Langues régionales. Un ancien sous-préfet « agacé » par des maires parlant alsacien

Alors que les langues régionales sont déjà placées sous une surveillance tatillonne par l’appareil d’État, un ancien représentant de la République, aujourd’hui haut fonctionnaire à Lille, s’est publiquement plaint que des maires alsaciens puissent encore s’exprimer dans leur propre langue.

« Agacé de voir que des maires parlaient entre eux en alsacien »

L’auteur de cette sortie inattendue n’est autre que Patrick Pincet, ancien sous-préfet de Sélestat, aujourd’hui directeur général des services de la ville de Lille. Dans une note de service datée du 30 juin 2025, adressée aux agents municipaux, il rappelle que « la langue de la République est le français » et que « l’usage d’une autre langue ne saurait donc être admis dans le cadre professionnel, tant dans les relations avec les usagers que dans les échanges entre collègues ».

Interrogé il y a quelques jours par le journal La Voix du Nord, Patrick Pincet a justifié cette directive en évoquant son expérience passée dans l’Est : « J’ai été sous-préfet en Alsace et j’ai moi-même été agacé de voir que des maires parlaient entre eux en alsacien ». Et de conclure : « Nous sommes en République et il faut considérer cela comme une chance. » Ce qui semble être une « chance », pour ce haut fonctionnaire, c’est donc d’imposer une uniformité linguistique jusque dans les échanges spontanés entre élus enracinés.

Une telle position, pour le moins brutale, reflète un tropisme centralisateur bien connu dans la haute administration française, où l’usage d’une langue régionale reste trop souvent perçu comme une entorse à l’unité nationale. Ancien collaborateur du ministre Jean-Pierre Chevènement, dont on connaît le républicanisme intransigeant, Patrick Pincet s’inscrit clairement dans cette tradition hostile aux autonomies locales et aux héritages culturels vivants.

Patrick Pincet. Source : lagazettedescommunes.com

Hypocrisie républicaine à Lille précédent catalan inquiétant

Cette sortie polémique prend une tournure plus préoccupante encore si l’on considère le contexte lillois. Car chacun sait que, dans une ville comme Lille, les langues les plus couramment parlées entre agents municipaux ne sont ni le picard, ni le flamand, ni même l’alsacien… En prenant pour cible l’alsacien, langue autochtone de la République française, Patrick Pincet choisit un bouc émissaire facile, tout en détournant le regard des véritables fractures linguistiques que connaît aujourd’hui le service public dans certains quartiers.

Ce n’est pas la première fois que les langues régionales sont mises en accusation par l’État. En avril 2023, cinq communes des Pyrénées-Orientales furent assignées devant le tribunal administratif de Montpellier par le préfet Rodrigue Furcy. Leur tort ? Autoriser la lecture des délibérations municipales en catalan, systématiquement accompagnée d’une traduction en français. Le maire d’Elne, Nicolas Garcia, s’était alors défendu : « Il ne s’agit pas d’exclure le français mais d’inclure le catalan ». Une ligne de bon sens, pourtant rejetée par l’appareil préfectoral.

Les langues régionales, une « diversité » qui ne fait pas recette

L’annulation imposée par la justice administrative de ces dispositions montre que le combat pour la reconnaissance des langues régionales n’est pas un débat folklorique, mais une réalité juridique et politique brûlante. L’hostilité de l’État envers les langues historiques de la France s’affirme avec une constance redoutable.

À l’heure où les discours officiels célèbrent la « diversité » dans tous les domaines, il est frappant de constater que la seule diversité qu’on semble encore vouloir réprimer est celle des territoires français eux-mêmes. L’alsacien, le catalan, le breton ou le corse font aujourd’hui l’objet d’un traitement plus suspicieux que nombre de comportements inciviques.

Ce n’est pas l’usage d’une langue régionale entre maires ou agents municipaux qui menace la République. Ce qui la menace, c’est au contraire cette obsession bureaucratique de l’uniformité, qui tourne le dos à des siècles d’histoire et d’enracinement. Loin d’être une relique, la langue d’Alsace est une richesse vivante. Et vouloir l’effacer sous prétexte de modernité républicaine, c’est appauvrir la France.

Crédit photo : DR (photo d’illustration)
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12 réponses à “Langues régionales. Un ancien sous-préfet « agacé » par des maires parlant alsacien”

  1. vert dit :

    mes ancêtres alsaciens devaient certainement parler alsacien entre eux.
    Tant mieux.
    Ce sous-préfet interdit qu’un parle t’chit du nord ?
    En fait beaucoup d’employés arabes a Lille.
    normal d’interdire cette langue d’origine étrangère.

  2. gautier dit :

    Faut reconnaitre que si toutes les régions parlaient leur patois, car pour moi ce n’est pas une langue ! le patois c’est néanmoins des langues dotées d’une grammaire élaborée complexe.Que cela fasse plaisir aux autochtones de parler entre eux OK ! les autres ne comprennent rien mais on est pas des chiens ! apres ils s’étonnent que les gens les haïssent !

  3. Le Baler dit :

    La France n’est pas un pays avec un peuple,mais avec plusieurs nations.Meme louis xiv le reconnaissait.La révolution a voulu gommer cette diversité et a donc provoqué des antagonismes avec l’état.C’est une situation hypocrite de la France, alors qu’elle aurait tout a gagneren s’appuyant sur ces pays.

