Dans un monde saturé d’écrans, de bruit et de divertissements passifs, il est des gestes simples et puissants qu’il faudrait réhabiliter. Lire de la poésie à ses enfants en fait partie. Car au-delà des rimes jolies et des mots chantants, c’est un chemin vers la beauté, la profondeur et la transmission qui s’ouvre.
Un enfant qui grandit avec la poésie grandit avec un vocabulaire plus riche, une sensibilité plus fine, une intelligence plus vive. La poésie n’est pas un luxe pour lettrés, mais un levier fondamental de développement intellectuel et affectif.
Une émotion en quelques vers
En quelques lignes seulement, un poème peut bouleverser, faire surgir une question existentielle, faire naître une image inoubliable. Le poète, disait le professeur John Senior, est celui qui dit : « Regarde ! Tu ne l’avais jamais vu ainsi. »Lire de la poésie à un enfant, c’est lui apprendre à voir ce que d’autres ne voient pas, à ressentir ce que d’autres ignorent. C’est éveiller ses sens et affûter son esprit.
Un père lisant à voix haute T.S. Eliot ou Robert Frost ne transmet pas simplement des mots : il imprime une mémoire émotionnelle, une voix intérieure que l’enfant portera toute sa vie. Cette transmission orale et affective de la poésie, presque sacrée, fait grandir l’enfant en humanité.
Un terreau fertile pour le langage et la pensée
La poésie est aussi une école de la langue. Par ses images, ses métaphores, ses rythmes, elle enseigne les fondements mêmes du langage et de la pensée. Et contrairement à ce qu’on imagine, les enfants y sont réceptifs : un poème court capte leur attention plus qu’un long discours. Il agit comme une loupe concentrant la lumière, éclairant intensément un fragment du monde.
La maîtrise du langage est le meilleur prédicteur de réussite scolaire future, bien au-delà des mathématiques ou des sciences. Apprendre à manier la langue, c’est apprendre à penser, à comprendre, à argumenter.
Et la poésie joue un rôle central : maîtriser la métaphore, c’est comprendre le monde, disait déjà Robert Frost. Sans éducation poétique, on est mal armé pour aborder aussi bien l’histoire que la science.
La poésie ne sert pas seulement à comprendre, elle aide aussi à ressentir et à guérir. Un enfant hospitalisé ayant accès à des ateliers de poésie voit souvent ses troubles émotionnels (tristesse, colère, fatigue) s’apaiser. Le simple fait de lire ou d’écrire un poème aide à nommer l’indicible, à apprivoiser le chaos intérieur.
Lire des comptines ou des poèmes par cœur avant l’âge de 4 ans augmente significativement les compétences en lecture à 8 ans. Mais au-delà des chiffres, il s’agit d’ancrer dans l’enfance une mémoire affective et un goût pour les mots qui les accompagneront toute leur vie.
Lire un poème à son enfant, c’est poser une pierre dans la construction invisible de son monde intérieur. C’est tendre un fil entre générations, un fil de mots et de voix qui relient, rassurent et élèvent.
Le père qui lit un poème à son fils lui donne plus qu’un moment de partage : il lui lègue un refuge intime contre la brutalité du monde. Et peut-être, plus tard, ce fils lira à son tour, à ses propres enfants, cette même poésie, comme une prière transmise dans le bruissement des pages.
YV
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