Alors que les enquêtes d’opinion montrent, dans la plupart des pays occidentaux, une préférence majoritaire des populations pour une réduction de l’immigration, de nombreuses études universitaires concluent à des effets neutres ou positifs de l’immigration sur la cohésion sociale et les États-providence. Un décalage que plusieurs travaux récents tentent désormais d’analyser non pas du côté des citoyens, mais de celui des chercheurs eux-mêmes.
Une large enquête sur les pratiques des chercheurs
Une étude collective publiée en 2022 par plusieurs chercheurs internationaux, dont Nate Breznau, Paul Rinke et Alexander WuttkeInternational Social Survey Programme et des statistiques officielles issues de la Banque mondiale, de l’ONU et de l’OCDE. Leur mission était d’évaluer une hypothèse précise : l’augmentation de l’immigration réduit-elle le soutien de la population aux politiques sociales ?
Des résultats très divergents à partir des mêmes données
Malgré des conditions de départ identiques, les conclusions se sont révélées extrêmement dispersées. Au total, 1 261 modèles statistiques différents ont été produits, sans qu’aucun ne soit identique à un autre.
Les résultats se répartissent ainsi :
- 60,7 % des équipes concluent que l’immigration ne réduit pas le soutien aux politiques sociales ;
- 28,5 % estiment au contraire que l’hypothèse d’un effet négatif est confirmée ;
- 13,5 % jugent que les données ne permettent pas de trancher.
Les organisateurs de l’étude soulignent que plus de 95 % de la variance des résultats ne peut être expliquée par les choix méthodologiques identifiables, ce qui met en évidence l’ampleur de la marge d’interprétation laissée aux chercheurs.
Une majorité de chercheurs favorables à l’immigration
Avant de commencer leurs travaux, les chercheurs ont été interrogés sur leurs propres opinions en matière de politique migratoire. Les réponses montrent une nette homogénéité idéologique :
- plus de 72 % estiment que les lois sur l’immigration devraient être assouplies ;
- 17 % souhaitent le statu quo ;
- moins de 8 % pensent que les règles devraient être durcies.
Aucun participant n’a choisi l’option la plus restrictive proposée dans le questionnaire, contrairement aux résultats observés dans les enquêtes menées auprès du grand public.
Corrélation entre convictions et conclusions
Une étude complémentaire publiée en 2024 par George Borjas et Nate Breznau s’est attachée à examiner le lien entre les opinions personnelles des chercheurs et leurs résultats scientifiques.
Les équipes ont été classées en trois catégories : favorables à l’immigration, modérées et critiques. L’analyse montre que :
- les équipes critiques tendent à produire des résultats indiquant un affaiblissement du soutien aux politiques sociales ;
- les équipes modérées obtiennent des effets proches de zéro ;
- les équipes favorables à l’immigration aboutissent plus fréquemment à des effets positifs.
Les auteurs constatent également que les équipes aux positions les plus marquées — favorables ou critiques — présentent en moyenne une qualité méthodologique inférieure, évaluée à l’aveugle par des pairs indépendants, tandis que les équipes modérées produisent les analyses jugées les plus robustes.
Des effets sur la perception de la recherche
Ces travaux soulignent que, dans un champ fortement politisé comme l’immigration, les convictions idéologiques peuvent influencer les choix analytiques, même lorsque les données et la question de recherche sont identiques. Les auteurs estiment que ce phénomène contribue à expliquer la difficulté à dégager un consensus scientifique clair sur les effets de l’immigration sur la cohésion sociale et l’État-providence.
Ils notent également que ce type de biais potentiel n’est probablement pas propre à l’immigration, les enquêtes montrant depuis plusieurs années une forte homogénéité idéologique à gauche dans les sciences sociales et humaines, en Europe comme en Amérique du Nord.
Illustration : DR
[cc] Article relu et corrigé (orthographe, syntaxe) par ChatGPT.
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