La guerre peut-elle encore sauver le dollar ?

La réunion annuelle des BRICS+ s’est tenue à Rio de Janeiro et a permis de constater qu’il y avait bien deux visions du monde qui ne pourraient plus cohabiter bien longtemps. Entre un monde monopolaire voulu par les occidentaux et la grande finance internationale qui compte toujours imposer sa domination grâce au dollar qu’elle peut émettre sans contre-partie et la perspective d’un monde multipolaire qui respecterait les souverainetés nationales, de plus en plus de pays ont choisi leur camp.

Les BRICS+ font de plus en plus d’adeptes

Leur première caractéristique économique est de favoriser les échanges commerciaux « trans-frontaliers ». Comme ce commerce se fera essentiellement  dans les monnaies des pays signataires et non plus en dollars, il y a là une grande source d’inquiétude pour ceux qui ont réussi à imposer ce dernier à la fois comme monnaie internationale mais surtout comme « monnaie de réserve ». Afin de se garantir contre les risques de change qui peuvent provenir des fluctuations du dollar par rapport à leur propre monnaie, la plupart des pays ont acheté des bons du Trésor américain qui étaient eux-mêmes libellés en dollars. Ainsi, la dette américaine était rachetée par le monde entier, évitant au peuple américain les charges et les inconvénients d’un endettement excessif.

Les premiers à en avoir pris conscience sont probablement les Chinois il y a une vingtaine d’années.

La cupidité des banquiers internationaux ayant fait de la Chine l’atelier du monde, son essor économique rapide lui a, par le biais des ses exportations payées en dollars, procuré une quantité impressionnante de « billets verts », faisant d’elle le premier créancier des États-Unis. Conscients de ce qui pouvait devenir une faiblesse (le contrôle du dollar leur échappant), les Chinois ont recherché des alliances avec d’autres pays, eux-mêmes exportateurs qui voulaient -à terme- s’affranchir du dollar. Au nombre de quatre à la création en 2009, ce groupe représente aujourd’hui plus de la moitié de la population mondiale et son PIB rapporté au pouvoir d’achat est largement supérieur à celui du G7.

D’autant plus que ses perspectives de développement sont énormes et qu’à terme on voit arriver une division du monde futur entre l’Occident et le reste du monde.

Une menace grandissante sur le dollar

Aujourd’hui encore, le dollar veut encore faire bonne figure. Pourtant, de moins en moins de gens lui font confiance et cette monnaie « fiduciaire » au départ se maintient uniquement sur la peur qu’inspire le gros bâton qu’ est la puissance militaire américaine.

Un récent article publié sur le « Réseau International » fait état de cette tension qui devient de plus en plus palpable :

« L’intransigeance de la diplomatie américaine, qui joue la surdité face aux revendications légitimes de la majorité mondiale, révèle que Washington se trouve aujourd’hui dans l’impasse. Il va de soi que la Chine aussi bien que le bloc des BRICS n’accepteront pas d’avaliser la primauté des intérêts de Washington sur leur droit à la souveraineté, au développement et à la sécurité. Dans ces conditions, la seule issue pour l’Empire américain est la destruction – du droit, de la diplomatie, des forces militaires adverses ».

Dans ce contexte, le rapport des forces entre l’Occident du dollar et le reste du monde qui n’en veut plus ne cesse d’évoluer au détriment du dollar qui risque de voir son rôle ramené à celui de la monnaie domestique américaine et de perdre ce que de Gaulle appelait « son privilège exorbitant » qu’il résumait en « ce dollar, qu’il ne tient qu’à eux d’émettre ! » 

Dès le mardi 08 juillet, Donald Trump menaçait également les BRICS et tous les pays qui seraient tentés de commercer avec eux dans ces termes :

 «Ils doivent payer 10% s’ils font partie des BRICS parce que les BRICS ont été mis en place pour nous nuire», a soutenu Trump lors d’une réunion du cabinet à la Maison-Blanche.

Affirmant que «quiconque fait partie des BRICS se verra imposer une taxe de 10%», Trump a déclaré qu’ils «devront payer des droits de douane de 10% rien que pour cela, et qu’ils ne seront pas seulement membres».

