Vingt ans après l’entrée en vigueur du règlement européen protégeant les voyageurs aériens, Bruxelles s’apprête à revoir les règles du jeu. Et cette fois, c’est le passager qui risque de payer l’addition. Sous la pression croissante des grands groupes du transport aérien, le Conseil de l’Union européenne prépare une réforme qui affaiblirait considérablement les droits des consommateurs en cas de retard, d’annulation ou de surbooking.
Une réforme au parfum de lobbying
Adopté en 2004, le règlement (CE) n°261 garantit depuis deux décennies aux passagers un dédommagement en cas de vol annulé, retardé ou refus d’embarquement. Ce texte, salué à l’époque comme une avancée majeure pour les voyageurs européens, est désormais dans le viseur des compagnies aériennes, qui dénoncent un cadre trop contraignant et trop coûteux.
Sous couvert de “modernisation”, le Conseil de l’UE veut introduire plusieurs mesures qui reviendraient à vider le texte de sa substance :
- allongement des délais avant indemnisation (jusqu’à 6 heures de retard pour les longs courriers) ;
- plafonnement à la baisse des compensations (300 à 500 euros maximum) ;
- extension des “circonstances extraordinaires” permettant aux compagnies d’échapper à leur responsabilité, même pour des incidents relevant de leur organisation interne.
Autrement dit, un chèque en blanc offert à l’industrie aérienne, qui pourrait multiplier les retards sans crainte de sanctions.
Le Parlement européen contre-attaque
Face à cette dérive, la Commission des transports et du tourisme (TRAN) du Parlement européen a opposé une fin de non-recevoir à la position du Conseil. Dans un rapport publié le 6 octobre, les députés plaident pour un renforcement, et non une réduction, des droits des passagers.
Leur proposition repose sur des critères simples et uniformes :
- une indemnisation dès trois heures de retard à l’arrivée, quel que soit le vol ;
- des montants revalorisés pour compenser l’inflation et l’envolée du prix des billets :
- 300 € pour les vols jusqu’à 1 500 km,
- 400 € entre 1 500 et 3 500 km,
- 600 € au-delà de 3 500 km.
Ils demandent également une définition claire et harmonisée des “circonstances extraordinaires”, limitée aux événements réellement inévitables : conditions météorologiques extrêmes, grèves du contrôle aérien, ou menaces de sécurité.
“Le Conseil cherche à restreindre les droits des passagers pour protéger les profits des compagnies aériennes”, dénonce Imane El Bouanani, responsable juridique France du cabinet Flightright. “Ces compensations représentent une part infime de leurs bénéfices, qui ont atteint 32,4 milliards de dollars en 2024, et devraient grimper à 36 milliards en 2025.”
Un secteur florissant, des passagers méprisés
Dans un contexte de rentabilité record, le projet du Conseil suscite une incompréhension légitime. Les grandes compagnies à bas coût, notamment Ryanair, EasyJet ou Transavia, font fortune sur le dos des voyageurs grâce à la multiplication des frais annexes :
- 538 millions d’euros de revenus issus des options payantes pour Ryanair,
- 226 millions pour EasyJet,
- 169 millions pour Transavia.
Pendant que ces groupes engrangent des profits historiques, Bruxelles s’apprête à diluer la responsabilité des transporteurs et à réduire la protection du citoyen européen, déjà affaibli par l’inflation et la précarisation du service public.
Derrière les termes technocratiques de “révision réglementaire” se cache une réalité politique : l’Union européenne continue de se plier aux exigences des lobbies industriels, au détriment des usagers.
Au lieu de défendre le consommateur, Bruxelles semble s’aligner sur la logique marchande d’un secteur qui revendique la liberté du marché… mais refuse d’en assumer les risques.
Ce nouvel épisode illustre un mal plus profond : une Europe de la dérégulation, où les grandes entreprises obtiennent toujours gain de cause face aux citoyens. Une Europe qui se vante de protéger, mais qui cède dès que les intérêts économiques s’imposent.
Le texte doit désormais être débattu et amendé par le Parlement européen dans les prochaines semaines. Si les députés confirment leur position ferme, ils pourraient freiner ce recul social sans précédent.
Mais pour les voyageurs européens, le signal est déjà inquiétant : après les compagnies d’électricité, les banques et les opérateurs télécoms, c’est désormais le transport aérien qui obtient la bénédiction de Bruxelles pour rogner les droits des consommateurs.
Une fois de plus, la logique du profit aura pris le pas sur celle du service. Et les passagers — citoyens, familles, travailleurs — devront attendre encore longtemps avant que l’Europe redevienne ce qu’elle prétend être : un espace de protection, pas de prédation.
`Illustration : DR
[cc] Article relu et corrigé (orthographe, syntaxe) par ChatGPT.
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Une réponse à “Bruxelles : l’Union européenne prête à saborder les droits des passagers aériens au profit des compagnies”
il faut arrêter d’inventer des « droits » pour tout et n’importe quoi. On ne peut pas exiger 300 euros d’indemnisation pour un billet à 39 euros.