Ils vivaient tranquillement (ou presque) bercés par l’illusion qu’ils détenaient la vérité et que leurs adversaires étaient dans l’erreur. Ils pensaient que l’Europe devaient suivre la pente naturelle qui la menait à l’intégration complète et que tous les peuples d’Europe fraternisés après des siècles de guerres incessantes allaient fusionner entre eux « comme « les marrons dans la purée » pour reprendre l’expression de de Gaulle.

Pourtant, comme il avait raison, le Général, et sur toute la ligne. Il avait tout vu et surtout tout compris.

Nos vaillants soldats de l’européisme, pour ne pas dire de « l’euro-mondialisme » nous disent aujourd’hui qu’ils sont lâchés par l’Amérique et que l’Europe doit encore accélérer le fédéralisme pour être toujours plus forte.

Il fallait lire de Gaulle et surtout l’écouter

Lorsqu’on a la chance d’avoir un tel visionnaire, qui, de plus, avait apporté les preuves irréfutables de la justesse de ses analyses, le moins que l’on puisse faire est de s’intéresser à ses propos. Ils l’ont toujours tourné en dérision, n’ont rien compris à l’AMGOT ni à la politique menée par Roosevelt et poursuivie par Truman. Ils ont toujours fait confiance à « l’ami américain » devenu une sorte de pléonasme. Ils ont feint d’ignorer l’ACUE, bercés par l’idée que tous ce qui venait de l’Amérique depuis le plan Marshall, ne pouvait qu’être bon pour la France et l’Europe.
Lorsqu’en 1962, après s’être libéré du fardeau de l’Algérie et avoir doté la France de l’arme nucléaire, de Gaulle commence à se faire entendre sur la construction européenne, il dépeint sans complaisance la réalité des choses. Il n’existe aucune force en Europe qui serait capable de fédérer l’ensemble des pays européens. Il existe des peuples « européens » mais pas un unique peuple européen qui résulterait du mélange de tous. Et pourtant, à l’époque, nous ne parlions que de « l’Europe des six » Dans une conférence de presse que nos dirigeants politiques auraient dû réécouter religieusement, de Gaulle fait mine de se poser la question :

« Mais il se pourrait néanmoins qu’il existe un fédérateur qui, lui, ne serait pas européen et qui, lui,  ait une politique. Ce serait alors une toute autre affaire... »

Tout est dans cette question apparemment sibylline.

La vision américaine du monde après-guerre

Durant les années de guerre, de Gaulle avait pu observer l’attitude des Américains. Il savait qu’ils jouaient une sorte de « double jeu » qui consistait à combattre les nazis d’un côté tout en préparant l’intégration de l’Europe de l’Ouest. Jean Monnet, qui avait l’oreille de Roosevelt, voulait une Europe « intégrée » alors que de Gaulle voulait une « Europe des États »

Or, il se trouve qu’une Europe intégrée cadrait parfaitement avec le projet américain qui était de dominer le monde. C’était, par d’autres moyens, la continuité du plan britannique développé depuis le milieu du XIXème siècle que les historiens désignent comme la « Pax Britannica ». Afin d’établir cette domination, les Américains disposaient de deux leviers. Le premier était la force militaire due à une industrie la plus puissante du monde et le second allait être le dollar, consacré « monnaie internationale » par les accords de Bretton Woods de juillet 1944.

Toutefois, une précision s’impose :

Lorsqu’on parle des Américains, il convient de distinguer le peuple américain de ceux qui conduisent les destinées de l’Amérique. Véritable creuset de la démocratie, reposant sur une Constitution dans laquelle le pouvoir appartient au peuple, le système américain présentait quelques faiblesses qui rendait l’exercice de cette Constitution difficile en cas de guerre. En particulier, la transparence totale des actions gouvernementales, attribut essentiel de la démocratie, ne pouvait être maintenue sans informer directement l’ennemi des actions futures. Il n’y avait aucune place pour les « services secrets » qui étaient pourtant nécessaires à la conduite de la guerre.

