Iran : le piège tendu à Trump par l’État profond

On peut se demander pourquoi le conflit israélo-iranien a pris récemment une telle accélération, au point d’occulter totalement celui qui oppose les Ukrainiens aux Russes. Après tout, la situation en Iran concernant leur projet de réaliser une bombe atomique est connue depuis longtemps et les services de renseignements qui suivent cela à la loupe ne semblaient pas avoir noté l’imminence de franchissement d’une étape cruciale le rendant opérationnel à court terme.

Des relations troubles entre l’Iran et les USA

De tout temps, les autorités iraniennes n’ont jamais fait mystère de leur hostilité vis à vis de l’État d’Israël, avec lequel il n’ont pourtant aucune frontière commune. On peut donc comprendre la méfiance des Israéliens à l’encontre de ce pays. Mais il y a un aspect un peu plus caché qui mérite un examen attentif et qui est celui des relations entre l’Iran et  plus précisément l’État profond américain.

D’après Peter Dale Scott, auteur de trois ouvrages très détaillés consacrés à l’État profond, les relations « troubles » entre la CIA et l’Iran commencèrent sous Truman. Il écrit notamment (page 215 du tome « l’État profond américain ») : « Après la seconde guerre mondiale, les principales compagnies pétrolières étaient persuadées de mieux savoir gérer le monde que les politiciens « incroyablement bornés et nationalistes », selon les termes de John Foster Dulles. A cette époque, elles formaient encore un cartel appelé  les sept sœurs, regroupant cinq majors états-uniennes et deux britanniques. Ainsi, entre 1951 et 1952, lorsque le Premier Ministre iranien Mohamed Mossadegh prit des mesures pour nationaliser l’Anglo-Iranian Oil Company (devenue ensuite la BP), les Sept Sœurs organisèrent avec succès un boycott des exportations pétrolières iraniennes. En revanche, elles ne purent convaincre le Président Truman d’utiliser la CIA contre Mossadegh, devant attendre l’élection d ‘Eisenhower en 1953. Avec les frères Dulles nommés à la tête du Département d’État et de la CIA, la planification par celle-ci d’un coup d’État visant à installer le Shah d’Iran sur le trône débuta immédiatement ».

Quelques années plus tard, jugé trop autoritaire, le Shah fut chassé de son trône par le peuple iranien. L’armée iranienne aurait voulu tenter un coup d’État afin d’instaurer un gouvernement plus démocratique. Le Président Carter estima « qu’il était urgent de persuader l’armée de soutenir de tout son poids le gouvernement que le shah avait quitté ».

Il s’en suivit une confusion généralisée des services américains. « Brezinski (conseiller à la sécurité nationale de Carter, NDLR) voulait transmettre son feu vert à l’armée pour organiser un coup d’État militaire, écrira le général Huyser dans ses mémoires. Le président Carter ne souhaitait en arriver là qu’en dernier recours. » « La confusion des responsables américains a envoyé des signaux contradictoires aux généraux iraniens et les a démoralisés », explique au Point.fr l’historien Andrew Scott Cooper, qui a eu accès aux documents déclassifiés. Le résultat fut l’installation en Iran d’une « République Islamique ». 

Le commerce des armes reprend ses droits

Les États-Unis financèrent dès 1980 des ventes d’armes à l’Iran. P.D. Scott écrit (p225) à propos de l’affaire  « Iran-Contra » : « En réponse, Adnan Khashoggi, avec l’aide de Miles Copeland de la CIA, élabora un autre plan pour que les autres ventes d’armes à l’Iran qui impliquaient Israël financent dorénavant les contras ».

Ce commerce des armes avait aussi probablement un autre but, beaucoup moins avouable, qui était d’empêcher l’Union Soviétique de prendre le contrôle de l’Iran, troisième producteur mondial de pétrole. Une rencontre fut organisée à Hambourg en 1985  (p 226) réunissant des représentants américains et les marchands d’armes, au cours de laquelle Adnan Khashoggi déclara « s’être arrangé pour que les armes proviennent du gouvernement israélien  (…) et qu’elles soient transportées directement d’Israël vers l’Iran ».

