Rue Saint-Yves, à Guingamp, les volets métalliques sont désormais baissés. Non pas pour cause de vacances estivales ou de sieste orientale, mais sur décision préfectorale : deux commerces orientaux — Le Souk d’Alep et Best Barber — sont frappés d’une fermeture administrative de trois mois, selon un arrêté affiché noir sur blanc sur leurs vitrines.
Travail dissimulé, main-d’œuvre fantôme et gérant très occupé
Derrière les façades colorées de la diversité marchande se cache une gestion pour le moins folklorique. L’entreprise SAS Satam, qui chapeaute les deux établissements, a visiblement plus de talent pour le commerce improvisé que pour le respect du Code du travail. Lors de contrôles successifs de l’inspection du travail (en mars et juin 2025), les agents ont constaté plusieurs irrégularités graves :
- Des salariés non déclarés,
- Un prêt de main-d’œuvre illicite déguisé en contrat de mise à disposition,
- Et même l’emploi d’un étranger sans titre de travail.
Il faut dire que le gérant lui même est fraichement arrivé en Europe, plus précisément en 2017. Bref, une gestion à la petite semaine — ou plutôt à la grande improvisation — dans laquelle aucun salarié n’était officiellement déclaré au moment des contrôles, malgré sept personnes en activité.
Face à ces accusations, le président de la SAS Satam tente une défense audacieuse : l’une des femmes présentes rendait service en encaissant les clients, pendant que le gérant, manifestement multitâche, devait s’absenter pour raisons « personnelles imprévues ». Mieux encore : un salarié repéré dans le salon de coiffure Best Barber serait bientôt embauché en CDI. À croire que l’inspection du travail a parfois du bon pour accélérer les embauches.
Malheureusement pour l’entreprise, le préfet des Côtes-d’Armor n’a pas été séduit par ces explications : il a jugé que les arguments ne remettaient nullement en cause la gravité des faits constatés.
L’affaire fait d’autant plus désordre que Le Souk d’Alep avait été lancé à grand renfort de reportages enthousiastes. Arrivé en France en 2017, le gérant, S. Al I. avait fait de son projet un hymne à la « diversité » gustative, promettant des produits inédits venus du Liban, de Syrie, du Maghreb ou d’Afrique subsaharienne : les journalistes locaux viscéralement enjoués dès qu’il s’agit d’écrire sur la « diversité » y évoquaient labné, houmous, tahini, sirop de datte et viande halal s’alignant sagement dans les rayons. Avec des horaires d’ouverture annoncés de 9h à minuit, sept jours sur sept, on comprend mieux pourquoi il fallait… du monde en caisse, même non déclaré.
Cette fermeture administrative — assortie d’un affichage obligatoire — rappelle qu’à Guingamp comme ailleurs, il y a des règles en matière de commerce et d’emploi. Et que l’économie souterraine, même parfumée à la cannelle et à la pistache, reste illégale. Il y a un code du travail en France, qui n’est, effectivement, pas le même qu’à Alep.
Crédit photo : DR (photo d’illustration)
[cc] Breizh-info.com, 2025, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine