On dit souvent que l’Histoire est écrite par les vainqueurs. Cependant, cette écriture n’est pas toujours le reflet de l’exacte vérité et il arrive même que les vainqueurs la réécrive en vue de « jouer le coup d’après ».
Très récemment, un document intitulé « livre blanc », publiée par l’Organisation Larouche et diffusé par Jacques Cheminade, a attiré mon attention. Ce texte relate les démarches entreprises par Tulsi Gabbart et les conclusions auxquelles elle est arrivée :
« Les informations que nous publions aujourd’hui démontrent clairement qu’une conspiration de trahison a été perpétrée en 2016 par des responsables au plus haut niveau de notre gouvernement. Leur objectif était de subvertir la volonté du peuple américain et de perpétrer ce qui était en réalité un coup d’État sur plusieurs années, visant à priver le président de l’exercice du mandat que lui avait confié le peuple américain. »
Dans les faits, il s’agit du fameux « Russian Gate » ainsi dénommé par allusion au « Water Gate » qui avait provoqué la démission (soi-disant) de Richard Nixon en 1973. Le Russian Gate a été inventé de toute pièce pour provoquer la chute de Donald Trump après son élection en 2016. Mais il apparaît également qu’un gouvernement étranger, celui de l’Angleterre, a activement participé à cette opération qui était déjà engagée depuis des décennies et dont l’objectif réel était ni plus, ni moins, d’engager les États-Unis dans une guerre nucléaire contre l’URSS puis, après 1991, contre la Russie.
Yalta, point d’origine du projet britannique.
Il paraît utile de se référer à la conférence de Yalta qui s’est tenue en février 1945. Les Américains et les Anglais avaient trouvé une position commune face à Staline lors de la conférence de Malte quelques jours avant. Les enjeux étaient multiples et le point essentiel pour les Américains était l’entrée en guerre des troupes soviétiques contre le Japon au plus tard trois mois âpres la fin de la guerre en Europe.
Pour les Anglais, Churchill voulait le partage de l’Europe en « zones d’influence » qui permettrait à nouveau la mise en œuvre de la théorie de Mackinder en empêchant tout rapprochement économique et géographique entre la Russie et l’Allemagne. L’état de santé de Roosevelt se dégradait rapidement et le dialogue se circonscrit rapidement entre Staline et Churchill. Le résultat fut, sinon imposé, du moins fortement influencé et la ligne de séparation des influences fut celle définie par Churchill. Plus tard, il la qualifia de « rideau de fer » qui s’était abattu sur l’Europe.
On peut s’interroger sur l’absence des Français à cette conférence pourtant capitale pour l’après-guerre, alors que la France avait été officiellement reconnue comme puissance victorieuse, notamment par Staline, fin 1944. Sur ce point, tous les historiens ne semblent pas d’accord. Certains (les plus nombreux) disent que c’est Roosevelt qui n’aimait pas de Gaulle, mais d’autres pensent que c’est Churchill qui voulait l’écarter pour avoir « les coudées franches ». A la lumière de ce qui suit, cette dernière hypothèse n’est pas à écarter d’office.
Le plan de Churchill, tel qu’il se révèle aujourd’hui est mis en lumière par l’organisation Larouche :
« Le 22 mai 1945, deux semaines seulement après le jour de la Victoire en Europe, alors que la guerre faisait encore rage dans le Pacifique, Sir Winston Churchill publia un rapport intitulé « Opération impensable », dont l’objectif était clairement énoncé : « L’objectif général, ou politique, est d’imposer à la Russie la volonté des États-Unis et de l’Empire britannique. » Ainsi, dès le 1er juillet 1945, Churchill proposait d’envahir la Russie ! »
Mais Churchill avait de la suite dans les idées et il reprit ce thème en 1946 dans son discours célèbre du « rideau de fer » prononcé à Fulton (Missouri). Il proposait alors aux Américains un concept nouveau de la guerre appelé « guerre froide » et celle-ci se poursuivit jusqu’à la fin de l’URSS. Après la guerre froide, les Anglais continuèrent sans relâche à pousser les Américains à entrer en guerre contre la Russie. En mars 2007, le journal « London Economics » publia un texte appelant le Président Obama à menacer Vladimir Poutine d’utiliser l’arme nucléaire si ce dernier envahissait l’Ukraine.
