Transition énergétique : la Chambre régionale des comptes épingle la SEM 56 Énergies

Créée en 2017 par Morbihan Énergies, la société d’économie mixte 56 Énergies devait être un levier local pour la transition énergétique bretonne. Huit ans plus tard, la Chambre régionale des comptes (CRC) Bretagne dresse un constat sévère : positionnement juridique incertain, gouvernance verrouillée, stratégie floue et finances fragilisées.

Un outil départemental au périmètre mal défini

Dotée d’un capital porté à 6,5 millions d’euros, détenu à 74,5 % par Morbihan Énergies15 % par la Caisse des Dépôts et 10,5 % par trois banques, la SEM 56 Énergies se présente comme un outil d’investissement pour les projets d’énergies renouvelables et de mobilité bas carbone.

Mais la CRC rappelle un point fondamental : Morbihan Énergies ne dispose pas légalement de la compétence de production d’énergie, et aucune commune n’a transféré la compétence en matière de GNV ou d’hydrogène.

Résultat : les interventions de la société reposent sur une base juridique fragile, « exposée à un risque de nullité ».

Le rapport relève également une redondance d’activités entre la SEM et Morbihan Énergies, notamment dans le photovoltaïque. Les missions se recoupent, et la frontière entre action publique et investissements privés reste floue.

Des débuts hasardeux et une stratégie à revoir

La SEM a d’abord misé sur plusieurs projets innovants – hydrolien, hydrogène, GNV, photovoltaïque, méthanisation – mais seuls deux ont réellement abouti :

– le projet Métha’Elven, en service depuis 2023,
– et le parc éolien Eolis.Alize, opérationnel en 2025.

Les autres investissements se sont avérés coûteux :

– près de 100 000 € perdus dans l’hydrolien (liquidation de MHE),
– 1,7 million d’euros dépréciés dans le projet HyGO hydrogène,
– des stations GNV déficitaires (seulement quatre véhicules utilisateurs recensés à Vannes en 2024).

Face à ces échecs, la SEM a engagé depuis 2021 une réorientation vers des “sociétés de territoire”, associant directement les intercommunalités (Questembert, Roi Morvan, Redon…). Une démarche plus cohérente avec la loi APER de 2023, qui renforce le rôle des communes dans les zones d’accélération des énergies renouvelables.

Gouvernance : des failles structurelles et un pacte illégal

La gouvernance de la SEM est dominée par Morbihan Énergies (11 administrateurs sur 16), mais la CRC pointe un pacte d’actionnaires de 2017 illégal : il confère un droit de veto aux actionnaires privés sur certaines décisions, en contradiction avec les statuts et le droit public.
Le comité technique, chargé de filtrer les projets, fonctionne à l’unanimité, offrant là encore un pouvoir de blocage disproportionné aux acteurs privés.

Sur le plan déontologique, la Chambre note 29 conventions réglementées irrégulières, certaines non approuvées par le conseil d’administration ni par l’assemblée générale.
Le PDG cumule plusieurs fonctions depuis 2017, avec une rémunération de 40 000 euros annuels, tandis qu’un cadre détaché de Morbihan Énergies exerce simultanément un mandat social et un contrat salarié – un cumul explicitement interdit aux agents publics.

Les comptes sont certifiés sincères, mais les pertes s’accumulent :

– 1,68 million d’euros de déficit en 2024,
– 2,5 millions cumulés depuis la création,
– des dépréciations massives liées aux projets hydrogène et GNV.

Le plan d’affaires révisé ne prévoit un retour à l’équilibre qu’en 2032 et une reconstitution du capital en 2047.
La Chambre estime qu’il faudra recapitaliser la SEM à hauteur d’environ 11 millions d’euros pour assurer sa survie, tout en soulignant la fragilité de son modèle économique.

Des recommandations fermes

La CRC formule cinq recommandations clés :

  1. Modifier le pacte d’actionnaires et le comité technique pour rétablir la légalité des décisions.
  2. Régulariser la situation du directeur général délégué détaché de Morbihan Énergies.
  3. Définir une stratégie d’investissement claire et cohérente avec les compétences locales.
  4. Informer les actionnaires sur les besoins de financement des sociétés de territoire.
  5. Mettre en place une méthode rigoureuse d’évaluation des actifs et des provisions.

La Chambre appelle enfin à simplifier le schéma institutionnel, en supprimant un échelon départemental devenu redondant avec les structures intercommunales et régionales.

Une réponse défensive mais ouverte

Dans sa réponse, la direction de 56 Énergies reconnaît certaines maladresses de jeunesse, mais défend le rôle de la SEM comme acteur d’innovation territoriale. Elle rappelle que la structure a été pionnière en matière de production locale et de mobilité bas carbone, et que plusieurs projets – notamment en éolien et méthanisation – commencent à produire des résultats tangibles.
Elle s’engage à revoir la gouvernance et à renforcer la transparence financière, tout en sollicitant de nouveaux apports en capital pour consolider ses fonds propres.

Le cas de SEM 56 Énergies illustre les limites d’un modèle hybride : celui d’outils publics se voulant agiles, mais tiraillés entre ambitions écologiques, contraintes juridiques et aléas économiques.

La transition énergétique, vantée comme pilier du développement local, repose encore sur des montages complexes, parfois fragiles juridiquement et financièrement. Pour la Chambre régionale des comptes, l’enjeu est clair : sans clarification du cadre, la SEM risque de rester un symbole de bonne volonté institutionnelle, mais sans réel impact durable sur la production d’énergie bretonne.

Illustration : DR

[cc] Article relu et corrigé (orthographe, syntaxe) par ChatGPT.

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