Jean Raspail, le grand jeu. Le n°50 de la revue littéraire Livr’arbitres vient de sortir

Le n°50 de la revue littéraire Livr’arbitres vient de sortir avec en élément central cette fois ci, un dossier sur Jean Raspail. Pour rappel, Livr’arbitres est une revue littéraire unique en son genre, éditée dans un format poche, léché,  beau, et s’affirme sans doute comme une des plus belles du genre. Nous vous conseillons vivement l’abonnement pour les passionnés, car en plus, c’est une revue indépendante, et qui nécessite que l’on s’y abonne pour vivre.

En attendant, ci-dessous le sommaire, et une présentation de la vie de Jean Raspail.

Jean Raspail : le romantique des marges, entre royaume de Patagonie et naufrage de l’Occident

Né le 5 juillet 1925 à Chemillé-sur-Dême (Indre-et-Loire), Jean Raspail est l’un de ces écrivains inclassables qui ont marqué la littérature française par leur singularité, leur panache, et leur goût des causes perdues. Mort à 94 ans le 13 juin 2020 à Paris, il laisse derrière lui une œuvre foisonnante, explorant les confins du monde réel comme de l’imaginaire. Écrivain, explorateur, monarchiste assumé, catholique aux accents tragiques, Raspail fut un romantique, un rêveur debout, mais aussi un prophète décrié.

Issu d’une famille bourgeoise (son père était président des Grands Moulins de Corbeil), Jean Raspail grandit à Paris, entre institutions catholiques et encadrement sévère. Mais très vite, le jeune homme se sent l’âme d’un nomade. Il n’a pas vingt-cinq ans lorsqu’il part, en canoë, sur les traces du père Marquette, de Québec à La Nouvelle-Orléans. Ce sera la première d’une longue série d’expéditions. Il parcourt ensuite l’Amérique, de la Terre de Feu à l’Alaska, dirige une mission sur les traces des Incas, vit au Japon… Son œuvre littéraire naîtra de ces terres extrêmes, de ces peuples menacés et de cette fidélité aux civilisations oubliées.

Raspail a toujours refusé la modernité triomphante. Son amour de la tradition, de la monarchie et de l’honneur s’incarne dans la figure d’Orélie-Antoine de Tounens, un avocat périgourdin qui s’autoproclama « roi d’Araucanie et de Patagonie » au XIXe siècle. Dans Moi, Antoine de Tounens, roi de Patagonie, Jean Raspail revisite cette épopée dérisoire et magnifique, et s’en fait l’héritier. Il ira jusqu’à se nommer consul général de Patagonie, arborant fièrement un drapeau bleu-blanc-vert et accordant, avec humour mais sérieux, des passeports à ses fidèles. Ce royaume imaginaire devient une « patrie de rechange », un refuge pour les âmes orphelines de transcendance.

Le Camp des Saints, la prophétie honnie

En 1973, Jean Raspail frappe fort avec Le Camp des Saints, roman dystopique décrivant l’arrivée massive de migrants indiens sur les côtes françaises, provoquant l’effondrement de la civilisation occidentale. Longtemps ignoré par la critique, l’ouvrage finit par devenir un best-seller underground, puis une référence pour la droite identitaire en France comme aux États-Unis. Traduit dans de nombreuses langues, il est relu au fil des décennies comme une œuvre visionnaire ou comme un pamphlet raciste, selon les sensibilités. Marine Le Pen l’érige en œuvre prophétique ; la presse progressiste le voue aux gémonies. Ce clivage marquera durablement l’image publique de Jean Raspail, qui assuma toujours ses convictions, sans compromission.

Raspail, ce n’est pas seulement Le Camp des Saints. Son œuvre est immense, riche de romans, récits de voyage, chroniques, nouvelles. SireSept cavaliersQui se souvient des hommes…L’Anneau du pêcheur : autant de titres où l’aventure côtoie la mystique, où la grandeur se conjugue avec le tragique. Le style est classique, précis, noble. Il écrit comme on dresse une bannière.

Son catholicisme, teinté de gravité, imprègne ses romans. Il rêve de rois sacrés, de gardes suisses et de cathédrales dressées contre la laideur du monde moderne. Il milite pour la mémoire de Louis XVI, soutient le Parti des forces nouvelles, puis TV Libertés. Ses engagements sont nets, cohérents, fidèles à l’idée qu’il se faisait d’un monde civilisé.

Lauréat du Grand prix du roman de l’Académie française en 1981, puis du Grand prix de littérature en 2003, Jean Raspail aura été reconnu, sans jamais vraiment être célébré. À sa mort, ses obsèques à l’église Saint-Roch réunissent une foule composite : monarchistes, écrivains, militaires, jeunes lecteurs. Son cercueil est recouvert du drapeau patagon. Une image forte, à l’image de l’homme.

Son épouse Aliette, qui l’accompagnait dans ses voyages et l’aidait dans ses œuvres, meurt en 2022. Tous deux sont désormais réunis au cimetière du Montparnasse, dans une France qu’ils ont tant aimée et tant crainte de voir disparaître.

Jean Raspail n’a jamais couru après les modes. Il écrivait pour ceux qui « croient à la transcendance, à la nécessité d’exhausser ses pensées ». Son œuvre est une boussole pour les âmes en quête d’ailleurs, pour les nostalgiques d’une grandeur perdue. Romancier de l’effondrement autant que du panache, il restera comme l’un des derniers écrivains français à avoir osé défendre une vision du monde, avec un style, une foi, et un courage devenus rares.

Crédit photo : DR
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