Chronique à propos d’un mot qu’on jette comme une insulte : populiste

Dans le quotidien Corse Matin, on découvre le lundi 2 juin-ci un article sur une double et une Une tapageuse consacrés aux « populistes insulaires ». On devine derrière cette épithète le ton condescendant de la presse régionale devenue, comme sa grande sœur continentale, incapable de penser autrement qu’à travers les catégories confortables du mépris mondain. Le populisme, dans cette rhétorique usée, est ce que l’on jette au visage des récalcitrants, des provinciaux, des inadaptés. Ceux qui refusent d’applaudir à la dilution joyeuse de toute frontière, qu’elle soit culturelle, sociale ou anthropologique.

Et pourtant, qu’est-ce que ce populisme corse qu’on entend aujourd’hui disqualifier à la hâte ? Il est peut-être l’un des derniers populismes authentiques du continent européen. Un populisme enraciné, au sens propre : c’est-à-dire un engagement de chair et de mémoire pour une terre circonscrite, habitée, transmise. Non pas un programme, mais un principe de fidélité. Non pas une idéologie de rechange, mais une volonté de survivre dans l’histoire. Il n’y a pas de « populisme corse » sans peuple corse, et ce peuple-là ne se définit pas par les papiers qu’on lui reconnaît, mais par la continuité historique d’une identité, d’un parler, d’un style de vie. Cela, Paris, même déguisé en Ajaccio ou Bastia, peine à le concevoir.

Ce populisme n’est pas une colère vague. Il est une mise en ordre, un effort de distinction. Il oppose le peuple, non pas dans une abstraction rousseauiste, mais dans sa réalité visible, concrète, faite de villages, de familles, de visages, à ceux qui vivent de lui sans vivre avec lui. C’est une dénonciation d’une oligarchie minuscule, endogame, jouissant de la rente publique, des sinécures électorales et d’un entre-soi idéologique acquis aux modes du moment : islamo-gauchisme de confort, accueil sans limite, subventions à tout propos sauf au peuple qui travaille, celui qui enterre encore ses morts avec dignité et qui fait son pain, son vin et ses enfants.

On voudrait faire passer ce réveil pour une menace. C’est là l’erreur. Ce n’est pas un cri de haine, c’est une affirmation d’existence. C’est le refus poli mais ferme de devenir, à leur tour, des étrangers sur leur propre sol. Une protestation contre l’extension sans fin de l’espace marchand et administratif, qui veut faire de la Corse un décor sans Corses, un territoire vidé de sa substance pour y implanter les désirs des autres. Il ne s’agit pas d’exclure pour exclure. Il s’agit de se garder. De poser des seuils. D’affirmer des continuités.

Ce que Corse Matin n’ose écrire, c’est que ce « populisme » commence à trouver écho au-delà de ses bases militantes. Il parle à une jeunesse inquiète de ne plus reconnaître le monde de ses pères. Il parle aux relégués, aux invisibles, aux anciens combattants de la ruralité. Il parle même, parfois, aux immigrés intégrés qui voient leur quartier livré à de nouvelles logiques tribales plus violentes, plus étrangères à la culture méditerranéenne. Il rappelle que l’idée même de démocratie repose sur un demos, un peuple défini, et non sur une collection d’individus administrés par un algorithme.

Alors oui, ce populisme est identitaire. Et il est populaire. Il veut remplacer une caste molle, avide et mimétique par une élite nouvelle, sobre, issue du peuple, et fidèle au peuple. Il veut que les maîtres de demain parlent la langue du pays et portent les noms de ses collines. Il veut que l’école corse forme des hommes debout, pas des sujets reprogrammés. Il veut, pour tout dire, que la Corse reste la Corse. Et cela, en ces temps d’effacement généralisé, c’est déjà un crime aux yeux des nouveaux inquisiteurs.

On dirait, à lire Corse Matin, comme chez nous le Télégramme ou Ouest-France, que tout cela serait exagéré, presque fantasmatique. Que personne ne veut la disparition des Corses. Et pourtant, dans les faits, dans les décisions, dans les silences, elle avance, cette disparition. Par consentement, par lâcheté, par confort moral. Le populisme insulaire, loin d’être un fantasme, est la dernière ligne de front avant l’amnésie, puis la mort.

— Balbino Katz – Chroniqueur des vents et des marées

Crédit photo : DR
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Une réponse à “Le soupçon des îles”

  1. Prétet Yvette dit :

    j’approuve le  »populisme » des Corses: IL y a quelques années, les Corses ont chassé de leur pays des Marocains…Les Français  »de Métropole » devraient faire comme les Corses…mais…à cette époque, le maire de Nîmes, Alain Clary, communiste, a fait venir dans notre ville, tous ces Marocains(chassés de Corse) au lieu de les laisser partir dans  »leur » pays!…Le maire n’a pas demandé l’avis des Nîmois qui sont bons, pour lui, qu’à payer des impôts exorbitants…ce maire donne, ensuite, notre argent aux  »étrangers » qui entrent  »clandestinement » dans notre pays!..

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