, enracinée. Elle la préfère morte, désincarnée, vidée de sa substance, utile seulement à entretenir la culpabilité et le ressentiment.
Et pour cause : le réel, l’épaisseur du temps, la permanence des formes, tout cela ruine son grand projet d’homme sans racines, interchangeable, fluide et sans mémoire. Le Français, lui, n’en a cure. Il aime les fresques, les récits fondateurs, les chevaux, les torches, les oriflammes. Il aime voir Gergovie, Cluny, Napoléon s’incarner sous ses yeux. Il aime, parce qu’il sent, peut-être confusément, que son destin tient encore à ces figures — à ces silhouettes debout dans le vent de l’Histoire.
Cela, la gauche ne le tolère pas. Elle qui, depuis un demi-siècle, a colonisé les scènes, les musées, les festivals grâce à la manne publique, voit d’un œil furieux l’émergence d’un mécénat alternatif, venu d’un camp qu’elle croyait à jamais tenu à l’écart du monde de la culture. La droite, depuis peu, s’organise, finance, produit. Et là où l’argent public subventionne les polichinelles de l’anti-racisme et les pantomimes sur le genre, ces mécènes préfèrent les saints, les chevaliers et les bâtisseurs de cathédrales.
On comprend que cela irrite jusqu’à la crise de nerfs. L’argument est tout trouvé : si le spectacle plaît, c’est qu’il est « identitaire ». Ce mot valise, devenu invective, suffit à lancer les furies. On accuse le spectacle de tous les maux, on y voit une officine obscurantiste, un repaire de cléricaux, on y fantasme des écoles libres en embuscade, des réseaux opaques, des croisés d’un autre temps. On espionne même les répétitions, comme aux plus beaux jours du Kominform.
Mais rien n’y fait. Le peuple répond présent. Le succès du Puy du Fou, jadis moqué, aujourd’hui imité, témoigne d’un attrait profond des Français pour un théâtre populaire de haute tenue, où se célèbre une identité, un passé, une continuité. Ce n’est pas une nostalgie morbide, c’est une volonté de transmission. Il n’y a que dans les cénacles parisiens que le mot « tradition » est une injure. A Moulins, il est une fête.
Ce qui gêne ici, c’est que ce peuple de France ne se reconnaît pas dans les codes de l’électorat de M. Mélenchon. Il préfère les joutes à la dialectique, les arènes aux AG, les oriflammes aux slogans. Il ne veut pas « déconstruire » la France, il veut la chanter. Voilà pourquoi la gauche, privée de son monopole culturel, entre dans une rage froide. Elle n’a plus le monopole du sens. Elle ne tient plus seule la rampe. L’histoire revient par la grande porte, et ce n’est pas la sienne.
L’affaire de Murmures de la cité est ainsi emblématique de notre époque : celle d’un peuple qui tente de reprendre la parole, et d’un clergé idéologique qui hurle à la profanation. Le spectacle a lieu malgré tout. Et s’il plaît, c’est qu’il dit quelque chose de vrai. Non pas d’un programme, ni d’un parti, mais d’un peuple qui se souvient de ce qu’il est.
— Balbino Katz chroniqueur des vents et des marées
Crédit photo : DR
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2 réponses à “Moulins ou la nouvelle guerre du feu sacré”
Merci cher ami pour ce beau plaidoyer !
Je viens de voir un petit reportage…les chevaux blancs faciles à dresser ce sont des chevaux de cirque, on trouve de même au Puy du Fou! Pour le reste je ne dis rien n’y connaissant rien.