Une réunion cruciale qui va acter l’existence d’un monde multipolaire

La réponse du gouvernent russe ne s’est guère fait attendre. Dans une vidéo publiée également sur You Tube, la porte-parole a répondu du tac au tac à Donald Trump. Incontestablement, l’histoire est en marche. La réalité d’un monde multipolaire apparaît chaque jour un peu plus. Jusqu’à présent, les tenants du monde monopolaire, essentiellement occidentaux et vassalisés par l’État profond américain (devenu supra-national depuis Trump) ont traité les BRICS par le mépris et comme quantité négligeable. Cependant, certains avaient largement anticipé ce qui allait devenir une menace sur le dollar.

Ce fut le cas de Mark Carney (aujourd’hui Premier ministre canadien) mais Gouverneur de la Banque d’Angleterre en 2019. Dans son discours d’août 2019 à Jackson Hole, il disait qu’il fallait « hâter la fin du dollar » pour le remplacer par une monnaie électronique contrôlée par les banques centrales. Visiblement, il avait pris conscience du danger qu’allait représenter pour le dollar l’essor économique des pays « émergents ». Ce discours n’a eu comme effet, (mais peut-être était-ce celui recherché ?) que d’augmenter d’une manière quasi exponentielle les dettes publiques des pays qui ont joué le confinement et les vaccins liés au COVID 19.
Le recul du dollar dans les échanges internationaux a connu une brusque accélération en 2022 avec la guerre entre la Russie et l’Ukraine et notamment les sanctions infligées à la Russie et sa mise à l’écart du système « SWIFT », poussant cette dernière à commercer avec d’autres monnaies.
La réunion de Rio des BRICS fera date. Elle définit le cadre du conflit monétaire qui oppose d’ores et déjà les BRICS qui s’étendent progressivement à tout ce qu’il est convenu d’appeler « le Grand Sud » à ceux qui, à aucun prix, ne veulent perdre le contrôle du dollar.
Il faut dire que, pour ceux qui l’impriment, c’est un inépuisable pactole. Pensez-donc : ils impriment des billets à partir de rien, ce qui ne leur coûte que le prix du papier et de l’encre, alors qu’en contre-partie, ils encaissent des intérêts. Et ces intérêts n’ont pas du tout la même origine, Si nous pouvions les imprimer, nous aussi, comme l’a fait (entre autres) la Banque de France jusqu’en 1973, cela serait un moindre mal mais ce n’est pas le cas et nous devons travailler et nous serrer la ceinture pour les payer.

Cette année, les contribuables français vont payer 90 milliards de dollars au titre de ces intérêts produits par de l’argent venant de nulle part, au prix d’une simple règle comptable dont nous pourrions nous affranchir en reprenant le contrôle de notre monnaie.

Cela, les contribuables des BRICS et des pays qui vont les rejoindre l’ont compris.

Jean Goychman  

Photo d’illustration : DR
[cc] Breizh-info.com, 2025, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

 

 

 

 

Cet article vous a plu, intrigué, ou révolté ?

PARTAGEZ L'ARTICLE POUR SOUTENIR BREIZH INFO

4 réponses à “La guerre peut-elle encore sauver le dollar ?”

  1. louis dit :

    c’est comme ça que ce fabrique les guerres …

  2. gautier dit :

    Trump fait une volte face à 360 degrés ! guerre, dossier Epstein, Israël, etc … de quoi à t’il peur ? finir comme JFK ??

