Immigration. Au Portugal, sous la pression populaire et le réel, le Parlement durcit le regroupement familial et les régularisations

Le Portugal tourne résolument le dos à la politique migratoire permissive de ces dernières années. Le Parlement portugais, nouvellement élu en mai, a adopté le 16 juillet une série de mesures visant à restreindre drastiquement les conditions d’entrée et de séjour des immigrés dans le pays. Ce durcissement, porté par la coalition gouvernementale de centre-droit de Luís Montenegro, a reçu le soutien déterminant du parti national-conservateur Chega, devenu en mai la deuxième force politique du pays.

Parmi les décisions emblématiques votées : les visas de travail ne seront désormais délivrés qu’aux candidats hautement qualifiés. Exit les régularisations facilitées pour les immigrés déjà sur place, y compris les ressortissants brésiliens, jusque-là bénéficiaires de traitements préférentiels. Le regroupement familial, jusqu’ici relativement souple, se voit lui aussi encadré par des critères plus stricts.

En parallèle, une nouvelle unité spécialisée au sein de la police nationale sera créée pour traquer l’immigration illégale et organiser l’expulsion des étrangers en situation irrégulière. Un projet de réforme sur l’acquisition de la nationalité portugaise, jugé plus sensible juridiquement, a en revanche été reporté à une future discussion parlementaire.

La fin de la « porte ouverte » socialiste

Ce virage à droite s’inscrit dans une logique entamée dès l’arrivée au pouvoir de Luís Montenegro en mars 2024. Le gouvernement avait rapidement supprimé la disposition emblématique de 2018 permettant à un immigré de demander sa régularisation après un an de cotisations sociales, même s’il était entré au Portugal avec un simple visa touristique.

À l’époque, le Portugal faisait figure d’exception en Europe, avec une politique d’intégration souple et ouverte, notamment envers les travailleurs venus d’Asie du Sud et du Brésil. Mais l’augmentation rapide du nombre d’étrangers — 1,55 million en 2024, soit 15 % de la population — et la pression migratoire grandissante ont fini par provoquer une rupture.

« Pendant des années, le Parti socialiste a prôné une immigration sans critère ni contrôle. Il faut désormais corriger cette imprudence », a plaidé Vanessa Barata, députée Chega, lors du débat parlementaire. À gauche, l’indignation est forte. Pedro Delgado Alves, élu socialiste, a dénoncé une alliance assumée entre le gouvernement et l’extrême droite, accusant l’exécutif d’avoir été « capturé idéologiquement ».

Un modèle migratoire en mutation

Le Portugal rejoint ainsi la liste croissante des pays européens durcissant leur politique migratoire sous pression populaire. Jusqu’à récemment, le pays se distinguait par sa tolérance et son ouverture. Aujourd’hui, il se réajuste, confronté à la réalité d’un modèle économique qui dépend encore largement de la main-d’œuvre étrangère, mais qui ne veut plus en assumer les conséquences sociales et identitaires.

Cette inflexion portugaise intervient également dans un contexte européen marqué par un net regain des partis conservateurs et identitaires. Le vote du 16 juillet entérine un basculement politique majeur : pour la première fois depuis la Révolution des Œillets, la droite nationaliste impose son agenda au Parlement portugais sur une question aussi symbolique que l’immigration.

Les prochaines semaines diront si cette politique plus restrictive parvient à répondre aux attentes de l’opinion publique ou si elle déclenche, comme en octobre dernier, de nouvelles vagues de protestation, en particulier parmi les communautés étrangères déjà présentes sur le sol portugais.

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