Comment ne pas y voir la prémonition des évènements de 2013 et 2014 qui se déroulèrent à Kiev et dans lesquels les services américains mais surtout les services de renseignements britanniques jouèrent un rôle prépondérant.
Une volonté constante de détruire la Russie
On a le sentiment que, depuis que l’Angleterre avait -en apparence- perdu le statut de « puissance dominante » qu’elle possédait durant ce que les historiens appellent la « pax Britannica », elle a toujours cherché à utiliser la puissance américaine pour arriver à ses fins. Mais l’apparence peut-être trompeuse. Quelqu’un ou quelque chose peut également se dissimuler habilement derrière cette apparence et, comme on dit vulgairement, « tirer les ficelles » sans être vu.
Quel pourrait-être cet acteur caché suffisamment puissant pour rester invisible tout en influençant la marche du monde avec une telle maîtrise ?
En admettant que l’Empire britannique ait eu besoin, pour ses fins de dominer le monde, de s’adjoindre une autre puissance tout en restant sûr d’en garder le contrôle, il n’y a qu’une seule possibilité et elle s’appelle : « la City »
Siège des grandes banques internationales, seule la City possède le pouvoir « exorbitant » de contrôler la monnaie mondiale. La passation entre la livre sterling et le dollar en tant que monnaie internationale s’est faite sans douleur lors des accords de Bretton Woods. Ceux qui dirigeaient la monnaie britannique étaient en réalité les mêmes que ceux qui dirigeaient la monnaie américaine avant même l’indépendance américaine et qui n’avaient jamais perdu ce contrôle. Puissance maritime dominante jusqu’à la bataille du Jutland (1916), l’Angleterre a toujours eu une politique qui visait à empêcher toute alliance entre l’Allemagne et la Russie qui aurait ruiné à terme le projet de dominer le monde. Nous constatons aujourd’hui que les États-Unis ont adopté la même politique, et ce n’est pas par hasard.
Le monde multipolaire redistribue les cartes.
Ne nous-y trompons pas, l’actuelle guerre en Ukraine est en liaison directe avec la lutte sans merci qui oppose les partisans d’un monde « monopolaire » à ceux qui veulent établir un monde multipolaire et qui ont déja, numériquement et économiquement, gagné la partie. Dans les années qui précédèrent cette guerre, le rôle des services britanniques apparaît aujourd’hui en pleine lumière, tout comme il a été mis en évidence dans les conclusions de Tulsi Gabbart au sujet du Russian gate.
Oute la demande faite à Barrack Obama faite en 2007 de menacer la Russie de l’arme nucléaire, dès l’annexion de la Crimée, l’armée britannique fut la première à se précipiter pour aider et entraîner l’armée ukrainienne. En mars 2022, c’est le Premier ministre anglais qui a donné l’ordre aux Ukrainiens de ne pas signer l’accord de paix en Turquie. Aujourd’hui, c’est encore et toujours l’Angleterre qui veut faire la guerre à la Russie en y entraînant si possible la France et l’Allemagne.
Réussira-t-elle à convaincre l’Amérique de Trump à se joindre à eux ?
Aujourd’hui, le doute est permis mais nous verrons dans les prochains jours…
Jean Goychman
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12 réponses à “De Yalta à Kiev : comment l’Angleterre a piégé l’Amérique pour faire tomber la Russie”
Pas mal. Vous allez bientôt pouvoir écrire un roman de politique-fiction.
Excellent article.c’ est dans les coins obscurs que se joue l’ Histoire.
La démocratie libérale nous garde les miettes, c’ est à dire, le rôle de suiveur un peu naïf.
Cher Pschitt,
Mark Twain disait:
« Il est plus facile de duper les gens que de leur faire admettre qu’ils ont été dupé »
L’objectif de l’Angleterre a toujours été de déglinguer l’Europe continentale.
Sa hantise, c’était absolument d’empêcher une Europe de l’Atlantique à l’Oural qui deviendrait de facto 1ere puissance Mondiale.
La France de Napoléon devenait trop puissante…Elle s’allie à l’Allemagne pour le vaincre à Waterloo.
En 14/18 et 39/45 elle prend le parti de la Russie et de la France pour défaire l’Allemagne.
Pour protéger son Empire colonial, après 14/18 elle constitue une flotte militaire équivalente à celles de l’Italie plus l’Allemagne.
Depuis 39/45, l’URSS devient son ennemi « favori » d’où son acharnement illustré par Boris Johnson à entretenir la guerre en Ukraine.