Pour réussir, le projet « Manhattan » devait s’entourer du secret absolu et son financement ne pouvait être fait de façon publique. Ce sont donc des entreprises privées qui l’ont financé, donnant ainsi naissance au fameux « complexe militaro-industriel » dénoncé par Eisenhower en janvier 1961. Un « pouvoir de l’ombre » s’est ainsi développé afin d’aboutir aujourd’hui à ce qui est appelé « l’État profond américain » sorte de conglomérat réunissant la finance, l’industrie et des « groupes d’influence » qui, petit à petit, ont véritablement « colonisé » l’administration américaine en la mettant au service du projet hégémonique américain.

L’Europe, appartement-témoin du monde monopolaire

Pour installer un futur gouvernement de la planète, il fallait faire disparaître au préalable toutes les formes de souveraineté. Au début du XXème siècle, coexistaient à la surface de la planète des Etats souverains et des empires. Ces empires étaient monarchiques, dirigés par une seule famille voire une seule personne ou coloniaux, provenant de la conquête souvent militaire de territoires situés outre-mer.

La Première Guerre mondiale a mis fin aux empires monarchiques européens et la seconde à fait disparaître les empires coloniaux. Il restait en 1945 l’empire soviétique et les souverainetés nationales.

L’Europe de l’Ouest, avec sa mosaïque d’États-nations plus ou moins héritée du Saint-Empire, devenait, de ce point de vue, une cible prioritaire. Les nations peuvent se caractériser par leurs peuples et leurs frontières respectives. Dès lors qu’on supprime les frontières, on favorise les mouvements migratoires et la liberté des échanges de toute nature s’impose. Et ceci se fait au détriment de la souveraineté des peuples et des nations.

Le problème est que c’est facile à dire mais pratiquement impossible à réaliser, et c’était l’essence même des propos de de Gaulle. Si les Américains n’avaient pu concrétiser leur projet de l’AMGOT en France, ils ont cependant eu le champ libre en Allemagne qu’ils ont pu organiser en État fédéral.

Le fédéralisme européen était l’objectif à atteindre

L’État profond américain, en s’appuyant sur la CIA et sur l’OTAN, a pu créer les conditions du fédéralisme étendu à toute l’Allemagne de l’Ouest qui pris le nom de RFA. Ce modèle aurait dû s’appliquer progressivement à toute la future Union Européenne. Le traité de Maastricht, instituant la monnaie unique en découlait directement.

Cependant, le « grain de sable » vint du refus du projet de traité « constitutionnel » qui aurait dû instituer ce fédéralisme européen. Fin mai 2005 , seulement 8 des 25 pays membres ont ratifié le traité : l’Autriche, l’Espagne (par référendum), la Grèce, la Hongrie, l’Italie, la Lituanie, la Slovénie et la Slovaquie. Le traité établissant une constitution pour l’Europe est rejeté par les référendums des 29 mai 2005 en France et 1er juin 2005 aux Pays-Bas.

Pourtant, l’approche fédérale a persisté d’une manière plus insidieuse et, progressivement, les élites dirigeantes souvent « préformatées » se sont éloignées de leurs peuples pour poursuivre le projet.

L’arrivée de Trump a tout changé

Trump n’est pas mondialiste. Il est avant tout américain mais, contrairement à l’État profond, il ne souhaite pas dominer le monde et n’entend pas favoriser l’émergence d’un gouvernement mondial.

Son électorat est composite et il doit en tenir compte. Il veut redonner à l’Amérique son autonomie et son indépendance dans tous les domaines. L’Europe n’est une préoccupation pour lui que dans la mesure où elle coûte de l’argent au peuple américain, contrairement à l’État profond qui, lui, investissait dans l’Union Européenne pour en garder le contrôle afin qu’elle ne devienne jamais une puissance militaire. L’heure de vérité semble maintenant venue et certains constatent avec  amertume que le projet d’un monde « globalisé » est en train de s’évanouir. Un autre monde, multipolaire, est en train de naître et va remettre en question toutes les soi-disant certitudes de la « fin de l’Histoire ».

C’est à très peu de choses près ce qu’avait dit Donald Trump devant les Nations-Unies en 2017 :

« Les mondialistes n’ont plus d’avenir. L’avenir appartient aux patriotes et aux souverainistes ».

Jean Goychman   

Photo d’illustration : DR
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