Parmi les silences tonitruants de la presse française, celui qui entoure les révélations de Tulsi Gabbard mérite qu’on s’y attarde. Il ne s’agit pas ici d’un énième remugle complotiste venu des marges, mais de la parole officielle d’une directrice du renseignement américain, anciennement élue démocrate et candidate à la présidentielle. Tulsi Gabbard, nommée par Donald Trump à la tête de l’Office of the Director of National Intelligence (ODNI), a dévoilé le 18 juillet un ensemble de documents déclassifiés mettant en lumière un vaste stratagème de désinformation orchestré par l’administration Obama, destiné à saboter l’élection de Trump et à miner sa légitimité durant tout son mandat.
Ce que Tulsi Gabbard expose est d’une clarté clinique : dès les jours qui ont suivi la victoire surprise de Trump sur Hillary Clinton en novembre 2016, le président sortant Barack Obama et ses principaux collaborateurs, Susan Rice, John Brennan, James Clapper, Loretta Lynch, John Kerry, entre autres, ont déclenché une opération coordonnée de manipulation du renseignement. Leur objectif, selon les documents produits, était de transformer une absence de menace russe réelle en un récit d’ingérence massive, justifiant enquêtes, mises en accusation, et délégitimation du nouveau président. L’analyse des échanges internes au renseignement américain montre que jusqu’à la veille de cette opération, tous les services s’accordaient pour juger improbable, voire infondée, toute tentative russe de modification des résultats électoraux par des moyens cybernétiques.
Un rapport confidentiel du 8 décembre 2016, signé par le Département de la Sécurité intérieure, concluait sans ambiguïté : « Nous n’avons aucune preuve de manipulation cybernétique de l’infrastructure électorale visant à modifier les résultats ». Ce document, prêt à être rendu public, fut brutalement enterré. À sa place, un nouvel assessment, commandé sur ordre exprès d’Obama, fut rédigé par une cellule resserrée des agences, CIA, NSA, FBI, et publié le 6 janvier 2017. Il affirmait désormais que la Russie, agissant sous les ordres de Vladimir Poutine, avait tenté d’influencer l’élection en faveur de Trump. Ce retournement de diagnostic, aux conséquences historiques, fut l’acte inaugural de ce que Gabbard n’hésite pas à qualifier de coup d’État bureaucratique.
Ce qui rend cette affaire plus grave encore, c’est la fabrication volontaire d’un mensonge d’État. À l’intérieur même du renseignement américain, des analystes ont protesté. L’un d’eux, désormais lanceur d’alerte, déclare que ses objections furent étouffées, et qu’on lui refusa l’accès aux documents sur lesquels s’appuyaient les nouvelles conclusions, documents dont on sait aujourd’hui qu’ils incluaient le fameux Steele Dossier, un montage financé par le Parti démocrate et Hillary Clinton elle-même.
Cette machination, poursuivie sous l’administration Biden, a coûté des années d’enquête, des millions de dollars, et a envenimé la vie politique américaine comme rarement dans son histoire. Elle a conduit à deux procédures de destitution contre Trump, à une méfiance accrue envers la presse et les institutions, à un durcissement des relations avec la Russie. Elle a surtout démontré que, pour une certaine caste, l’alternance démocratique ne saurait être tolérée si elle venait d’ailleurs que de leurs rangs.
Le plus étonnant, dans cette affaire, n’est pas tant la perfidie des manœuvres, que leur occultation persistante par les grands médias. Aucun des journaux de référence français, Le Monde, Libération, Le Figaro même, n’a rapporté les propos de Gabbard. Il faut croire que le mensonge initial est trop commode, trop intégré à la vision du monde des journalistes pour être corrigé. Il permettait de voir Trump comme un usurpateur, une créature moscovite, un « populiste » sans légitimité. Revenir sur cette illusion, c’est reconnaître l’échec d’un récit qui s’est voulu rédempteur.
À travers cette affaire, c’est un pan entier de la prétendue exception démocratique américaine qui s’effondre. L’usage politicien du renseignement, les fuites coordonnées à la presse, les mensonges d’État, les cabales judiciaires : tout ce que l’on reproche aux régimes autoritaires a été ici méthodiquement mis en œuvre pour entraver un président élu.
Quant à Tulsi Gabbard, qu’on aurait pu croire broyée par la machine, elle ressort ici comme une figure admirable de courage politique. Ancienne militaire, formée à l’école du réalisme géopolitique, sans être trumpiste, elle s’impose comme l’une des rares voix capables d’appeler à la restauration des principes constitutionnels. Une marcheuse de l’Empire, pour parler comme Ernst Jünger, qui ne recule pas devant les puissances installées. Dans une époque de confusion, son geste est rare, et précieux.
Balbino Katz — chroniqueur des vents et des marées —
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