Le neurochirurgien et essayiste Laurent Alexandre, devenu au fil des ans l’une des figures les plus médiatisées sur les questions de santé numérique et de technologies d’avenir, a livré au Figaro Magazine son analyse des bouleversements que l’intelligence artificielle (IA) va provoquer dans nos sociétés. Son constat est sans appel : nous ne sommes pas prêts.
Un bouleversement comparable à l’imprimerie ou à l’électricité
Fondateur de Doctissimo et auteur de nombreux ouvrages, Laurent Alexandre considère que l’IA représente une révolution comparable à l’invention de l’imprimerie ou à la découverte de l’électricité. Selon lui, les conséquences toucheront tous les métiers intellectuels : ingénieurs, enseignants, avocats, médecins, cadres. Ces professions pourraient être remplacées par des machines plus rapides, plus agiles et plus précises.
Il cite notamment les États-Unis, où même des dirigeants industriels comme le PDG de Ford estiment que la moitié des cols blancs pourraient perdre leur emploi dans les années à venir. Une tendance qu’il juge transposable en Europe dans un délai de trois à cinq ans.
Médecin de formation, Laurent Alexandre explique que l’IA dépasse déjà les praticiens dans de nombreux domaines médicaux. Elle serait plus précise dans l’établissement des diagnostics, meilleure dans la gestion de dossiers complexes et même plus « empathique », en simulant une relation de soin que le praticien humain fatigué ne peut toujours offrir.
Des études citées par Le Figaro soulignent que les diagnostics rendus par l’IA seule seraient plus fiables que ceux obtenus en combinant médecin et intelligence artificielle.
Des avancées spectaculaires dans la recherche
Les progrès de l’IA se mesurent aussi dans la recherche scientifique. Le prix Nobel de chimie 2024 a ainsi récompensé les travaux liés au logiciel AlphaFold, capable de prédire la structure des protéines. Sans ce type d’outil, une telle tâche aurait nécessité plusieurs millénaires de travail à l’échelle humaine.
D’autres experts de la Silicon Valley, rappelle Le Figaro, estiment que l’IA pourrait permettre de guérir la totalité des maladies humaines d’ici 2037, y compris le cancer et Alzheimer. Certains vont plus loin et évoquent une espérance de vie portée à 150 ans.
Pour Laurent Alexandre, l’impact ne sera pas seulement médical ou scientifique : il sera social et politique. Les cols bleus ne seront pas épargnés. À terme, les robots ouvriers devraient bénéficier d’une intelligence équivalente à celle d’un ingénieur et coûter dix fois moins cher, tout en travaillant sans interruption.
Il redoute la création d’une société à deux vitesses : d’un côté ceux qui sauront utiliser et maîtriser l’IA, de l’autre ceux qui seront dépassés et marginalisés. Cette fracture pourrait déboucher sur de fortes tensions sociales, comparables selon lui à la révolte des luddites au XIXe siècle.
Si les États-Unis investissent massivement – plus de 160 milliards de dollars sur le premier semestre 2025 pour les start-up – la France reste en retrait, malgré une stratégie nationale engagée depuis 2018 et un budget de 2,5 milliards d’euros.
Pour Alexandre, la clé est l’éducation. Il plaide pour que l’école et l’université enseignent aux jeunes générations à comprendre et utiliser l’IA, plutôt que de les laisser s’en servir comme une béquille intellectuelle. À défaut, prévient-il, l’ascenseur social pourrait s’arrêter, ouvrant la voie à la ghettoïsation et au délitement du pays.
L’approche radicale de Laurent Alexandre ne fait pas l’unanimité. Certains chercheurs et entrepreneurs soulignent les limites actuelles des modèles d’IA, qualifiés parfois de simples « perroquets statistiques », incapables de véritable raisonnement logique. Des praticiens mettent aussi en avant des situations où l’expertise humaine reste plus fiable que la machine, comme en échographie obstétricale.
Malgré ces critiques, l’avertissement lancé par Laurent Alexandre est clair : l’intelligence artificielle s’impose, et il est urgent de s’y préparer. Faute d’une mobilisation générale, prévient-il dans les colonnes du Figaro Magazine, la société française risque d’être submergée par une vague qui pourrait tout emporter.
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