Il y a des arrivées qui résonnent comme des coups de théâtre, et d’autres qui vibrent comme une sonate bien huilée : à Plumelec, ce samedi, le public breton a assisté à une fugue à deux voix, exécutée sur les hauteurs de Cadoudal par le duo en or de la Visma-Lease a Bike. L’une, Pauline Ferrand-Prévôt, croyait toucher le ciel ; l’autre, Marianne Vos, l’a coiffée sur le fil. Il n’y a pas eu d’aigreurs, ni de regrets. Juste deux bras levés, un en jaune, l’autre en noir, et la démonstration d’une équipe qui a dans ses jambes autant de watts que de partitions stratégiques.
Vannes–Plumelec : entre théâtre antique et flamme rouge
Tout avait pourtant commencé comme une classique bretonne : le ciel hésitant, les crêpes trop sucrées au petit-déjeuner, et les regards tournés vers Cadoudal, cette bosse célèbre pour faire sauter les prétendantes les moins affûtées. Trois fois elle fut gravie, et c’est dans sa dernière morsure que tout a basculé.
Le peloton des dames, plus affûté que jamais, est arrivé groupé sous la flamme rouge. Et c’est là, au pied de l’échafaud, que Pauline Ferrand-Prévôt a mis tout le monde d’accord. Un démarrage sec, presque brutal, comme une main posée sur la table d’un bistrot pour dire : « À moi maintenant. » Les autres n’ont vu que son dos. Kim Le Court tentait bien un retour, mais peinait à contenir l’ouragan.
Puis est arrivée Marianne Vos.
Vos, ou l’art du geste juste
Elle a 38 ans, autant de victoires qu’un musée du cyclisme, et une science de la course qui confine à l’ésotérisme. Elle n’a pas attaqué : elle a glissé. Elle n’a pas dépassé Pauline : elle l’a caressée. Et quand elle a franchi la ligne en tête, elle l’a fait avec cette classe rare des très grands, ceux qui savent qu’une victoire partagée vaut parfois plus qu’un solo hautain.
C’était sa 43e victoire sur un Grand Tour, et la 6e fois qu’elle endossait le maillot jaune. Sur la photo d’arrivée, elles sont deux à lever les bras. L’ego, ici, a été mis en veilleuse pour laisser place à la grâce du collectif.
Il fallait voir Pauline Ferrand-Prévôt, essoufflée mais radieuse, savourer cette arrivée comme une offrande faite à sa terre d’accueil. Elle, la championne olympique de VTT, venue pour apprendre, s’est retrouvée à faire exploser les meilleures sur une côte pourtant usée par les souvenirs. À ce rythme, elle ne restera pas longtemps dans l’ombre.
Mais comme toujours dans les belles histoires, il faut un revers. Marlen Reusser, malade, affaiblie, a chuté dès la première montée de Cadoudal. Elle a tenté de remonter, de recoller, de tricher un peu avec la douleur. Mais la pente n’a pas de pitié, et les quatre minutes perdues l’ont renvoyée à l’infirmerie. L’abandon a suivi, brutal, injuste, silencieux.
Kasia Niewiadoma (4e) et Demi Vollering (5e) ont limité la casse, mais comptent déjà plusieurs secondes de retard sur le général. Et dans un Tour Femmes aussi explosif que court, cela peut valoir des montagnes.
Mais ce samedi, l’histoire ne s’écrivait pas en chiffres. Vos et Ferrand-Prévôt, c’était comme écouter un duo de piano et de violoncelle. Une partition jouée juste, sans fausse note, avec le souffle du public breton pour seul chef d’orchestre.
Demain, cap sur Brest puis direction Quimper, avec un maillot jaune sur les épaules d’une légende vivante, et une Bretagne cycliste qui pourrait bien se mettre à rêver. Parce que oui, parfois, le vélo, c’est encore du sport. Et même un peu de poésie.
YV
Crédit photo : Pauline Ballet (ASO / DR)
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