On croyait que les sprinteuses s’étaient adjugées le Tour. Mais voilà que la Creuse, insoumise et rugueuse, a rappelé à toutes qu’un maillot jaune ne tient jamais que par la sueur et l’altitude.
C’était la plus longue étape de ce Tour féminin 2025. Une errance de 165 kilomètres entre Chasseneuil-du-Poitou et Guéret, où les lignes droites laissaient place à des chemins cabossés par la géographie, des routes à vaches devenues pistes d’atterrissage pour ambitions escarpées.
Au sommet du Maupuy, cette bosse de troisième catégorie que les organisateurs avaient discrètement dissimulée comme un piège au fond d’un sac, elles n’étaient plus que sept. Sept dames de fer, débarrassées des illusions, et parmi elles, Kim Le Court-Pienaar. Déjà détentrice éphémère du Maillot Jaune deux jours plus tôt, la Mauricienne n’avait pas digéré d’avoir dû le rendre. À Guéret, elle l’a repris, avec les dents.
Dans la descente, après avoir laissé Marianne Vos au pied de la côte comme une gloire fanée dans le rétroviseur, la course s’est jouée au courage. Au sprint, elle devance d’un cheveu Demi Vollering et Anna van der Breggen, comme un uppercut dans un salon feutré. Guéret n’avait sans doute jamais vu pareille cavalcade de jambes et d’histoires entremêlées.
Il faut saluer l’exploit : Le Court, devient la première non-Européenne (de nationalité, car c’est une Européenne de sang) à inscrire son nom sur les tablettes du Tour Femmes. Une victoire sans passeport ni visa, mais avec un panache universel. Elle retrouve son Maillot Jaune, cette tunique instable comme une liaison d’été, et s’offre 18 secondes d’avance sur une Pauline Ferrand-Prévot déterminée, mordante, parfois trop seule dans le vent.
Et maintenant ?
Les montagnes arrivent. Vraiment. Les bavardes vont se taire, les jambes vont parler. La sixième étape, entre Clermont-Ferrand et Ambert, sent la roche, la sueur et les jambes qui coincent. Deux cols pour troubler les classements : le Béal (10,2 km à 5,6 %) et le Chansert (6,3 km à 5,5 %). Des pentes au goût de vérité.
Ferrand-Prévot, peut-être bridée par le punch de Guéret, aura le terrain pour exprimer sa science du rythme et son goût du silence. Vollering aussi, toujours en embuscade, surveille le sommet comme on guette une faiblesse dans le regard de l’adversaire. Et derrière, les secondes se disputent comme des miettes autour d’une table encore dressée.
Le Tour bascule dans le dur. Adieu les villes de plaine, bonjour les sentiers oubliés, les vaches indifférentes et les montées où l’on parle aux fantômes. Le Massif Central s’apprête à juger les femmes du peloton. Non pas à leur sourire ou à leur palmarès, mais à leur capacité à souffrir sans se plaindre.
Et pendant que les hommes refont leur valise de souvenirs, les femmes, elles, écrivent leurs premières grandes légendes. En silence, mais avec éclat.
YV
Crédit photo : ASO / Pauline Ballet
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