Au Pakistan, l’année 2025 a vu l’un des cas les plus emblématiques d’injustice religieuse se conclure par un rare acquittement. Anwar Kenneth, chrétien catholique de 72 ans, a été libéré en juin 2025 après avoir passé 23 ans dans le couloir de la mort, condamné en 2002 pour « blasphème » envers l’islam. Ce verdict avait été rendu après qu’il eut envoyé des lettres jugées offensantes à l’encontre du prophète Mahomet et du Coran. Jugé coupable en vertu de l’article 295-C du Code pénal pakistanais – qui prévoit la peine capitale – Kenneth avait déclaré à l’époque : « Dieu est mon avocat ».
La Cour suprême du Pakistan a finalement cassé cette condamnation, estimant qu’une personne souffrant de troubles mentaux ne pouvait être tenue pénalement responsable dans de telles circonstances. « C’est très regrettable qu’un homme âgé ait été emprisonné aussi longtemps malgré son état de santé mentale », a déclaré son avocat, Rana Abdul Hameed, à l’issue de l’audience.
Une décision qui suscite la colère des islamistes
Si l’affaire Kenneth se termine sans exécution, la pression islamiste ne faiblit pas. Selon l’organisation Open Doors, des militants islamistes ont réagi avec hostilité à l’annonce de l’acquittement. Le climat demeure extrêmement tendu, et les chrétiens du Pakistan continuent d’être ciblés.
Le 19 juillet 2025, Amir Peter, un autre chrétien catholique âgé de 60 ans, a été arrêté à Lahore après avoir accusé un commerçant musulman de surfacturation. Cette dispute a débouché sur une plainte pour blasphème, encore une fois sous l’article 295-C. La simple accusation suffit souvent à faire basculer des vies, sans preuve solide.
L’histoire récente du Pakistan montre que les lois sur le blasphème sont fréquemment utilisées pour régler des différends personnels ou saisir des terres. Un rapport de Human Rights Watch publié en 2025 souligne cette instrumentalisation à des fins économiques et mafieuses : « Une simple accusation de blasphème peut être une sentence de mort. » Ces accusations déclenchent régulièrement des violences de masse. En août 2023, dans la ville de Jaranwala, au moins 20 églises ont été détruites et des centaines de chrétiens déplacés après des rumeurs visant un chrétien accusé d’avoir blasphémé.
Le responsable présumé, Pervaiz Masih, a été condamné à mort en avril 2025, un Vendredi Saint, sous le même article 295-C.
Des chiffres alarmants
Selon le Centre for Social Justice, en 2024 seulement, 344 nouveaux cas de blasphème ont été enregistrés. Sur la période 1987-2024, près de 2 800 personnes ont été accusées. Pire encore, 104 personnes ont été tuées extra-judiciairement après de simples accusations, sans procès.
Le droit pakistanais continue de refléter l’islamisation accélérée du pays depuis l’adoption de la Constitution islamique de 1973 et l’introduction de la charia dans le droit civil. La liberté d’expression y est conditionnée au respect de la religion dominante. En 2023, le Sénat pakistanais a même renforcé les lois sur le blasphème, prévoyant jusqu’à dix ans de prison pour toute parole jugée « irrespectueuse » envers les compagnons ou la famille du prophète.
Alors même que les cas de persécution se multiplient, l’Union européenne continue d’accorder au Pakistan des avantages commerciaux majeurs via le programme GSP+, destiné à encourager les réformes démocratiques. En juillet 2025, le gouvernement pakistanais a fait un geste symbolique en retirant la peine de mort pour deux crimes mineurs, tout en la maintenant pour le blasphème – une stratégie assumée pour préserver ses échanges économiques avec Bruxelles.
Pendant ce temps, l’Europe, par sa politique migratoire, importe une partie de cette culture de l’intolérance religieuse, soulignent certains observateurs. Le cas d’Anwar Kenneth, s’il marque une rare victoire judiciaire, ne doit pas masquer la réalité d’une persécution systémique contre les minorités religieuses au Pakistan.
Crédit photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2025, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine