Vannes : Michelin procède à une « réorganisation industrielle »

La fermeture de l’usine Michelin de Vannes oblige à s’intéresser aux aides que l’État verse aux grands groupes. Lesquels n’hésitent pas à fermer et à délocaliser au nom de la compétitivité. Et comme les gouvernements de droite, de gauche et du centre n’y voient aucun inconvénient… Avec les libéraux “probusiness“, il faut s’attendre à tout…

Tout a commencé au Sénat avec la « Commission sur l’utilisation des aides publiques aux grandes entreprises et à leurs sous-traitants ». En effet, en février 2025, l’enquête démarre ; elle est pilotée par André Rietmann (LR) et Fabien Gay (PCF) ; une trentaine de P-DG de ces multinationales ont été interrogés et parfois bousculés. Dans un rapport rendu le 8 juillet 2025, la commission d’enquête sénatoriale sur les aides publiques aux entreprises évalue leur montant global à 211 milliards en 2023.

La seconde étape apparaît quelques mois plus tard avec la sortie, en septembre, de l’ouvrage réalisé par deux journalistes du Nouvel Obs Matthieu Aron et Caroline Michel-Aguirre (Allary Editions) : Le Grand détournement – Comment les milliardaires et multinationales captent l’argent de l’Etat. Selon eux, en France, en 2023, les aides aux entreprises ont représenté entre 111,9 milliards et 271,5 milliards selon le périmètre retenu. Dans le premier cas, il faut compter avec les aides budgétaires (175 mesures, 39,4 milliards), les aides fiscales (234 dispositifs, 52 milliards) et les aides financières (3 modalités, 17,3 milliards). Dans le second cas, il faut ajouter les exonérations de cotisations sociales (40 dispositifs, 70,5 milliards), les dépenses fiscales déclassées (39 dispositifs, 57 milliards) et les taxes  affectées (10 milliards). Chaque année, ces milliards d’euros « d’aides, d’exonérations, de crédits d’impôt et de subventions sont accordés aux entreprises, sans contrôle rigoureux et sans exigence de réelle contrepartie. Une distribution tous azimuts, où le petit artisan côtoie le géant du CAC 40, où la start-up locale partage la manne avec les multinationales les plus prospères. Résultat : les caisses se publiques se vident, les déficits se creusent, et … les marges des grands groupes gonflent. L’argent des contribuables irrigue les dividendes, arrose les actionnaires, accroît les fortunes déjà florissantes. Et tout cela au nom de la compétitivité », écrivent les deux journalistes.

Un bon patron parvient à « concilier l’inconciliable »

Il est intéressant de s’arrêter à Michelin puisque ce géant possédait une usine à Vannes. Pour la seule année 2023, Michelin a reçu près de 130 millions d’euros en subventions et autres avantages fiscaux. Ce qui s’accompagne d’une double manœuvre : d’un côté l’entreprise ferme Vannes et de l’autre délocalise ses machines en Espagne et en Roumanie. Comme le dit si bien Florent Menegaux, le PDG de Michelin : « Ce n’est pas une délocalisation. C’est  une réorganisation industrielle. » (audition devant la commission sénatoriale, 18 mars 2025). On peut ajouter que Michelin a fermé d’autres usines en France pendant la même période (Cholet et La Roche-sur-Yon).

Au cours de cette audition, Fabien Gay (PCF) met les points sur les i : « 1,4 milliards de dividendes, plus 1 milliard en rachats d’actions programmés entre 2024 et 2026, et 1200 licenciements à venir ! « Comment justifiez-vous que des aides publiques financent des groupes qui licencient tout en enrichissant leurs actionnaires ? » Menegaux soupire : « Mon rôle est de concilier l’inconciliable. Vois parlez de contradiction apparente. Moi, je parle de stratégie industrielle dans un marché ultracompétitif. Et les rachats d’actions ne réduisent en rien notre capacité d’investissement. » (Le Grand détournement, page 46). On peut lui rappeler qu’en 2023, le groupe a perçu 42 millions d’euros au titre du crédit d’impôt recherche (Aujourd’hui en France, dimanche 17 novembre 2024).

