Irlande du Nord : Londres admet avoir fermé les yeux sur les crimes de l’IRA pour sauver le processus de paix

Des documents officiels récemment déclassifiés au Royaume-Uni confirment ce que nombre d’observateurs soupçonnaient depuis des années : le gouvernement de Tony Blair a sciemment toléré les activités criminelles de l’IRA – y compris des meurtres – afin de préserver le fragile processus de paix en Irlande du Nord. Une compromission politique au plus haut niveau.

C’est une confidence sidérante consignée noir sur blanc dans les archives du gouvernement britannique : John Reid, alors secrétaire d’État pour l’Irlande du Nord, a reconnu en octobre 2001, lors d’un dîner confidentiel avec Gerry Adams et Martin McGuinness, que Londres avait « détourné le regard » face aux exactions de l’IRA, dans l’espoir que l’organisation paramilitaire finisse par déposer les armes.

Une stratégie assumée de « compromis tactique »

Le compte-rendu de la rencontre, conservé aux Archives nationales à Kew, révèle que la collusion tacite entre Sinn Féin, les gouvernements britannique et irlandais et l’IRA était connue et acceptée. John Reid y déclare explicitement que, pour favoriser le processus de désarmement, les autorités avaient « fermé les yeux » sur des activités criminelles telles que le trafic, les passages à tabac, les braquages… et même les assassinats.

Mais le prix du silence devait, selon Reid, être un début sincère de désarmement. Or, à l’époque, l’IRA temporisait, refusant une démilitarisation progressive et préférant un geste symbolique unique. Ce que Reid interpréta comme une manœuvre pour éviter un véritable désarmement.

Une désillusion progressive

Dans un mémo privé adressé au Premier ministre Tony Blair deux mois auparavant, John Reid avait déjà tiré la sonnette d’alarme : le maintien de la dévolution avec un Sinn Féin encore lié à une armée clandestine était de plus en plus intenable. Il évoquait alors la nécessité d’un « Plan B », estimant que « l’apaisement ne pouvait être une stratégie durable ».

L’affaire des trois membres de l’IRA arrêtés en Colombie – où ils formaient des guérilleros des FARC en échange d’argent provenant du narcotrafic – avait fragilisé la ligne officielle. Comment prétendre désarmer d’un côté tout en formant des combattants ailleurs ?

Malgré le début du désarmement en octobre 2001, les activités criminelles de l’IRA ont non seulement perduré, mais se sont intensifiées : vols de fonds massifs, racket, contrebande de cigarettes, notamment au port de Belfast. Le point d’orgue de ce double jeu reste le braquage de la Northern Bank, un casse spectaculaire qui embarrassa profondément Londres et Dublin.

En 2021, l’ancien Premier ministre irlandais Bertie Ahern a fini par admettre que « oui, on a fermé les yeux » sur certaines activités de l’IRA, dans l’espoir de favoriser un désengagement progressif. Mais, ajoutait-il, « dix ans plus tard, il n’était plus possible de continuer ainsi ».

Ces révélations relancent un débat crucial : jusqu’où peut-on aller pour préserver la paix ? Le processus politique entamé avec les accords du Vendredi Saint en 1998 a, certes, permis de mettre fin à des décennies de guerre civile. Mais il s’est aussi construit sur des zones d’ombre, des renoncements à la vérité, et un abandon partiel de l’État de droit.

Alors que la paix semble acquise, ces documents rappellent que l’histoire récente de l’Irlande du Nord reste marquée par des compromis périlleux. Et que, sous couvert de réconciliation, l’impunité a parfois été le prix du silence.

Crédit photo :  DR
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