  4. Poulbot dit :

    Cette personne préfère sans doute entendre l’arabe dans les rues,commerces,transports en communs, collèges, administrations Lilloise que les langues et dialectes de la France ancestral.
    Belle anti-France que voila.

  5. kan al louarn dit :

    Je suis actuellement en train de lire « la honte et le châtiment », livre de Rozenn Milin qui montre et démontre le sort fait par la république française aux langues régionales et en particulier au breton. Idem pour les langues africaines. Inutile de dire que, en tant que Breton à qui on n’a jamais appris la langue bretonne en plus du français, et pour cause, je suis fort dépité voire révolté par ce que j’ai lu. Il est vrai que j’ai toujours gardé en moi et en priorité ma conscience d’être Breton.

  6. M. the dit :

    Curieux ! Les privilégiés de la « république » française ne s’offusquent pas lorsqu’une langue d’origine essstrangère est parlée par tous les français de papier.

  7. Brounahans l'Alsaco dit :

    Cher Monsieur Gautier, si je suis votre raisonnement, il nous faudra haïr tout ce qui ne parle pas français ? On ne va plus faire que cela vu que, malheureusement, dans nos villes on parle beaucoup de langues qui ne sont même pas des patois régionaux ! Que dire du macron qui jacte l’anglais plus qu’à son tour ? Que dire de beaucoup de « chansons » dont les paroles ne sont pas issues de la langue de Molière ? Figurez-vous que dans mon enfance on nous a même interdit de parler notre langue maternelle, ce fameux alsacien d’accointance allemande donc honni par beaucoup de « gaulois » qui citent très facilement Hitler, mais oublie Goethe, Mozart et compagnie. Encore une bof attitude qui n’est pas faite pour établir la paix entre les peuples. Et oui, là par respect pour vous j’écris en français, mais je parle encore l’alsacien chez nous, alsacien qui ne sera bientôt plus qu’un souvenir remplacé par l’arabe … Faudra vous y faire … et nous aussi ! Mais, « vous n’aurez pas ma haine » …

  8. NEVEU Raymond dit :

    Les clowns de l’Inéducation Nationale (300.000 fonctionnaires inutiles qui encombrent les bureaux et ne sont utiles que lors des concours et autres examens sinon ils jouent sur leurs ordinateurs!) interdisent aux divers peuples qui ont fait la France de s’exprimer dans leurs diverses langues, dialectes voire patouè, pourtant comme chair à canons la République n’avait pas de scrupules…ils étaient tous bons pour le service! En revanche la Monarchie laissait chacun s’exprimer. Un professeur agrégé de Rennes donc ce n’est pas une lamentable cloche m’a fait un cours sur les diverses variantes de l’allemand, l’alsacien et le badois sont très proches et DONC c’est de l’allemand DONC l’alsacien est une langue! CQFD T’AS PIGE SOUS-DOUE? Je prends les paris il reviendra à la charge!!!

  9. PL44 dit :

    @gautier
    « leur patois, car pour moi ce n’est pas une langue » « le patois c’est néanmoins des langues »
    Il faudrait savoir !
    Un patois, c’est au niveau d’un village. Pour le linguiste Hagège, une langue, c’est un patois qui a une armée.

  10. Le Goff Pierre-Yves dit :

    Réponse à Gautier : d’abord l’Alsacien est un dialekte alémanique, parlé également en Suisse. Le nord de l’Alsace parle un dialekt plutôt francique. Chez nous notre langue est le breton (et ça n’est pas un « patois!) et j’espère bien que nos élus en Basse Bretagne utiliseront de plus en plus cette langue tant avec les usagers que dans les conseils municipaux fentre autre. Galleg ? Evit ar vlestradurezh ag geginou ag ar républik an diktatourien. (le français ? Pour l’administration de la république des diktateurs)

  11. gautier dit :

    chers messieurs, Brounahans l’Alsaco Le Goff Pierre-Yves, par mon travail j’ai visité toute la France ! lorsque vous arrivez dans un endroit ou il y a un dialecte comme vous le dites si bien, que vous demandez une chose ou une question, et que les gens qui comprennent le Français, font semblant de ne pas vous comprendre,alors que vous voyez bien qu’ils ont compris, oui la haine est peut être fort, mais se sentir frustré très fort! ça oui, surtout lorsqu’il y a les sourires avec! ou vous ne sortez pas souvent ! mais cela m’est arrivé plusieurs fois, dans le Midi, en Bretagne, dans les Pyrénées, en Alsace aussi. vous n’avez jamais subi cette farce ! cela n’arrive pas en vacance, car il faut travailler avec les touristes, mais allez y travailler hors saison ! CERTAINS Y TROUVE PLAISIR POUR PARLER APRÈS AU COIN DU FEU !!

  12. NEVEU Raymond dit :

    Ne pas se prendre pour une Lumière quand on n’est qu’une loupiotte vacillante…je confirme qu’en Périgord 4 ouvriers m’avaient indiqué une mauvaise direction , en Bretagne< on met un point d'honneur à aider et plus généralement à l'Ouest. La zone la plus fermée d'esprit…c'est la zone dite "open fields"!

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