Il fallait bien un poète des cimes, un équilibriste des cols, pour sauver l’honneur d’une étape annoncée comme jugée du destin, mais ravalée par les faits au rang de procession encordée. Hier, dans l’arène de Courchevel, c’est Ben O’Connor, ce formidable funambule australien, qui a retourné le plateau pour y jouer sa propre partition : un solo de 15 bornes, droit dans la pente, le cœur gonflé d’orgueil et de revanche. Tandis que le peloton tricotait son ennui à la machine UAE, lui a tricoté son chef-d’œuvre à la main, maille après maille, jusqu’au sommet du col de la Loze, perché comme un mirage sur la plus haute terrasse des Alpes.
Et pendant ce temps, les Visma ? Eh bien, les Visma… annonçaient leur plan.
Un plan. Encore un. Comme les enfants qui, chaque soir, jurent qu’ils iront se coucher tôt. Depuis le départ de ce Tour, les abeilles danoises de Jonas Vingegaard nous promettent la grande offensive, le jour du jugement dernier. Et chaque jour, elles piquent dans le vide, à la manière des Movistar de la grande époque, celles qui se perdaient dans la tactique comme un gendarme dans une rave-party.
Hier, dans la Loze, ils ont donc « mis le feu ». Comprenez : Kuss a accéléré un peu, Vingegaard a fait mine de sortir, Pogacar a suivi sans même se décoiffer, puis tout le monde s’est rassit, comme des collégiens après une alerte incendie. À la fin, le Slovène a mis une petite mine sous la flamme rouge, juste pour rappeler que la route, c’est lui le patron, et qu’on ne plaisante pas avec 4 minutes 26 secondes d’avance.
Haute montagne ou haute routine ?
Paradoxalement, ce sont les étapes de transition qui nous offrent, depuis quelques jours, les seules vraies étincelles. Des étapes courtes, nerveuses, à l’accent de classique d’un jour, où l’on se regarde moins et où l’on attaque plus. Celles-là, au moins, ont l’honnêteté de leur format. À l’inverse, les grandes messes de la haute montagne, vendues comme épiques, se transforment trop souvent en missel tactique, où les favoris marquent le tempo sans jamais le rompre, laissant à des coureurs « hors classement » l’honneur de faire le spectacle.
Demain, le dernier acte dans les Alpes : La Plagne ou la panne ?
Vendredi, pour la 19e étape entre Albertville et La Plagne, c’est le dernier appel des cimes. 129,9 km, 5 cols, 4 550 m de dénivelé, une étape coefficient 5 — l’équivalent d’un casse-tête chinois dans une machine à laver. Mais ce qui inquiète, ce n’est pas le terrain. C’est le scénario.
Les Visma vont-ils encore dégainer « le plan » ? Le saurons-nous à l’avance comme d’habitude ? Ou décideront-ils enfin de surprendre Pogacar autrement qu’en communiquant leurs intentions dans la presse ? Car le Slovène, lui, a déjà fait son marché : le maillot jaune, les minutes d’avance, la démonstration d’hier où il a déposé Vingegaard avec un demi-sourire, et même le maillot à pois qu’il effleure désormais.
Derrière, ça bagarre encore pour les miettes : Oscar Onley lorgne la 3e place de Lipowitz, Kevin Vauquelin voudra se racheter après avoir laissé échapper le top 6, et Jonathan Milan, s’il arrive dans les délais, sera fêté comme un survivant à l’arrivée. Mais à quoi ressemblera l’étape ? Sans doute à une échappée de costauds, un O’Connor bis ou un Gall ressuscité, tandis que les « cadors » monteront La Plagne dans un duel à distance, si duel il y a.
Peut-être qu’un jour, Visma dévoilera un plan… qui fonctionne. En attendant, le public s’accroche à ces coureurs venus de l’arrière, qui prennent la course comme on prend une guitare dans un salon vide, pour y jouer du panache. Et demain, à La Plagne, il sera encore temps d’allumer la flamme. À condition qu’il reste des allumettes.
YV
2 réponses à “Tour de France 2025, étape 18 au Col de la Loze : Ben O’Connor, roi solitaire pendant que Visma joue aux échecs sans pions”
L’ascension du Col m l’Utérus ce sera quel jour?
@Raymond…Cà s’appelle la Grimpette…