Nostalgiques de leur Gloire passée, L’Angleterre, comme la France se croient encore une Puissance Mondiale alors que leur pays lentement, mais surement sont en passe de devenir République islamique.
Seule la Russie à les moyens de ses ambitions pour devenir hégémonique en Europe continentale.
Et cela, « notre » UE de Vandetta La Hyene, à la botte des anglo-saxons, sans matières premières, si peu d’industrie, en faillite financière, livrée en pâture aux USA, Chine, Russie et aux envahisseurs du Tiers Monde n’en veut pas.
En politique étrangère les USA ont parfois de gros sabots, analysent fort mal certaines situations.
En revanche, l’Angleterre a depuis longtemps une politique étrangère sournoise, odieuse, entraînant des catastrophes.
Un exemple parmi tant d’autres, son rôle en Iran depuis le début du 20ème siècle !
Excellente analyse, comme d’habitude, les Anglos Saxons « emmerdent » le monde. Ces Anglo Saxons larbins Rothschild veulent la destruction de la Russie et de la France, peuple catholique. Ces mondialistes ont cassé notre beau pays en 1789 suivi de l’exécution de Louis XVI et de sa famille, la Russie idem par les Bolchéviques (encore payés par le Rothschild). Le destin de la France est étroitement lié à celui de la Russie, notre place est avec eux. La France alors reprendra sa place. Culturellement nous sommes plus près des Russes que des Anglois de merde. Sans la Russie la France n’existerait plus.
Il est tout à fait exact que l’Histoire est écrite par les vainqueurs. Mais cela ne signifie pas qu’elle puisse être remplacée par des récits tissés d’anachronismes et de citations tronquées. Le « livre blanc » de l’organisation Larouche relève d’une rhétorique conspirationniste bien connue : construire une ligne continue reliant les affaires contemporaines aux grandes décisions de 1945, en désignant toujours l’Angleterre comme l’ennemi caché.
Concernant le Russia Gate, les faits sont clairs : aucune trace n’existe d’une implication du gouvernement britannique. La seule source « britannique » fut le fameux Steele dossier, rédigé par un ancien agent privé, Christopher Steele, sans lien institutionnel avec Londres. Parler d’une politique de l’Angleterre visant à déstabiliser Donald Trump est une extrapolation sans fondement.
Sur Yalta, le texte suggère que Churchill aurait cherché à écarter la France pour « avoir les coudées franches ». C’est une contre-vérité. De Gaulle lui-même, dans ses conversations avec André Malraux (Les chênes qu’on abat), affirmait : « Roosevelt ne voulait pas de nous. Staline nous méprisait. Churchill seul nous a soutenus. Si je n’avais pas résisté, la France eût été réduite à l’état de protectorat. » C’est dire que le Premier ministre britannique, malgré ses calculs et ses limites, fut l’un des rares à considérer que la France devait retrouver un rôle. Il alla même jusqu’à soutenir l’émergence du pouvoir gaulliste, au besoin en planifiant avec De Gaulle l’assassinat de Darlan en Afrique du Nord.
Quant au plan de Churchill contre l’Armée rouge, dit Operation Unthinkable, il n’a rien de « secret révélé par Larouche » : il est connu de longue date et étudié dans l’historiographie. De même, le maintien temporaire du gouvernement Dönitz à Flensburg correspondait à la stratégie de Churchill de conserver un interlocuteur allemand, ce qui fut interrompu par les Américains (voir l’excellent papier par Matthew Gerth « Götterdämmerung Averted: Winston Churchill, Flensburg and the Unthinkable ».
Autre exagération : la prétendue continuité d’une stratégie britannique de guerre permanente contre la Russie. Ni les archives de la guerre froide, ni les débats parlementaires à Londres ne confirment une telle politique obsessionnelle. La « menace nucléaire » de 2007 évoquée par Larouche ne provenait pas d’un gouvernement mais d’un article de revue, ce qui n’a pas du tout la même portée.
Enfin, sur le terrain monétaire, la lecture Larouchiste est trompeuse. La passation de puissance entre la livre et le dollar ne s’est pas faite « sans douleur » à Bretton Woods en 1944, mais bien plus tôt, à l’hiver 1916-1917, lorsque Londres choisit de poursuivre la guerre au prix de son autonomie financière. C’est à ce moment que le Royaume-Uni devint dépendant du crédit américain, ouvrant la voie à la suprématie du dollar. Ce n’est pas un complot de la City, mais une décision stratégique documentée par l’histoire économique. Voir L’Or et le sang de Delalande et Audoin-Rouzeau.
