Dans un entretien accordé à Rafael Pinto Borges, pour The European Conservative le diplomate et écrivain portugais Francisco Henriques da Silva, ancien ambassadeur du Portugal en Inde, en Hongrie et au Mexique, dresse un constat implacable : le wokisme est devenu la matrice idéologique d’un déclin civilisationnel, un « nihilisme intellectuel » qui mine l’Europe et les États-Unis de l’intérieur.
Son dernier ouvrage, Cultural Wars and the Woke Threat, explore ce qu’il qualifie de « guerre culturelle totale contre l’héritage de Jérusalem, d’Athènes et de Rome ».
Le wokisme : un fondamentalisme moral
Pour Francisco Henriques da Silva, le wokisme n’est pas une simple mode progressiste, mais une idéologie structurée et militante : « Nous pouvons définir le mouvement woke comme une croisade se réclamant de la justice sociale, fondée sur la logique binaire oppresseur/opprimé et la nécessité de rééduquer la société. »
Né au sein des milieux afro-américains autour du concept d’“éveil”, ce mouvement s’est transformé, selon lui, en un système de contrôle social : “l’idéologie du bannissement”. Être “éveillé” suppose désormais de “cancel” ceux qui ne le sont pas.
Sous couvert d’antiracisme ou de lutte contre les discriminations, le wokisme vise à effacer l’héritage intellectuel, religieux et moral de l’Occident :
« Il cherche à détruire les fondements de la culture occidentale – la raison grecque, le droit romain, l’héritage chrétien et les Lumières. »
L’alliance du néo-marxisme et de l’hyperlibéralisme
L’ancien diplomate identifie trois sources principales du phénomène : le gramscisme, l’école de Francfort et le postmodernisme. Mais il y ajoute une quatrième, souvent oubliée : l’hyperlibéralisme des élites urbaines anglo-saxonnes.
« C’est l’individualisme poussé à son paroxysme, sans freins ni limites. Ce libéralisme extrême, combiné à un marxisme culturel diffus, constitue le moteur du wokisme contemporain. »
Ce mélange paradoxal — entre égalitarisme collectif et narcissisme individualiste — nourrit une idéologie totalitaire déguisée en mouvement moral.
Pour Francisco Henriques da Silva, le wokisme fonctionne désormais comme une religion séculière, remplaçant la foi chrétienne déclinante par un dogme d’inspiration calviniste :
« Dans le christianisme, le péché originel peut être effacé par le baptême. Dans le wokisme, la “culpabilité originelle” du mâle blanc est indélébile. »
Ce dernier serait, par nature, coupable de ses privilèges — “hétérosexuel donc homophobe, occidental donc oppresseur” — sans espoir de rédemption. Cette théologie inversée fonde, selon lui, une société du ressentiment où le pardon devient impossible et la victimisation perpétuelle.
« Le triomphe du relativisme moral, incarné par l’idéologie woke, représente la sentence de mort de la civilisation occidentale. »
L’université, épicentre de la contagion
L’ancien ambassadeur décrit les universités occidentales comme le berceau du wokisme :
« Tout a commencé dans les départements de sciences sociales et humaines, avant de contaminer les sciences dures. »
Sous la pression du politiquement correct et de la “cancel culture”, les disciplines elles-mêmes se trouvent dénaturées :
l’histoire est réécrite, la biologie niée, les mathématiques accusées de racisme.
Cette dérive, prévient-il, marque la phase terminale du déclin intellectuel de l’Occident :
pendant que l’Europe s’autoflagelle, la Chine, la Russie et l’Inde refusent cet “hara-kiri idéologique” et renforcent leur influence mondiale.
Les remèdes : pluralisme, sanctions et courage politique
Face à ce qu’il appelle une “métastase culturelle”, Francisco Henriques da Silva préconise une réaction politique ferme :
rétablir le pluralisme intellectuel, sanctionner les universités et médias qui violent la liberté d’expression, et suspendre les subventions publiques à toute institution promouvant la censure.
« Le mouvement woke est intrinsèquement totalitaire. Il avance partout où il rencontre la faiblesse ou la complaisance. »
Selon lui, seule une volonté politique déterminée peut enrayer ce phénomène, car il s’agit d’un problème d’ordre civilisationnel, non académique.
Dans la seconde partie de l’entretien, le diplomate revient sur la dimension géopolitique du wokisme : il constitue, dit-il, une arme de culpabilisation massive du monde occidental.
« Dans la vision woke, l’Occident doit s’autoflageller pour les fautes du passé : esclavage, colonialisme, croisades. Or cette lecture tronquée ignore que l’esclavage fut universel et multiracial, et que d’autres civilisations ont commis des crimes bien plus massifs. »
Selon lui, cette repentance sans fin mine l’autorité morale de l’Europe et affaiblit son influence internationale, laissant le champ libre à des puissances comme Pékin ou Moscou qui se posent désormais en “civilisations authentiques”.
Francisco Henriques da Silva ne croit pas à une victoire rapide du camp conservateur.
Malgré quelques signes encourageants — le retour de Donald Trump, certaines décisions judiciaires en Europe ou au Royaume-Uni —, il estime que le mouvement woke reste profondément enraciné dans les institutions.
« La bataille culturelle est loin d’être gagnée. Le cycle de décadence est avancé, mais la résistance existe encore. »
Selon lui, l’Europe résiste mieux que l’Amérique du Nord grâce à ses identités nationales encore vivantes et à une méfiance persistante vis-à-vis du modèle anglo-saxon.
Mais le diplomate avertit : si le relativisme moral continue de s’imposer, la civilisation occidentale cessera tout simplement d’exister.
Illustration : DR
[cc] Article relu et corrigé (orthographe, syntaxe) par ChatGPT.
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