Une bande dessinée, signée par deux auteurs bretons, révèle les terribles conditions de détention des enfants incarcérés, début XXe, dans la colonie pénitentiaire de Belle-Île.
Atlantique Nord, 1907. Âgé d’à peine 13 ans, Mathurin Réto, provocateur qui n’a peur de rien, venant de perdre sa mère, monte clandestinement sur un navire. Il se lie d’amitié avec Ernest, un mousse. Mathurin et Ernest pêchent sur les bancs de Terre-Neuve. La vie est rude. Mais de retour à Saint-Malo, Ernest a un compte à régler avec Le Borgne, celui qui a tué un mousse à bord. Mathurin et Ernest s’approchent de lui dans l’obscurité. Une barre de fer à la main, Ernest frappe violemment l’homme qui s’écroule dans une mare de sang. Par la suite, les jeunes gens sont surpris à voler des filets de pêche et s’en prennent aux policiers. Pour les rééduqer, le juge les envoie à la colonie pénitentiaire de Belle-Île. Les deux enfants sont séparés : Ernest aux travaux agricoles, Mathurin avec les marins. Ils doivent être détenus jusqu’à leurs 21 ans. Une autre vie commence, faite de coups et de brimades. Mais Mathurin est une forte tête et refuse d’être brisé. Il tente de s’évader à plusieurs reprises, ce qui l’amène régulièrement au cachot…
Julien Hillion, enseignant en histoire-géographie, est docteur en histoire contemporaine. En soutenant une thèse sur la colonie pénitentiaire de Belle-île-en-Mer, dont il a publié une version grand public (Le Bataillon des nuisibles, Jadis éditions, 2022), il a découvert l’histoire tragique de Mathurin Reto. Résidant à Pleudihen-sur-Rance, entre Dinan et St-Malo, ce natif de Pontivy, en arpentant les dépôts d’archives, a reconstitué le parcours de Mathurin Réto. Son décès en 1911 déclencha un scandale sur les bagnes d’enfants, mais les enquêtes de la presse ne furent suivies d’aucun effet, celui de Belle-Île fermant en 1977. Julien Hillion raconte une amitié entre deux enfants sur fond de délinquance et de répression, sans tenir une critique politique ou sociale.
Ce récit est porté par le dessin de Renan Coquin. Dessinateur et aquarelliste autodidacte, il est l’un des fondateurs de la revue rennaise de bande dessinée La Vilaine. A côté de son métier d’enseignant de sciences physiques, il a publié en 2024 ses deux premiers albums : Le Sourire d’Auschwitz (éd. Des ronds dans l’O) avec la journaliste Stéphanie Trouillard et Pillages (éd. Delcourt) avec Maxime De Lisle.
Julien Hillion et Renan Coquin se sont rencontrés en salle des profs ! Le dessinateur est très heureux du scenario : « suffisamment précis sur le déroulé par séquences, avec les intentions du récit, les petites choses à respecter pour être historiquement juste – il y avait pas mal de notes de bas de page pour remettre en contexte, expliquer, donner des indications sur les objets, les vêtements, les lieux… – mais en même temps une totale liberté quant au découpage et à la mise en scène » (site internet lamouettehurlante.free.fr, Interview de Renan Coquin, à propos de Enfermé : Mathurin Réto, pupille à Belle-Île, 4 mai 2025).
Pour cet album, il a travaillé d’après les images d’archives et s’est rendu à Belle-Île, afin de visiter les trois sites de l’ancienne colonie pénitentiaire, notamment les cachots.
Son travail préparatoire (storyboard et crayonné) a été réalisé janvier-début février 2024 sur iPad, avec le logiciel Procreate. Cet outil informatiaque lui a offert rapidité et possibilité de rectifier à l’envie. Après impression de ses crayonnés numériques, il a encré sur table lumineuse. Puis il a travaillé à l’aquarelle en couleurs directes. Les planches ont ainsi été achevées en décembre 2024, après onze mois de travail.
Le rendu visuel est saisissant. Renan Coquin nous offre de très belles planches lorsqu’il met en scène la mer et les grands espaces, comme les remparts de Saint Malo. On plonge dans l’âme des protagonistes. Leurs traits anguleux et ciselés donnent un style « gueule cassée ». Les aquarelles, le plus souvent grises, tendant vers le noir, renforcent le climat d’oppression et le désespoir.
Enfermé : Mathurin Reto, pupille à Belle-Île. 128 pages. 125 euros. Editions Dargaud.
Kristol Séhec.
«
Photo : DR
[cc] Article relu et corrigé (orthographe, syntaxe) par ChatGPT. Breizh-info.com, 2025, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine..