Les deux derniers tomes de la série Les Grandes Batailles navales permettent de découvrir des récits méconnus : la victoire contre les ottomans à Navarin (1827), puis l’exploit du sous-marin allemand U-9 qui coula trois croiseurs (1914). Comme d’habitude, Jean-Yves Delitte nous offre une magnifique reconstitution historique.
Depuis le XVème siècle, la Grèce est sous domination ottomane. Au début du XIX ème siècle, l’empire ottoman reste encore puissant. Mais un nouveau sentiment nationaliste grec se développe. La France, l’Angleterre et la Russie s’y intéressent. Le 20 octobre 1827, dans la baie de Navarin, à l’ouest du Péloponnèse, navires français, anglais et russes vont affronter la marine ottomane et leurs alliés. Malgré son infériorité numérique, la flotte européenne est supérieure en puissance de feu à ses adversaires. Dans un combat qui se déroule à bout portant, ses artilleurs font des ravages dans la flotte ottomane. C’est la dernière grande bataille navale de la marine à voile.
Au début de la première guerre mondiale, les sous-marins sont dénigrés par la Kaiserliche Marine. Mais un exploit change la vision sur ce nouveau type de navire. Le 22 septembre 1914, lors d’une patrouille dans la mer du Nord, le sous-marin allemand U-9 découvre un groupe de trois croiseurs, le HMS Aboukir, le HMS Cressy, et le HMS Hogue. En l’espace d’une heure, il les coule avec six torpilles.
Jean-Yves Delitte, né en 1963 à Bruxelles, dessine dès qu’il est en âge de tenir un crayon dans mes mains. Après des études d’architecture et de design, il fait en 1984 son entrée dans Le journal de Tintin, avec un récit complet écrit par Yves Duval. Sur des scénarios de Philippe Richelle, il dessine Donnington, Venturi et les Coulisses du Pouvoir. Il entreprend ensuite plusieurs séries, seul ou avec des scénaristes : Le Neptune, Les Nouveaux Tsars, Brigades du Tigre, Tanâtos. Il publie déjà des séries liées à sa passion pour la mer et les vieux gréements : U-Boot, Belem Black Crow, Le Sang des lâches, L’Hermione, La buse, Black Crow, Black Beard… Depuis 2017, aux éditions Glénat, il dirige une nouvelle collection sur les grandes batailles navales, avec la collaboration du Musée National de la Marine. Celle-ci a reçu en 2019 le Prix BD de l’Académie de Marine. On n’est pas surpris d’apprendre qu’il est devenu peintre officiel de la Marine et membre titulaire de l’Académie des Arts et Sciences de la Mer. Il porte également la Croix de chevalier de l’ordre de la Couronne.
Avec cette collection, Jean-Yves Delitte nous plonge au coeur des plus grandes batailles navales de l’Histoire. Chaque album, réalisé par un dessinateur différent et prolongé par un cahier pédagogique, décrit une bataille vécue à hauteur d’homme. Sont pour l’instant publiés les albums Chesapeake, Trafalgar, Jutland, Lépante, Tsushima, Hampton Road, Stamford Bridge, Midway, Texel : Jean Bart, Salamine, No Ryang, Le Bismarck, Actium, La Hougue. Gondelour, Graveline, Leyte, Falkland, Les Cardinaux, Les Cinq Îles, Santiago de Cuba, Opium War, Tchesmé. Sinope, Navarin et U-9.
Pourquoi cette passion pour la mer ? Jean-Yves Delitte explique que « Notre charmante petite planète a 70% de sa surface recouverte par les mers et les océans. La vie vient des mers et des océans. La première invention de l’homme, bien antérieure à celle de la roue ou de la domestication des animaux, est le navire !… Aujourd’hui encore, plus de 90% du transport se fait par voie maritime. Je me plonge plus que régulièrement dans des ouvrages qui traitent de la marine et l’histoire. Le sujet apparaît inépuisable et il me faudrait d’innombrables vies pour tout dire… C’est d’ailleurs étonnant qu’un sujet aussi riche soit aussi peu traité – quand il n’est pas « mal traité » !… Sans apparaître trop prétentieux, en comptant large, il y a tout au plus une demi-douzaine d’auteurs de bande dessinée qui connaît réellement le sujet, et j’en fais partie. Je ne suis pas naïf, j’ai conscience qu’il y a des modes et des genres qui sont plus plébiscités. Si demain, je gribouille 200 pages sur mon mal-être, le tout saupoudré d’un affligeant « wookisme », que des pages entières se limitent à un pathétique copié-collé avec quelques bulles de dialogues pour dire « Oh, il pleut dehors ! », on criera probablement au génie ! Mais entre nous, je préfère être l’auteur d’un ouvrage comme La Hougue de la collection Les Grandes Batailles navales. En seulement 46 pages, je me suis attaché à retracer le contexte historique d’une bataille majeure, à dresser le portrait de personnages, à illustrer la marine de Louis XIV, tout en proposant une lecture agréable. L’exercice est bien plus plaisant… » (auracan.com, 2022).
