Avec l’essor des cryptomonnaies, un nouveau type de violence émerge : le rapt ciblé de détenteurs d’actifs numériques. En France comme ailleurs – et même à Nantes en Bretagne où des arrestations viennent d’avoir lieu – les forces de l’ordre tirent la sonnette d’alarme face à cette criminalité moderne où les rançons ne s’échangent plus contre valises de billets… mais contre accès à des portefeuilles dématérialisés.
Quand posséder du Bitcoin devient dangereux
En mars dernier à Houston (Texas), trois cambrioleurs armés ont pénétré de nuit chez la star de Twitch Kaitlyn Siragusa, connue sous le pseudonyme « Amouranth ». Leur but ? Lui extorquer ses cryptos. L’intervention de son mari, qui a fait feu sur les intrus, a évité le drame. Mais cet épisode n’est pas isolé.
En mai, une tentative d’enlèvement en région parisienne visant une femme et sa fillette — proches d’un investisseur en cryptomonnaies — a été filmée par une caméra de surveillance. Et plus tôt encore, un père de famille a vu l’un de ses doigts tranché par ses ravisseurs qui exigeaient les clés de son portefeuille numérique.
Pour les criminels, les détenteurs de cryptomonnaies représentent une proie idéale : pas de tiers bancaire, des transferts instantanés et intraçables, et souvent, une sécurité déléguée… à la seule mémoire du mot de passe.
« Attaque à la clé à molette » : le cauchemar des cryptophiles
Dans le jargon, on parle de wrench attacks : une allusion à une célèbre planche de bande dessinée montrant qu’un bon coup de clé anglaise est souvent plus efficace que le piratage informatique le plus sophistiqué. L’idée ? Peu importe la robustesse cryptographique d’un portefeuille si l’on peut extorquer physiquement le code à son propriétaire.
Jameson Lopp, expert reconnu en cybersécurité, recense 23 attaques physiques depuis le début de l’année. Et encore : « la plupart ne sont jamais rendues publiques », explique-t-il. En cause : la peur des représailles, ou simplement la honte de s’être fait prendre. Résultat : un phénomène bien plus large que ce que les statistiques officielles laissent penser.
Des mafias connectées aux portefeuilles froids
Les réseaux criminels n’hésitent plus à surveiller, pister, et parfois torturer leurs cibles. Du cartel sud-américain aux escrocs chinois opérant depuis le Cambodge ou la Birmanie, la cryptomonnaie est désormais au cœur d’un écosystème mafieux international.
Et pendant que certains kidnappent, d’autres arnaquent à grande échelle. Les escroqueries dites du pig butchering (« l’abattage du cochon ») piègent des milliers d’internautes crédules dans de faux investissements aux promesses mirobolantes.
Face à cette criminalité moderne, les services de police sont souvent dépassés. Peu d’agents locaux ont la formation nécessaire pour traquer des fonds dans la blockchain. Seuls les services spécialisés, comme le FBI ou certaines unités européennes, peuvent espérer remonter la piste. Mais ils n’interviennent que pour des vols dépassant plusieurs millions d’euros.
Les utilisateurs sont donc livrés à eux-mêmes. Si la cryptomonnaie séduit pour son indépendance vis-à-vis des banques, elle est aussi cruelle dans l’épreuve : aucune hotline, aucun recours, aucune assurance.
Le recours aux portefeuilles froids (cold wallets), déconnectés d’Internet, permet certes d’éviter les piratages… mais pas les couteaux sous la gorge. « Quand quelqu’un décide de vous cibler, il est déjà trop tard pour faire attention », résume crûment Michael Englander, patron d’une plateforme d’échange basée en Pologne.
À la suite de plusieurs incidents en France, le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau a récemment réuni les acteurs du secteur pour les sensibiliser aux risques. Mais dans un contexte où la technologie avance plus vite que la législation, les marges de manœuvre restent faibles.
Comme l’explique un ancien enquêteur britannique, les criminels privilégient désormais les crimes « à faible risque et à fort rendement ». Là où autrefois ils braquaient des banques, ils s’en prennent désormais aux fortunes numériques, souvent mal protégées, toujours vulnérables.
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