Cependant, la majeure partie de cette réunion fut consacrée à la réflexion  « sur une ouverture stratégique entre les États-Unis et l’Iran, comme moyen de stopper les tentatives soviétiques de dominer le troisième producteur mondial de pétrole ».

Une nouvelle donne mondiale

Aujourd’hui, l’Union Soviétique a disparu. Un nouveau monde se met en place et de nouvelles organisations internationales dessinent leurs contours. Contrairement au « monde monopolaire » voulu par l’État profond supranational qui entend le dominer en gommant les peuples et leurs cultures et  faisant disparaître les souverainetés nationales, un monde « multipolaire » qui, lui, entend conserver les peuples et leur souveraineté regroupe sur ce concept plus des trois quarts de la population mondiale.

Un facteur déterminant est celui de l’attitude que les États-Unis adopteront sur ce sujet. Tout porte à croire que Donald Trump, qui s’est toujours opposé aux mondialistes de l’État profond, fera sienne cette nouvelle architecture. Mais il est également prévisible que l’État profond fera tout pour l’empêcher. Dans une vidéo récente, Jeffrey Sachs dénonce le processus engagé par Netanyahou et comment les puissances occidentales n’ont relevé aucune des contradictions flagrantes entre leurs réactions et ce qu’ils prétendent être.

Le piège de l’Iran

Le gouvernement israélien essaye par tous les moyens de convaincre Donald Trump d’entrer en guerre avec l’Iran. On peut se demander pourquoi un pays comme Israël, qui est une puissance nucléaire redoute tant l’Iran, qui n’est pas une puissance nucléaire. Bien sûr, elle peut le devenir, mais, pour le moment, elle ne l’est pas. Et dans tous les cas, Israël l’est et le restera.

Mais peut-être y-a-t-il un autre aspect qui pousse tous les relais d’Israël à agir de la sorte ? Et ce ne serait pas en lien avec la sécurité de l’État hébreu et, pour tout dire, cela serait assez « machiavélique »

L’électorat de Donald Trump est un électorat populaire, isolationniste par nature et qui n’a jamais été en accord avec les politiques interventionnistes des dernières décennies. Il a mal vécu ces guerres à répétition dans lesquelles les États-Unis ont perdu une partie de leur àme. Dans sa campagne, Donald Trump leur a dit ce qu’ils avaient envie d’entendre et ils ont voté pour lui.

De plus, Trump leur a toujours dit qu’il allait « assécher le marigot de Washington », terme par lequel il désigne l’État profond américain.

Se lancer dans une guerre contre l’Iran dont on voit mal l’objectif pourrait peut-être le conduire à une défaite aux élections des « mid-term » dont les conséquences sont incalculables. Mais cette guerre risque également de lui coûter très cher en termes de relations diplomatiques. Il repasserait ainsi dans le « clan des mondialistes » et serait de nouveau sous la coupe de l’État profond alors qu’il cherche à s’en libérer depuis dix ans. Mais il y a aussi parmi ses électeurs les « évangélistes » qui croient à la venue du Messie lorsqu’Israël aura retrouvé ses frontières bibliques et Nétayahou, qui le sait parfaitement, leur joue cette partition pour le moins aléatoire.

Nombreux sont ses amis qui, aujourd’hui, cherchent à le dissuader d’agir ainsi mais auront-ils suffisamment d’influence ?

Jean Goychman    

Illustration : DR
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Une réponse à “Iran : le piège tendu à Trump par l’État profond”

  1. Hadrien Lemur dit :

    Article audacieux. Il fallait oser essayer de décortiquer la partie de poker menteur qui se joue (depuis 1948) au proche et moyen orient. La complicité entre l’état hébreu et l’état profond américain ne date pas d’hier, Trump va avoir du mal à contrer les bellicistes.

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