Le Parlement écossais a adopté à l’unanimité une loi historique accordant un statut officiel aux langues gaélique et scots, marquant un tournant majeur dans la reconnaissance institutionnelle de ces langues ancestrales menacées. Intitulée Scottish Languages Bill, cette législation entend renforcer la présence des langues autochtones en Écosse, tant dans l’enseignement que dans la vie publique.
Une reconnaissance attendue, mais encore très limitée ?
La loi, défendue par la vice-première ministre Kate Forbes, accorde au gaélique et au scots le statut de langues officielles. Elle introduit également de nouveaux standards éducatifs et facilite la création d’« aires d’importance linguistique » dans les communautés gaéliques. Concrètement, cela permettra de cibler les subventions et les politiques publiques dans les zones les plus fragilisées linguistiquement, où la langue est encore vivante mais en déclin.
Parmi les mesures notables :
- Les parents auront désormais le droit de demander l’ouverture d’écoles gaéliques dans leur région. Les autorités locales devront évaluer la faisabilité du projet, et le gouvernement pourra ordonner leur création si les conditions sont réunies.
- Des places en maternelle et en petite enfance en gaélique seront accessibles dans toute l’Écosse.
- Des objectifs seront fixés en matière de nombre de locuteurs et d’apprenants en gaélique.
- De nouveaux diplômes en gaélique seront créés.
Kate Forbes a également annoncé une enveloppe supplémentaire de 5,7 millions de livres sterling pour soutenir la promotion du gaélique et du scots en 2025, signe d’un volontarisme politique affiché par le gouvernement SNP.
Des critiques sur le fond : trop peu, trop tard ?
Malgré l’unanimité du vote, l’opposition travailliste a vivement critiqué la portée réelle du texte. Michael Marra, porte-parole travailliste aux finances, a jugé que le projet de loi était « loin de suffire à protéger le gaélique ». Selon lui, « sans développement économique dans les bastions traditionnels de la langue, les perspectives sont sombres ». Il dénonce un texte à la portée limitée, qui « au mieux, ne fera pas de mal ».
Un constat partagé par de nombreux défenseurs des langues autochtones : si l’ambition politique est saluée, les moyens concrets restent insuffisants pour enrayer le lent déclin du gaélique, qui nécessite avant tout une revitalisation économique et culturelle des Highlands et des Hébrides, ses terres d’origine.
Les derniers chiffres du recensement montrent néanmoins une progression encourageante : 130 161 personnes déclaraient en 2022 avoir des compétences en gaélique, contre 87 056 en 2011. Pour le scots, les chiffres sont bien plus élevés : plus de 2,4 millions de personnes affirment avoir une certaine maîtrise de cette langue vernaculaire, souvent parlée dans les Lowlands et l’est du pays.
Dans un pays de 5,5 millions d’habitants, ces chiffres traduisent une certaine résilience des langues autochtones, mais aussi une fragilité persistante. Le gaélique, en particulier, reste majoritairement cantonné à quelques zones rurales, et dépend fortement du soutien institutionnel pour survivre.
Cette loi s’inscrit dans un contexte politique où la question identitaire occupe une place centrale. La reconnaissance officielle des langues autochtones est perçue comme un acte de souveraineté culturelle par une Écosse qui ne cache plus ses ambitions indépendantistes.
Pour Kate Forbes, il s’agit de faire de la langue un vecteur de développement communautaire : « Nous devons soutenir les communautés gaéliques de manière à ce que les locuteurs puissent continuer à vivre et à travailler dans ces territoires. »
Et la Bretagne ?
Ce vote écossais ne manquera pas de faire écho en Bretagne, où la question du statut de la langue bretonne reste un sujet brûlant. Alors que l’Écosse consacre des millions de livres à la promotion de ses langues régionales, la France continue de freiner toute tentative de reconnaissance officielle du breton ou du gallo, malgré une vitalité associative toujours forte.
L’exemple écossais montre qu’une volonté politique claire, même limitée, peut poser les bases d’un renouveau linguistique. Encore faut-il que cette volonté s’accompagne d’une politique cohérente d’aménagement du territoire, condition sine qua non pour que les langues minoritaires retrouvent leur place dans le quotidien des peuples.
[cc] Breizh-info.com, 2025, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine
Une réponse à “Écosse. Le gaélique et le scots obtiennent un statut officiel : une victoire symbolique pour les langues autochtones ?”
Le scots est un peu leur gallo.