Naissance d’une nouvelle frontière commerciale en Irlande : incertitudes sur l’impact économique

Depuis jeudi dernier, les exportations de la République d’Irlande vers les États-Unis sont soumises à un tarif douanier de 15 %, dans le cadre du nouveau régime imposé par Washington à l’Union européenne. En Irlande du Nord, relevant du régime commercial britannique, le tarif est fixé à 10 %. Mais derrière cette différence apparente, les effets réels sur les échanges restent flous, et certains acteurs du secteur estiment même que la partie nord pourrait en sortir désavantagée.

Tarifs empilés et avantages incertains

En théorie, un taux de 10 % semble plus compétitif. Cependant, ce chiffre vient s’ajouter aux droits de douane déjà existants au titre du statut de « nation la plus favorisée » (MFN) accordé au Royaume-Uni. Résultat : certains produits européens, notamment laitiers, pourraient paradoxalement entrer aux États-Unis avec un tarif final inférieur à celui appliqué aux produits venus d’Irlande du Nord.

Il semble que l’Irlande du Nord aura des tarifs bien plus élevés que le sud. Un tarif frontalier sur l’île – peu importe qui il favorise – ne profite à personne.

L’exemple du whisky irlandais

Les spiritueux illustraient jusqu’ici une coopération commerciale exemplaire : le whisky irlandais et le bourbon américain bénéficiaient d’un régime zéro tarif réciproque. Ce n’est plus le cas :

  • Le whisky produit en République d’Irlande subira désormais un droit de 15 %.
  • Le whisky fabriqué en Irlande du Nord sera taxé à 10 %.

En théorie, une distillerie nord-irlandaise comme Old Bushmills pourrait donc proposer des prix plus attractifs que des marques comme Jameson. Mais des chaînes d’approvisionnement mêlant production et maturation des deux côtés de la frontière peuvent entraîner une requalification du produit en « origine UE », annulant l’avantage supposé.

Pour Stephen Kelly, directeur de Manufacturing NI, l’écart de 5 % ne changera pas la donne : « Tout le monde est perdant avec ces tarifs, du consommateur américain aux producteurs britanniques et irlandais. Aucun investisseur ne misera des dizaines de millions sur une politique commerciale susceptible de changer du jour au lendemain. »
Les variations de coûts de production, de salaires ou de taux de change peuvent facilement absorber cet écart tarifaire.

Le lait, symbole de l’interconnexion économique

Les filières laitières illustrent la porosité économique entre nord et sud. Des coopératives comme Lakeland Dairies, basée à Cavan, collectent du lait des deux côtés de la frontière et transforment leurs produits dans des usines situées en Irlande du Nord. Or, avec le mécanisme d’empilement des droits, certaines productions issues du sud pourraient entrer aux États-Unis avec des droits moins élevés que celles du nord.

Les entreprises laitières nord-irlandaises sont rodées aux marchés internationaux et attendent de connaître les détails finaux des accords UE/US et UK/US avant d’envisager des changements structurels.

À Dublin, le ministre irlandais des Affaires étrangères et Tánaiste, Simon Harris, a réaffirmé son souhait de voir progresser les discussions commerciales, notamment dans le secteur des boissons. Les négociations avec Washington se poursuivent afin de restaurer, au moins pour les spiritueux, le régime zéro tarif.

En attendant, cette nouvelle ligne de fracture commerciale sur l’île d’Irlande pourrait bien compliquer les équilibres économiques patiemment construits depuis les accords de paix, dans un contexte où l’ombre des décisions unilatérales américaines plane sur la stabilité des échanges.

Crédit photo : DR (photo d’illustration)
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