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“Pages arrachées au livre de Satan”, chef d’œuvre de Dreyer, a 100 ans !

Davantage connu pour La Passion de Jeanne d’Arc, Carl Theodor Dreyer a réalisé il y a tout juste un siècle un autre chef d’œuvre du cinéma muet : Pages arrachées au livre de Satan. C’est le premier grand film dénonçant la révolution bolchevique, dressant même un parallèle avec la Révolution française.

Ange de Lumière maudit par Dieu, Satan (Helge Nissenn) prend apparence humaine et, à différentes époques, tente un homme qui trahit son idéal et accomplit le mal. La première époque est celle de Jésus (Halvard Hoff). Satan prend la forme d’un Pharisien qui convainc Caïphe, grand-prêtre du Temple de Jérusalem, de faire arrêter le Christ. Malgré ses remords, Judas trahit Jésus…

La deuxième époque est celle de l’Inquisition, au XVIIe siècle, à Séville. La fille d’un noble passionné d’astrologie étudie sous la férule d’un moine qui est amoureux d’elle. Mais l’intendant accuse le père et la fille d’hérésie. Arrive alors le Grand Inquisiteur, nul autre que Satan déguisé…

Troisième époque, en France, en 1793. Louis XVI vient d’être exécuté. Menacé par les révolutionnaires, le comte de Chambord confie sa fille et son épouse au valet. Mais Satan, en la personne d’un ancien domestique, encourage le valet à rejoindre les révolutionnaires. Le valet laisse ainsi l’épouse et la fille se faire arrêter. La fille du comte lui promet le rachat s’il aide Marie-Antoinette à s’évader. Mais il trahit une deuxième fois. Marie-Antoinette est condamnée à mort…

Quatrième époque, en Finlande, en 1918. Un petit village est occupé par les bolcheviques. Paavo et son épouse Siri mènent une vie paisible. Au tribunal révolutionnaire, Satan, en la personne de l’ancien moine Ivan, jouit d’une grande écoute. Il fait arrêter Paavo, fidèle à sa patrie, et veut tendre une embuscade aux Blancs qui approchent. Siri se plante un couteau dans le cœur. Les Blancs empêchent l’exécution de Paavo et Siri revient à la vie dans les bras de son mari. Cette fois-ci, Satan a échoué…

Pages arrachées au livre de Satan (Blade af Satans bog) est un film danois réalisé par Carl Theodor Dreyer et sorti le 24 janvier 1921. La qualité de la photographie en noir et blanc est exceptionnelle. Inspiré par le film Intolérance de Griffith (1916), ce long film (167 minutes) est divisé en quatre périodes. Le scénario du film a été fustigé, à l’époque, par l’église luthérienne. En effet, Dieu invite Satan à prendre forme humaine et à agir contre les lois divines (“Tente-les, pour qu’ils agissent contre ma volonté”). Le diable n’est là que sur la volonté de Dieu ! Satan, ange déchu, gagne des siècles d’affranchissement pour chaque âme qu’il ne parvient pas à corrompre. Malgré ce scénario jugé blasphématoire, le film reste conservateur. Dreyer dénonce l’intolérance de ceux qui disent incarner la justice : les pharisiens, les inquisiteurs et les révolutionnaires français et bolcheviques. Il dénonce avec la même virulence les révolutions française de 1789 et bolchevique de 1917. En réaction, des forces de gauche critiquèrent ce film qui mêle Satan aux révolutionnaires français et bolcheviques.

Abandonné par sa mère gouvernante alors qu’il était bébé, Carl Theodor Dreyer (1889-1968) est adopté en 1891 par la famille Dreyer. Il ne découvre la vérité qu’à l’âge de 17 ans, ce qui suscite sans doute son extrême sensibilité. Il fait ses débuts en tant que journaliste, puis décide de réaliser des films après avoir vu Intolérance de D.W. Griffith. Particulièrement méticuleux, il ne tourne que quatorze films en cinquante ans. Ses films muets les plus impressionnants sont Pages arrachées au Livre de Satan (1921), qui critique tant la révolution française que la révolution bolchévique et, bien sûr, son chef d’œuvre, La Passion de Jeanne d’Arc (1928). Dreyer adopte une esthétique expressionniste époustouflante, mêlant souvent fantastique et réalisme. Il cherche à illustrer l’intériorité humaine, dénonçant la lâcheté et le mensonge, et révèle l’affrontement du bien et du mal. Son œuvre est profondément chrétienne, tout en montrant une société désenchantée. Il se demande, notamment dans La Passion de Jeanne d’Arc, comment accéder à la sainteté face à tant de fausseté. L’âme de ses personnages se révèle dans l’épreuve de la mort : bien sûr Jeanne d’Arc face à ses bourreaux, mais aussi Allan Gray luttant contre une femme vampire (Vampyr, 1932), Martin face à l’accusation de sorcellerie portée contre celle qu’il aime (Jours de colère, 1943), Mikkel devant la mort en couches de sa femme Inger (Ordet, 1955), Gertrud qui décide de ne plus voir celui qu’elle aime et en meurt lentement (Gertrud, 1964). Carl Theodor Dreyer décède en 1968 sans avoir pu réaliser le film qui lui tenait réellement à cœur : la vie du Christ.

Ce film peut être visionné sur Youtube et DailyMotion.

Kristol Séhec

Crédit photos : DR
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