Plonger dans un roman d’espionnage écrit par un homme du sérail, c’est découvrir un univers où la fiction s’entrelace avec l’expérience vécue. Dans Au-delà du secret (Mareuil), Pierre Boussel met à profit des années passées à observer le Proche-Orient et le Maghreb, à suivre les conflits et à analyser les logiques du renseignement. Son récit, ancré dans les bouleversements des Printemps arabes, se veut à la fois réaliste, humain et accessible. Loin des clichés façon James Bond, ses personnages apparaissent comme des agents imparfaits, confrontés aux dilemmes du terrain et aux défis d’un monde où Internet est devenu une véritable zone de guerre.
Entre documentation précise, ironie assumée et réflexion sur la permanence des menaces, ce thriller « aux allures de reportage » propose une immersion rare dans les coulisses du renseignement français. Une œuvre à mi-chemin entre littérature et témoignage, qui interroge autant qu’elle captive.
Nous vous proposons ci-dessous une interview de l’auteur, réalisée par nos soins.
Breizh-info.com : Pourquoi de roman d’espionnage ?
Pierre Boussel : Après des années passées à travailler sur le monde arabe, suivre les conflits jour après jour, étudier les acteurs militaires et politiques, les groupes armés recourant à la violence conventionnelle ou asymétrique, je me suis immergé dans les enjeux sécuritaires du Proche-Orient et du Maghreb. Cette expérience m’a donné les clés pour écrire ce récit qui mêle réalité et fiction.
Breizh-info.com : Dans Au-delà du secret, on sent un réalisme quasi documentaire. Jusqu’où va la part de vérité, et où commence la fiction ?
Pierre Boussel : La vérité d’un roman réside en ses capacités immersives. Le lecteur doit plonger dans l’histoire. Albert Camus défendait l’idée que la fiction porte une vérité humaine plus profonde que l’essai. Il avait raison.
Breizh-info.com : Pourquoi avoir choisi 2011 et les Printemps arabes comme toile de fond ? Était-ce un moment charnière pour le renseignement français ?
Pierre Boussel : Les révoltes arabes ont constitué un séisme pour les régimes en place et les populations. Ancrer mon récit dans ce contexte était l’occasion de raconter des notions indispensables à tout observateur soucieux de comprendre ce qui se trame dans un pays : la nuance, l’incertitude, l’analyse des signaux faibles. C’est là un travail permanent qui va au-delà des soubresauts de l’histoire.
Breizh-info.com : Vos personnages, Louisa et Matthieu, sont jeunes, imparfaits, humains. Est-ce une manière de briser l’image fantasmée de l’espion façon James Bond ?
Pierre Boussel : Ce sont des compatriotes qui ont choisi de contribuer à l’effort national. Ni ersatz de James Bond ni anti-héros, ils sont comme vous et moi : ordinaires. Ici est, je l’espère, la part d’humanité du livre. L’histoire postule que ces deux agents clandestins vont connaître un apprentissage difficile, mais authentique du métier.
Breizh-info.com : Internet est présenté dans le livre comme un véritable théâtre d’opérations, au même titre qu’une ville ou un désert. Est-ce déjà la première « zone de guerre » pour nos services aujourd’hui ?
Pierre Boussel : Ouvrons les livres d’histoire. Il y eut d’abord les parchemins codés, acheminés à dos de cheval entre les capitales européennes, puis le téléphone, et aujourd’hui les réseaux sociaux. Demain, de nouvelles technologies rebattront ces cartes. Il en est ainsi. Les innovations d’aujourd’hui sont les reliques de demain. Les services de renseignement ont été pensés pour s’adapter et anticiper ces évolutions. C’est leur job. Avoir un coup d’avance. Mais quelles que soient les progrès technologiques, il reste une certitude. Une seule. Il y aura toujours un moment, sur le terrain, où quelqu’un devra aller au contact de l’ennemi. S’approcher. Observer. Évaluer. Et si nécessaire, mener une opération d’entrave pour écarter la menace. Bien souvent, ce quelqu’un est un officier du renseignement.
Breizh-info.com : On sent dans votre plume une ironie, parfois une distance amusée. Est-ce une façon de désamorcer la noirceur de ce monde de l’ombre ?
Pierre Boussel : Un homme qui ne rit pas, fondamentalement, ne peut pas être sérieux. Le rire est une distanciation avec le réel, un espace de dépressurisation et de cohésion entre camarades. Les étagères de romans d’espionnage sont remplies de héros taciturnes qui portent des costumes gris froissés et des lunettes noires. Ils travaillent dans des bureaux poussiéreux équipés de stores rabattus. Je comprends l’intérêt cinématographique. L’aspect mystérieux. Énigmatique. Pour autant, je ne suis pas certain que cela corresponde à la réalité. Le rire concourt au réalisme des situations que j’ai essayé de raconter.
Breizh-info.com : Le roman est un « thriller aux allures de reportage ». Avez-vous pensé à prolonger cette approche dans une suite, peut-être sur les nouvelles guerres de l’information ou les conflits actuels (Ukraine, Sahel, Proche-Orient) ?
Pierre Boussel : Au-delà du secret est le troisième tome d’une série consacrée au renseignement extérieur français. Les personnages se suivent mais chaque histoire se lit indépendamment. J’ai entamé l’écriture du quatrième tome qui, une fois encore, se déroulera dans le monde arabe. Rien n’y fait, malgré les années, c’est un sujet qui continue de me surprendre et de me passionner.
Propos recueillis par YV
Illustration : DR
[cc] Article relu et corrigé (orthographe, syntaxe) par ChatGPT.
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