Les grandes thèses conspirationnistes ont souvent l’apparence de la profondeur, car elles tissent ensemble des faits réels, l’Operation Unthinkable, le rôle des banquiers, le déclin de la livre, mais elles les relient par des fils invisibles, transformant des logiques conjoncturelles en un complot séculaire. Je lisais déjà ces thèses à Sciences Po dans les années 1970 dans la revue des Larouche français, et elles n’ont pas gagné en solidité depuis.
L’histoire est riche, parfois brutale, mais elle n’a pas besoin d’être travestie par des mythologies où « la City » tirerait éternellement les ficelles du monde. Heureusement, cet article nous épargne les fantaisies débridées des larouchistes sur le rôle supposé de la famille royale anglaise dans le trafic de drogue.
il faut observer la marche à la guerre d’avant 1939, et l’on constate que les anglais avaient pour objectif de contrerle pacte germano soviétique , et qu’ils ont poussé les polonais à harceler leut forte minorité allemande , jusqu’à provoquer l’intervention de AH ;Le mème scénario est décrit cidessus à partir de YALTA/: inciter les USA à entrer en guerre contre laRUSSIE ;et ce mème scénario est celui joué pour attaquer la Russie à partir de 2014 autour de l’UKR; c’est l’éternelle lutte des thalassocraties ( USA et UK) contre les puissances continentales , qui dure depuis la guerre du PELOPONESE (GRECE contre PERSE) ….MAUDITS ANGLAIS !
Staline a »roulé » Roosevelt à Yalta!…Maintenant c’est Poutine qui »roule » Trump!..
Cher Balbino Katz, vous ne croyez pas que le terme « conspirationiste »est un peu éculé?
Libre à vous de croire et d’écrire ce que vous voulez, mais je me permets de vous conseiller de lire certains livres, comme « l’histoire secrète de l’oligarchie anglo-américaine » de Carol Quigley, entre autres.
Un papier un peu plus développé que le mien peut également vous intéresser:
https://reseauinternational.net/pire-quune-trahison-le-veritable-mobile-du-russiagate/
Je ne connais pas Caroll Quigley et je vais commander son Tragedy and Hope car je ne fais pas confiance à la traduction par Hillard. J’ai l’impression que ses thèses ont nourri la réthorique de groupes comme la John Birch Society (souvenirs, souvenirs…) à Lyndon LaRouche. Cela m’évoque l’expérience du Colonel House et son Philip Dru: Administrator (1912) qui pour les générations précédentes joua un peu ce même rôle. J’ai lu le papier des larouchiens de l’Institut Schiller dans Réseau international. Je préfère lire Tulsi Gabbard dans le texte et non pas leurs interprétations ad usum suum.
Bon article de Goychman sur l’empire anglais qui a vécu hélas malgré la City. Vu leurs dettes, leur crise économique, leurs déficits et la crise économique de la pauvreté actuelle qui couve. Même l’Inde ancien de l’empire comme toutes les autres colonies ont adhéré aux BRICS. Que vaut donc la Russie actuelle : c’est 10 fois en puissance de défense l’occident européen et 1000 fois en resources. Alliée avec la Chine et tous les BRICS les 5/6ème de l’humanité il ne reste que les cornemuses anglaises. La France croyait a cru et est fort dépourvue lorsque la bise des BRICS fut venue.
OTAN et anglais ont pris une râclée en Russie. Certes l’histoire anglaise est belle mais dépassée par le souverainisme.
On va le voir prochainement lorsque une seconde bourse de l’OR va apparaître à Saint Pétersbourg. C’est pour cela que Johnson avait menacé l’Ukraine de ne pas accepter la paix en Turquie en 2022.Toucher au marché de l’OR LBMA de la City, choqués et furieux les anglais. Mais Mr Trump l’a bien cité : La Russie est très très forte et alliée avec la Chine ces deux pays sont indestructibles. Alors la guerre Ukraine OTAN contre la Russie continue jusqu’au dernier ukrainien.
On cite les PIB de la Russie 70ème loin derrière la Grande Bretagne et l’occident mais tout cela sont des leurres de l’utopie monétaire. Car l’occident européen est endetté de plus de 36’000 milliards de dettes irremboursables et la Russie seulement 325 milliards tous garantis.