Dans le ciel mat et saturé des Pyrénées, Thymen Arensman s’est extrait comme un filigrane solitaire du grand roman du Tour. Il a grimpé, seul, comme un souvenir, vers Superbagnères. Ses jambes, ses poumons, son courage ont fait taire un instant la grande dictature du peloton. Car l’époque n’est plus à la balade romantique, mais à la géométrie chirurgicale d’une formation qui ne laisse que des miettes : UAE Emirates XRG.
On n’a pas vu le Tour, on a vu un contre-la-montre collectif permanent. Il n’y a plus de suspense, il y a Pogacar, qui décide qui gagne ou qui perd, tel un empereur romain contemplant l’arène de gladiateurs. Et autour de lui, une meute huilée jusqu’à la dernière dent de plateau, qui transforme les cols en autoroutes et les échappés en mirages. Même Romain Bardet, désormais réfugié sur la moto d’Eurosport, n’a pu cacher son malaise devant la démonstration absurde d’un Nils Politt transformé en bulldozer de col, écrasant au train des grimpeurs autrement plus légers, autrement plus doués. On se serait cru revenu au temps de l’US Postal, cette machine à laver les étapes et les doutes, cette mécanique trop parfaite pour être tout à fait honnête.
Arensman ou l’ultime permission
Heureusement, parfois, l’échappée tient. Ce fut le cas de Thymen Arensman, qui a pris ses jambes pour témoin dès le col de Peyresourde, déchirant le rideau d’altitude qui séparait le rêve de la résignation. 37 kilomètres en solo, poursuivi par un Pogacar qui grignote les secondes comme d’autres les rêves. Et pourtant, le Néerlandais a résisté. Mieux : il a gagné. Une minute d’avance à l’arrivée. Un monde dans ce Tour où l’on survit plus qu’on ne triomphe.
Derrière lui, le duel ritualisé entre Pogacar et Vingegaard s’est encore joué dans les quatre derniers kilomètres. L’un attaque, l’autre suit. Puis inversement. Toujours les deux mêmes. Pogacar, en jaune, prend quelques secondes de plus au général. La régularité du duel en devient lassante. Le combat semble codé, chorégraphié, sans véritable menace extérieure.
Un podium qui se redessine dans la douleur
La journée a été meurtrière. Remco Evenepoel, brisé dans les premières rampes du Tourmalet, a mis pied à terre. Mattias Skjelmose l’a imité. Deux abandons qui redistribuent les cartes du podium. Florian Lipowitz en profite pour grimper sur la troisième marche et récupérer le maillot blanc. Derrière, Kévin Vauquelin, courageux, sauve sa cinquième place malgré une défaillance en fin d’étape. Felix Gall, discret et constant, remonte à la septième place.
Lenny Martinez, quant à lui, a fait parler les jambes dans les cols pour récupérer le maillot à pois qu’il avait prêté temporairement à Pogacar. Dans ce Tour où même les grimpeurs doivent passer par le tamis d’UAE, le jeune Français s’est offert une respiration.
YV
Ce dimanche se terminera la deuxième semaine du Tour avec la 15e étape entre Muret et Carcassonne. Au total, une course pour les échappés, et 169,3 km sur un parcours accidenté mais non montagneux, cumulant près de 2 500 mètres de dénivelé. Trois côtes sont répertoriées dans les 100 derniers kilomètres, dont la redoutable montée du Pas du Sant (2,9 km à 10,2 %). Une étape taillée pour Van der Poel, Van Aert, ou Quinn Simmons…voire Ben Healy, des hommes en forme de ce Tour.
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