  3. Mango dit :

    Très bien vu ; je partage totalement l ‘ avis de Gautier

  4. mouchet dit :

    Très bon article de fond sur le dollars et son contournement global. Est-ce que la guerre contre la Russie l’Iran et puis la Chine ce n’est pas si sûr, feront revenir ces pays dans le giron dollars non c’est impossible les BRICS se sont déjà organisé en conséquence.
    Pourquoi donc dirons nous changement monétaire global ? Parce en face depuis 30 ans les fondateurs des BRICS se sont préparés à la contre offensive des USA pour défendre leur tirelire dollars subventionnée par les dettes, un système Ponzi de monnaies de singe.
    La menace guerrière des USA ne fait plus peur ni par leurs bombes, ni par leur armada, ni par leurs avions et missiles, il y a l’équivalent en face sous une autre forme destructrice avec le nombre.
    Les tests amicaux avec la Russie et l’Iran donnent la dimension du repositionnement du monde. Les USA on essayé on vu, on cru et sont déçus.
    Et encore la Chine reste en retrait et attend donc le solde des comptes. La Russie a prévenu et l’Iran n’est plus seul.
    Cette guerre ou contournement du dollar a commencé en 2008 lorsque Russie et Chine ont conclu pour 500 milliards de contrats en gaz pétrole sans l’exprimer en dollars.
    Je me souviens encore de la colère des USA. Hélas tout empire a une fin et Mr Trump le sait très bien. Il fait du chantage pour financer ses bases militaires en droit de douane qui se retourne contre les USA,la partie est perdue.
    Il essaie de rallier des pays hélas pas convaincus du tout. Il reste l’Europe dissociée qui s’accroche, mais tellement endettée qu’elle ne tiendra pas très longtemps.
    Donc il reste la négociation économique financière et des nouveaux accord de Bretton Wood différends sur la cotation des matières premières et de la valeur des 5 monnaies mondiales en compensation avec le dollars.
    A voir donc mais restons réalistes le dollars ne disparaitra pas totalement puisque contourné avec les 1800 à 2000 billions de dollars de tous les actifs financiers de la planète, exprimés dans cette monnaie. Donc il va y avoir un remaniement auprès des banques centrales et une réinitialisation dollars et autres monnaies. C’est impossible sans cela ou alors une guerre mais vu les perspectives égales de destruction, les USA consentiront à un compromis car sinon c’est la faillite 10 fois 2008 avec une monstre crise financière, dont beaucoup de pays ne se relèveront pas.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Publicité

LES DERNIERS ARTICLES

Politique

France. Une République contre son peuple

Cyclisme, Sport

Tour de France 2025. Van der Poel : le panache dans les jambes, la victoire pour Merlier – Feu d’artifice attendu au Mont-Dore Puy de Sancy pour le 14 juillet

CARHAIX, Local, ST-NAZAIRE

Saint-Nazaire : le drapeau breton vaut bien le drapeau palestinien

brezhoneg

E brezhoneg, Guérande, Local

Panelloù e brezhoneg ‘ba Karailh (Bro Gwenrann)

Culture, Culture & Patrimoine, Immigration, Insolite

Le festival d’Avignon met la langue arabe à l’honneur pour son édition 2025

ARTICLES EN LIEN OU SIMILAIRES

A La Une, International

Iran : le piège tendu à Trump par l’État profond

Découvrir l'article

A La Une, International

L’État profond américain est né en Angleterre

Découvrir l'article

A La Une, International

La survie de l’État profond passe-t-elle par la guerre ?

Découvrir l'article

International

Pourquoi Donald Trump veut-il détruire l’Union européenne ?

Découvrir l'article

Tribune libre

La réalité des nations européennes et surtout celle de la France

Découvrir l'article

Economie

François Bayrou veut faire un référendum sur la dette publique. Mais en quoi consiste celle-ci ?

Découvrir l'article

A La Une, International

Pourquoi Donald Trump s’amuse-t-il à déjouer tous les pronostics ?

Découvrir l'article

A La Une, International

Géopolitique. Retour sur les fondamentaux

Découvrir l'article

Economie

Montée du cours de l’or : menace sur le dollar ?

Découvrir l'article

A La Une, Economie, International

Les banquiers mondialistes pris entre deux feux

Découvrir l'article

PARTICIPEZ AU COMBAT POUR LA RÉINFORMATION !

Faites un don et soutenez la diversité journalistique.

Nous utilisons des cookies pour vous garantir la meilleure expérience sur Breizh Info. Si vous continuez à utiliser le site, nous supposerons que vous êtes d'accord.

Clicky