Les onze « dynamiques » sont fidèles au poste

Pour la Bretagne, la fermeture de Michelin à Vannes est un mauvais coup. Ouverte en 1963, cette usine était le premier employeur privé de la ville avec 299 salariés. « A Vannes, le site produisait principalement des renforts métalliques, c’est-à-dire des “squelettes métalliques“  destinés à la fabrication des pneumatiques poids lourds et tourisme (…) L’usine de Vannes a vu ses volumes décliner, passant de 41 000 tonnes en 2019 à 34 000 tonnes en 2024 en raison d’une baisse de la demande des autres usines poids lourds du groupe en Europe. » (Ouest-France, mercredi 6 novembre 2024). Deux points de vue s’affrontent. D’abord celui de Florent Menegaux, le PDG : « C’est l’activité qui s’est effondrée. Les marchés se transforment. Cette situation est malheureusement le fruit de plusieurs années de dégradation continue. » De l’autre : Manuel Caramante, secrétaire général de l’union locale CGT de Vannes, pour qui l’entreprise se porte bien : « L’an dernier son bénéfice opérationnel était de 3,6 milliards d’euros. » (Ouest-France, mercredi 6 novembre 2024)

Mardi 5 novembre 2024, les 299 salariés de Michelin Vannes apprennent donc que leur usine va fermer ; la majorité des ouvriers sera licenciée. Aujourd’hui, il reste onze « dynamiques » et la directrice dans l’établissement.  « Jusqu’au 31 mai 2026, mission leur est donnée de remettre le site en état. Ils vident les vestiaires, les repeignent, déménagent des meubles, l’outillage, les machines…. Ils sont là sur la base du volontariat et la plupart ont choisi de finir leur vie professionnelle dans leur usine. » (Le Télégramme, samedi 20 septembre 2025). Il paraît que l’entreprise va tenter de revitaliser le site et de favoriser l’emploi dans le secteur.  « Michelin va mettre un budget de 2 160 000 euros pour aider les entreprises qui ont projet de création d’au moins cinq emplois en CDI dans les trois ans sur le territoire des sept établissements de coopération intercommunale (EPCI) de la région. Cette aide prendra la forme de subventions à hauteur de 5 000 euros ou de prêt participatif jusqu’à 1 000 euros par emploi créé. Dix entreprises ont déjà manifesté leur intérêt. » (Le Télégramme, vendredi 17 octobre 2025)

Les Régions sont plus efficaces que l’État

Il n’y a pas que l’Etat à être concerné par les aides aux entreprises. Les Régions sont également dans la boucle. C’est ce qu’expliquent vingt vice-président de Région : « Deux cent onze milliards d’euros : au-delà du montant vertigineux, le rapport de la commission d’enquête sénatoriale relative aux aides publiques aux grandes entreprises a surtout mis en exergue l’échec de l’Etat à organiser un suivi méthodique et transparent de l’octroi des aides, à les contrôler et à établir des sanctions lorsque leur usage fut détourné de l’objectif initiale au profit d’une entreprise (…) Là où l’Etat met  211 milliards sans rendre de comptes, nous en mettons 2,6 milliards du mieux que nous pouvons, alors que nous en mettions pour plus de 3 milliards il y a deux ans du fait des efforts budgétaires pour résorber la dette nationale (…) Les outils régionaux financiers évoluent constamment avec les besoins des entreprises accompagnées, qui sont à 99 % des TPE et PME. 60 % des aides régionales aux entreprises sont des subventions et 40 % sont des avances remboursables, des garanties d’emprunt, des participations à des fonds régionaux d’investissement, et des  “chèques“ pour des accompagnements d’experts. » (La Tribune, dimanche 5 octobre 2025).

Bernard Morvan

Illustration : DR
[cc] Article relu et corrigé (orthographe, syntaxe) par ChatGPT.
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