La commune de Pont-Croix, charmante petite cité de caractère du Cap Sizun, traverse une période financièrement délicate. C’est ce que révèle le rapport définitif de la Chambre régionale des comptes (CRC) Bretagne, rendu public en 2025 et portant sur les exercices 2019 à 2024. Malgré ses atouts indéniables – un patrimoine riche, une offre de services étoffée et une démographie relativement stable –, la gestion municipale a conduit à une situation budgétaire très tendue, notamment en raison d’investissements massifs mal maîtrisés.
Des dépenses de fonctionnement en forte hausse
Entre 2019 et 2023, les dépenses de fonctionnement ont grimpé de 39 %, un rythme bien supérieur à l’évolution des recettes (+3,4 % par an en moyenne). Cette dérive est particulièrement marquée en 2023, où les charges ont bondi de 18 %. En cause : l’embauche croissante de personnel (les effectifs permanents sont passés de 11,75 à 16,15 ETP) et des coûts énergétiques explosifs, avec notamment une hausse de 412 % du prix du chauffage urbain en 2023.
Avec plus de 7 millions d’euros investis entre 2019 et 2024, Pont-Croix s’est lancée dans plusieurs projets d’envergure : rénovation du petit séminaire pour accueillir une « cité musicale », réaménagement du centre-bourg, projet de halle des sports, etc. Ces chantiers ont doublé la dette communale, qui atteignait fin 2024 près de 3 millions d’euros (soit 1 824 € par habitant), avec une capacité de désendettement qui avait franchi les 17 ans en 2023, bien au-delà du seuil d’alerte fixé à 12 ans.
Des prévisions budgétaires irréalistes
La CRC pointe également une surévaluation récurrente des prévisions d’investissement, tant du côté des dépenses que des recettes (subventions et emprunts). Par exemple, en 2024, la commune prévoyait 735 000 € de subventions pour l’opération « Keridreuff/rue aux œufs », alors que moins de la moitié était effectivement notifiée. Le pilotage budgétaire s’en trouve fragilisé, avec des comptes administratifs ne donnant pas « une image fidèle » de la situation financière.
Alertée à l’été 2024, la municipalité a commencé à réagir. Des efforts de modération salariale ont permis de redresser partiellement l’épargne de gestion. La Chambre appelle toutefois à une rigueur accrue, notamment par la mise en place d’une comptabilité d’engagement conforme à la réglementation, la hiérarchisation des investissements, et une meilleure information du conseil municipal.
La CRC recommande enfin de réexaminer le statut de l’établissement public « Cité musicale – Le Phare », largement financé par des subventions publiques, et qui pourrait représenter un risque financier indirect pour la commune si ses recettes d’activité ne sont pas au rendez-vous.
Le cas de Pont-Croix illustre les dérives possibles d’une politique d’investissement mal calibrée dans une petite commune rurale. L’enthousiasme pour des projets culturels ou de revitalisation urbaine, aussi louables soient-ils, ne peut se faire au détriment des équilibres budgétaires fondamentaux. À l’heure où les collectivités doivent conjuguer sobriété financière et attractivité territoriale, la vigilance s’impose.
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