Jean-Yves Delitte trouve le juste milieu entre le livre d’histoire et le récit d’aventures. Il nous fait vivre ces moments tragiques de l’intérieur, en révélant les états d’âme des marins. Comme à son accoutumée, il présente les points de vue des divers belligérants, ce qui lui permet d’énoncer quelques vérités au sujet de ces conflits. Il recherche vraiment à respecter l’Histoire. Il s’insurge en effet que notre passé soit critiqué au motif qu’il ne correspondrait pas à l’idéologie dominante actuelle. La période qu’il affectionne le plus à illustrer court du milieu du XVIIe aux premières décennies du XIXe, avant que les cales soient envahies par les machines à vapeur. Il avoue ressentir « un réel et grand plaisir à dessiner ces cathédrales de chanvre et de bois ».
Pour la série Les Grandes Batailles navales, Delitte a fait appel à plusieurs dessinateurs : Denis Béchu (Trafalgar), Roger Seiter et Christian Gine (Stamford Bridge), Federico Nardo (Lépante), Giuseppe Baiguera (Tsushima, Midway), Francesco Lo Storto (Salamine), Q-Ha (No Ryang), et Filippo Cenni (Actium), Nico Tamburo (Graveline), Marco Bianchini (Falkland), Fabio Pezzi (Les Cinq Îles), Q-ha (Opium War), Sandro (Sinope), Philippe Adamov et Fabio Pezzi (U-9).
Passionné du sujet, Jean-Yves Delitte a lui-même dessiné Jutland, Chesapeake, Hampton Road, Texel : Jean Bart, Le Bismarck, La Hougue, Gondelour, Leyte, Les Cardinaux, Santiago de Cuba, Tchesmé et Navarin. Passionné par son travail, il réalise une bonne douzaine de planches par mois. Il dessine toutes les couvertures comme une peinture.
Dans l’album consacré à la bataille de Navarin, ses superbes dessins foisonnent, comme toujours, de détails authentiques. Il parvient à nous immerger en pleine bataille navale. Son dessin est impressionnant : des navires faisant feu, d’autres en proie aux flammes et disloqués.
Il refuse d’utiliser l’outil informatique, considérant que « c’est l’imperfection du dessin à la main qui fait vibrer les choses… Un bon crayon… la mine de plomb HB ou 2B, et de la persévérance. Sans cesse crayonner, gommer, corriger avant de prendre son pinceau, un poil de martre, et de le tremper dans l’encre de chine » (ActuaBD, 29 juin 2019).
Le dessin de Jean-Yves Delitte est magnifié par la mise en couleurs sublime de sa fille Douchka Delitte. Les dominantes de bleu et de gris restituent l’ambiance maritime.
L’album U9 avait été commencé par Philippe Adamov, avant son décès en 2020. Ce dessinateur avait obtenu le succès au cours des années 1980 avec deux séries scénarisées par Patrick Cothias : Le Vent des dieux et Les Eaux de Mortelune. Cet album a ainsi été achevé par Fabio Pezzi, qui jusqu’ici avait dessiné les séries Down Under, Tiago Solan et Burke et Wills avec des scenarios de Nathalie Sergeef.
Les Grandes Batailles navales, Navarin, U-9, 56 pages chacun, 16 euros chacun. Editions Glénat.
Kristol Séhec.
Crédit photo : DR (photo d’illustration)
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Une réponse à “Les grandes batailles navales, la superbe série de Jean-Yves Delitte (bande dessinée).”
Si vous voulez une bd sur les U boot, cherchez plutôt « Kalunt » de feu Dimitri, alias Mouminoux, alias Guy Sajer.