Longtemps présentées comme des alliées incontournables dans la lutte contre les maladies cardiovasculaires, les statines – ces médicaments hypocholestérolémiants prescrits à des millions de patients à travers le monde – font aujourd’hui l’objet d’une remise en question croissante. Un récent article de synthèse, publié dans la revue Clinical Pharmacology, met en lumière des effets secondaires potentiellement graves liés à leur usage prolongé : calcification des artères coronaires, déficits nutritionnels, et augmentation du risque d’insuffisance cardiaque.
Un paradoxe médical : prévenir les crises en favorisant l’athérosclérose ?
L’objectif principal des statines est de réduire le taux de cholestérol LDL, souvent désigné comme le « mauvais cholestérol », afin de prévenir l’athérosclérose et ses complications (infarctus, AVC). Mais selon la revue scientifique, leur usage prolongé pourrait avoir un effet inverse : en favorisant la calcification des artères coronaires, elles contribueraient paradoxalement à accentuer le risque de maladie cardiaque.
La calcification artérielle se produit lorsque le calcium s’accumule dans les parois des artères, provoquant leur durcissement. Ce phénomène entrave la circulation sanguine et peut entraîner des infarctus. Plusieurs études, dont une parue en 2021 dans le Kaohsiung Journal of Medical Sciences, établissent un lien entre prise de statines, déficit en vitamine K2 – un nutriment essentiel dans la régulation du calcium – et progression de cette calcification.
Carences en nutriments clés : CoQ10, vitamine K et sélénium
Les statines agiraient comme des toxines mitochondriales, selon les auteurs du rapport. En inhibant la production naturelle de coenzyme Q10 (CoQ10), elles affecteraient le fonctionnement des cellules musculaires, notamment celles du cœur. Cette substance est cruciale pour produire l’ATP, principale source d’énergie cellulaire. Une carence prolongée en CoQ10 peut donc affaiblir le muscle cardiaque et favoriser une insuffisance cardiaque.
Une étude de 2008, publiée dans BioFactors, avait déjà mis en évidence l’amélioration de la fonction cardiaque chez des patients ayant cessé de prendre des statines et pris des compléments de CoQ10 pendant près de deux ans.
Les statines nuiraient également à la synthèse de la vitamine K – essentielle pour éviter la calcification vasculaire – et aux protéines transportant le sélénium, un autre minéral impliqué dans la santé cardiaque.
Des effets secondaires souvent ignorés ou sous-estimés
Selon les auteurs, les médecins prescrivant des statines ne seraient pas toujours conscients de ces effets indésirables. L’insuffisance cardiaque, diagnostiquée chez certains patients traités, est souvent attribuée à d’autres facteurs comme l’âge ou l’hypertension, plutôt qu’au traitement lui-même. Cette ignorance poserait un problème éthique : « Le principe du consentement éclairé impose de prévenir les patients des risques, y compris ceux liés à l’insuffisance cardiaque », rappellent les chercheurs.
Avec plus d’un million d’hospitalisations annuelles pour insuffisance cardiaque rien qu’aux États-Unis, ces conclusions méritent l’attention, d’autant plus qu’elles s’ajoutent à d’autres publications alarmantes. Une étude de 2022, parue dans Arteriosclerosis, Thrombosis, and Vascular Biology, a également établi un lien entre statines et inflammation chronique, une autre piste expliquant leur impact sur la calcification artérielle.
Loin d’appeler à l’arrêt généralisé des statines, ces recherches soulignent la nécessité d’une approche plus nuancée et individualisée. La supplémentation en CoQ10, une attention particulière au statut en vitamine K2 et une meilleure information des patients pourraient contribuer à réduire les risques associés à ces traitements de long terme.
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