Il y a des coureurs qui entrent dans une course comme on entre en procession, discrets, appliqués, presque timorés. Et puis il y a Juan Ayuso, vingt-deux ans, qui surgit sur la Vuelta comme un chien fou lâché dans une arène. Il avait déjà frappé à Cerler, il a récidivé hier, en Cantabrie, pour s’offrir une deuxième rasade de gloire et rappeler que, même irrégulier, il demeure la promesse la plus insolente du cyclisme espagnol.
L’étape n’avait pourtant rien d’un duel intimiste : cinquante-deux hommes partis dans une échappée tentaculaire, un serpent coloré glissant sur les collines vertes du nord. Mais au moment décisif, sur la Collada de Brenes, Ayuso a secoué le cocotier comme un garnement impatient. Un seul, Javier Romo, eut le courage de lui emboîter la roue. L’illusion dura l’espace d’une montée. Sur la ligne, Ayuso s’imposa avec la nonchalance des élus, laissant son compatriote à la frustration et le jeune Breton Brieuc Rolland, en contre solitaire, cueillir une troisième place qui a l’accent d’avenir.
Et Jonas Vingegaard, dira-t-on ? Rien. Le Danois s’est contenté d’égrener les kilomètres, vissé sur sa tunique rouge, aussi placide qu’un comptable face à ses chiffres. Pas un coup d’œil, pas un geste superflu. Comme s’il savait que le vrai procès n’était pas pour hier, mais pour demain.
Car demain, c’est l’Angliru. Ce nom claque comme une menace. Cette montagne ne se monte pas, elle se subit. Treize kilomètres de torture, dont cinq au-delà des 13 % : une pente qui ne pardonne rien, ni les excès de confiance, ni les faiblesses passagères. C’est le tribunal suprême de la Vuelta, celui où les grimpeurs se dénudent jusqu’à l’os, exposant leur courage ou leurs limites.
Les favoris connaissent déjà la sentence possible. Vingegaard, hiératique, rêve d’y asseoir sa domination. Thomas Pidcock, lui, se glisse dans la peau du franc-tireur, capable de transformer la douleur en extase. Jay Hindley conserve l’allure du stratège qui attend l’instant propice pour renverser la table. Almeida, Riccitello, Pellizzari, Gall… chacun espère gratter une poignée de secondes, un rayon de gloire, un souffle d’histoire. Mais l’Angliru ne récompense pas les illusions : il écrase les corps et ne garde en mémoire que les martyrs consentants.
Ayuso, le prodige ibérique, a déjà son butin de victoires. Mais demain, l’Espagne n’attendra pas une victoire de panache, elle exigera un sacre. Vingegaard, le glacial, le méthodique, se présentera comme favori au bûcher. Derrière, les autres chercheront à s’inviter à la messe noire.
La Vuelta entre dans son enfer. Et dans cet enfer, il n’y a ni pardon ni miracle. Seulement la pente, et l’homme face à elle.
Crédit photo : Unipublic / Sprint Cycling Agency
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