Un missionnaire au cœur des ténèbres
Nous sommes au milieu du XVIIe siècle. Tandis que la Méditerranée est le théâtre d’une intense activité corsaire, les puissances barbaresques de Tunis et d’Alger asservissent des dizaines de milliers de chrétiens européens. Dans ce contexte de violence et d’humiliation, Vincent de Paul – bouleversé par le sort des captifs – fonde « l’œuvre des esclaves » et parvient à faire accepter par le dey de Tunis l’envoi d’un prêtre chrétien sur place. Cet homme, ce sera Jean Le Vacher.
Arrivé à Tunis à l’âge de 28 ans, le jeune lazariste ne tarde pas à se faire remarquer pour son zèle et son intelligence. Il devient rapidement vicaire apostolique, représentant du pape, puis consul de France, au service du roi Louis XIV. Naviguant entre foi, diplomatie et humanité, il devient la voix des captifs, la main secourable des déshérités, et le visage de la France dans un monde où l’islam domine et où les chrétiens sont soumis à l’humiliation de la servitude.
Une mort tragique, un oubli injuste
Jean Le Vacher finira sa vie tragiquement : attaché à la bouche d’un canon à Alger, il est exécuté comme un ennemi par les autorités locales. Un martyre qui scelle un destin extraordinaire… et pourtant presque effacé de la mémoire collective française.
Geneviève Chauvel, forte de son expérience de photographe de guerre et de grand reporter au Moyen-Orient, retrace avec une acuité rare cette épopée humaine et spirituelle. Loin de l’hagiographie, elle livre une biographie à la fois documentée, vibrante et engagée, sur des victimes de l’histoire non conforme au récit dominant.
Dans un contexte où l’on parle beaucoup de repentance et d’héritage colonial, Mission en terres barbaresques rappelle une réalité longtemps passée sous silence : l’existence massive d’un esclavage chrétien exercé par les puissances musulmanes d’Afrique du Nord, du XVIe au XVIIIe siècle. Des dizaines, voire des centaines de milliers d’hommes et de femmes enlevés, vendus, enchaînés dans les bagnes barbaresques, souvent oubliés des pages officielles de l’histoire.
À travers la figure lumineuse et tragique de Jean Le Vacher, Geneviève Chauvel ne nous offre pas seulement le portrait d’un homme de foi et de devoir : elle invite à regarder notre passé en face, dans toute sa complexité. Et à ne pas oublier que, bien avant la colonisation française de l’Afrique du Nord, c’est aussi l’Europe qui a subi l’esclavage au sud de la Méditerranée.
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